Le boucher d'Arrest champion du monde de boucherie

A 39 ans, Johan Boudinel a obtenu le précieux trophée avec l'équipe de France lors du World Butchers' Challenge qui s’est déroulé fin mars à Paris. Une consécration pour cet artisan passionné, installé dans cette commune de 800 habitants aux portes de Saint-Valery-sur-Somme. Il s’est confié sur le concours, ses capacités de remises en question et sa volonté de transmettre.

Johan Boudinel, au centre, a tenu à associer une partie de son équipe.
Johan Boudinel, au centre, a tenu à associer une partie de son équipe.

Comment réagissez-vous à votre victoire ?
C’est de la satisfaction pour toute l’équipe de France et la filière. C’était une formidable aventure. Nous étions sept dans l’équipe. J’étais remplaçant, normal car j’étais le petit nouveau. Dans trois ans, je devrais être sélectionné. J’ai aimé le travail en équipe, les échanges d’idées, le partage. L’un apporte un ingrédient, une technique qui fait que… J’ai préparé cette compétition durant un an et demi. Les entrainements se déroulaient tous les quinze jours. Il fallait que je connaisse tous les postes de travail. Les deux derniers mois, c’était intense. Je suis installé dans un village de 825 habitants et j’étais aux côtés de bouchers qui travaillent dans de grandes villes. En France, nous nous distinguons par la maitrise des outils et des gestes. La boucherie est un art. Cela montre que c’est un métier qui évolue dans la façon de faire, dans la présentation des viandes et des recettes. Aujourd’hui, les gens achètent avec les yeux. Nous sommes en quête d’innovation, de nouvelles techniques de cuisson. La cuisson lente et à basse température apporte de la tendreté et du gout. Les concours, j’aime cela. J’ai été meilleur apprenti de France en 2003 et troisième européen en 2004. J’ai reçu des centaines de messages de félicitations. Le trophée est dans le magasin.

Qui sont vos clients ? Sont-ils curieux de nouveautés ?
Je travaille avec quelques restaurateurs. J’ai développé aussi une activité de traiteur notamment à destination des entreprises et des professionnels à une vingtaine de kilomètres autour d’Arrest. La très grande majorité de ma clientèle sont des particuliers qui viennent d’Abbeville, d’Eu… Certains sont des Parisiens en séjour sur la côte picarde. Dans nos métiers, il est important de savoir se remettre en question. Nous essayons beaucoup de recettes chaque semaine. Nos clients le savent et ils aiment cela. Pour Pâques, nous avons notamment proposé un médaillon d’agneau marbré. Il a eu beaucoup de succès. Le vendredi, quand ils entrent dans le magasin, il faut qu’ils fassent : waouh, que les petites pièces en mode pâtisserie les impressionnent, que ça leur donne le sourire. Chaque semaine, nous vendons 300 parts de plats à emporter : couscous, tajine, carbonate, burger de veaux… ce qui est important. Durant l’année, nous organisons des animations comme un menu dégustation à Noël. Nous, bouchers-charcutiers, sommes aussi des acteurs du rassemblement.

Cela fait-il revenir les jeunes dans votre boucherie ?
Ils reviennent de plus en plus vers la boucherie artisanale. Nous utilisons de épices que que nous ne travaillions pas avant car les jeunes aiment les plats et les viandes relevés. Ils achètent moins mais mieux. Ils aiment les nouvelles techniques de cuisson à l’américaine qui change de la côte et de la côtelette grillées. Ils demandent des morceaux comme la brisket. C’est un morceau de boeuf situé dans le haut de la poitrine. Il cuit de dix à douze heures dans un barbecue couvert.

Avez-vous des spécialités ?
Faire l’andouille (rires). Plus sérieusement, il y a le saucisson de salicorne, l’agneau de prés-salés, la viande maturée qui accentue le goût et la tendreté. J’essaie de travailler avec des éleveurs du coin. Je suis issu d’un petit village. J’ai grandi entouré de poules, de lapins, de vaches… J’ai noué un rapport de confiance avec un éleveur de Blondes d’Aquitaine et de Parthenaises situé à 150 m du magasin. Pour les porcs, je m’approvisionne auprès de la marque Le Porc d’antan. Ils sont élevés sur paille et voient la lumière du jour. Les veaux sont élevés sous la mère. La volaille fermière Label rouge vient du Nord, de Picardie et de Normandie… Les clients sont sensibles aux conditions d’élevage des animaux. On se doit d’afficher la traçabilité de nos viandes.

Combien avez-vous de salariés ?
Au total, nous sommes onze. J’ai encore deux apprentis. C’est important de former des jeunes, de faire valoir l’artisanat. Pour moi, la transmission est un devoir.

La devanture du magasin d’Arrest.

Dans quelques semaines, vous devriez recevoir le label régional maitre artisan…
En onze ans, j’ai formé 15 apprentis. Ce sont de futurs repreneurs pour d’autres boucheries-charcuteries. Je peux être heureux d’avoir une très bonne équipe. On va tous dans le même sens. On innove ensemble. Il est essentiel de prendre plaisir à travailler. Il est important de valoriser les labels des Hauts-de-France.

Racontez-nous votre parcours…
Je suis né au Boisle, dans la Somme à la frontière avec le Pas-de-Calais. Adolescent, je voulais faire quelque chose avec mes mains. J’avais des oncles bouchers. J’ai commencé mon apprentissage à 15 ans à Crécy-en-Ponthieu. Je suis allé travailler chez Pocholle à Amiens, puis à Abbeville, à Montreuil-sur-Mer, en région parisienne… J’ai su que cette boucherie était à reprendre. Pour moi, il y avait du potentiel. J’ai développé l’activité traiteur. En 2020, j’ai refait entièrement le laboratoire, le magasin et la vitrine. J’ai obtenu la certification Artisan en Or en 2021. Après un voyage au Canada, j’ai été le premier à proposer des cuissons au brasero pour de l’évènementiel… Je ne suis pas meilleur que les autres mais je pense avoir travaillé plus.

Avez-vous d’autres projets ?
Je vais essayer d’aller chercher le Graal, en tentant la sélection des meilleurs ouvriers de France en octobre 2025. J’aimerai bien faire des masterclass, dispenser des formations… pour dynamiser la profession. Je voudrai aussi encore me rendre à l’étranger pour découvrir d’autres cultures.