Laurent Rigaud : « Les artisans sont les bras armés de l'économie de proximité »

Installé à Wambrechies, près de Lille, depuis 2009 dans la boucherie qu'il dirige aujourd'hui avec ses filles, Laurent Rigaud a pris la succession d'Alain Griset en tant que président de la chambre de métiers et de l'artisanat Hauts-de-France depuis fin septembre.

Le BTP représente 36% des entreprises artisanales régionales. Crédit photo © Robert Kneschke
Le BTP représente 36% des entreprises artisanales régionales. Crédit photo © Robert Kneschke

“A nous de répondre aux besoins des consommateurs” prône Laurent Rigaud, nouveau président à la CMA Hauts-de-France. Crédit photo Victor Mahieu

C’est une institution qu’il connaît sur le bout des doigts. Engagé auprès d’Alain Griset depuis 2010, Laurent Rigaud partage aujourd’hui son temps entre la boucherie familiale – « je commence chaque journée avec mes équipes et j’y travaille chaque week-end » – et ses nouvelles fonctions, qui ont d’ailleurs commencé par un tour d’horizon des 40 antennes régionales, dont 21 centres de formation. « Nous accompagnons les entreprises à se transformer pour être encore là demain. Les artisans sont les bras armés de l’économie de proximité », poursuit l’ancien vice-président de la CMA. Mais dans un contexte de crise et malgré l’engouement des Français pour le commerce de proximité, la situation reste encore tendue, notamment chez les fleuristes ou les traiteurs.

Selon les chiffres de la CMA, 20% des entreprises iraient plutôt bien (essentiellement celles de l’alimentaire), 15 à 20% seraient en difficulté et 60% sont « au milieu, courageuses et bosseuses, mais sans gagner forcément bien leur vie», regrette Laurent Rigaud. C’est là l’un des enjeux de la CMA qui a déjà orienté entre 800 et 1 200 entreprises durant le premier confinement : accompagner et former pour permettre de rebondir et se relever de cette crise. Derrière ces mutations, l’indispensable virage numérique, que de nombreux commerces ont d’ores et déjà entamé. « Il va falloir aller plus loin. Ça coûtera plus cher de créer une entreprise que d’éviter qu’elle ferme. Les plans de relance, c’est très bien, mais il faut que cela aille directement à l’entreprise. Nous allons donc coller à la réalité, celle qui change tous les jours. » Et Laurent Rigaud de craindre les défaillances dès 2021, un manque de trésorerie et des remboursements de PGE.

Miser sur l’apprentissage

Plus grand centre de formation de la région avec 17 000 personnes formées chaque année dont 7 000 en apprentissage, la CMA mise sur une voie d’excellence via ses apprentis. Même si cette année, le nouveau mode de financement de l’apprentissage a perturbé le fonctionnement (les contrats sont désormais repris par les OPCO – opérateurs de compétences – et non plus directement par les CMA), il faut répondre aux besoins des entreprises. Laurent Rigaud en est un fervent défenseur, lui-même maître d’apprentissage : « Les jeunes dans l’artisanat gagnent bien leur vie, il faut le dire (entre 450 et 1 400 € nets, ndlr). On leur donne un vrai savoir-faire. » Neuf jeunes formés en apprentissage sur dix trouvent un emploi à la suite de leurs études.

Soutenir le commerce de centre-ville

Chaque année, entre 4 000 et 5 000 entreprises artisanales sont créées en Hauts-de-France, et la CMA n’enregistre pour l’instant aucune radiation. Ainsi, 50% des entreprises sont des micro-entreprises, avec une belle dynamique observée à Abbeville et Beauvais et un taux de survie de 70% à trois ans. Depuis 2016, le Nord – Pas-de-Calais a enregistré une hausse de 25% des immatriculations et augmente sa densité artisanale de 10 à 15 points chaque année (à raison de 150 entreprises pour 10 000 habitants en 2020 contre 89 il y a dix ans). Un défi pour le nouveau président : «On vise la première place. Nous avons des envies et des idées, on ne se donne aucune limite.» À fin 2020, on devrait enregistrer 100 000 entreprises artisanales pour 300 000 actifs en Hauts-de-France. « Le secteur qui recrutera dans les années à venir, c’est l’artisanat. Pendant quarante ans, on a privilégié le commerce en périphérie et on a mené des combats pour que la grande distribution n’utilise pas le mot “artisan”. On ne demande pas qu’elle disparaisse. Si les consommateurs ont compris qu’il fallait consommer différemment alors nous avons tout bon, mais il faut s’occuper des centres-villes. » Et contrer la grande distribution qui, justement, maille de plus en plus les centres-villes, à l’image des drive piétons qui fleurissent dans les hyper-centres.


La marque MiAM : apprendre à bien manger

Lancée fin 2019, ce concept, unique en son genre, vise à promouvoir tous les métiers de bouche : des gradins pour les master classes ouverts à tous, une dizaine d’intervenants réguliers (sommelier, boucher, pâtissier, apiculteur…) et une salle de dégustation sur le campus Eurartisanat de Lille ainsi qu’à Saint-Saulve. Lieu d’apprentissage à destination des particuliers et des professionnels, MiAM ouvre les sens tout en transmettant des compétences. D’autres ouvertures sont prévues.


Cartographie des entreprises artisanales régionales

• 14,8% sont dans la production

• 37,9% dans les services

• 11,3% dans l’alimentation

• 36% dans le bâtiment