La santé psychologique des salariés s’améliore mais reste préoccupante
Les derniers résultats du baromètre Opinionway pour le cabinet Empreinte Humaine sur l’état psychologique, les risques psychosociaux et la résilience des salariés français deux semaines après la fin du confinement*, ont été présentés le 9 juin dernier. L’occasion de faire le point sur la santé des salariés en sortie de confinement, l’impact du télétravail et l’avenir de leur rapport au travail.
Suite au déconfinement, la détresse psychologique des salariés a baissé de 5 points (42 %), et la détresse psychologique élevée perd 4 points (17 %). C’est la première bonne nouvelle de la 3ème vague du baromètre d’Empreinte humaine relatif à la santé des salariés. Même si ces chiffres restent encore très élevés.
La santé physique intimement liée à la santé psychologique
D’autant que le cabinet de prévention des risques psychosociaux et d’amélioration de la qualité de vie au travail Empreinte Humaine relève que ces salariés en détresse psychologique déclareraient 1,5 à trois fois plus de problèmes de santé physique (troubles du sommeil, douleurs et tensions musculo-squelettiques, maux de tête, problèmes digestifs, cardiovasculaires ou hypertension). «Le niveau de détresse demeure quand même préoccupant, notamment au regard des pathologies physiques qui apparaissent. Il faut que les entreprises soient vigilantes», déclare Christophe Nguyen, psychologue du travail et président du cabinet.
Autre enseignement préoccupant, le déconfinement semble être facteur d’anxiété nouvelle pour les salariés : soit une source de peur pour un salarié sur deux. D’autre part, des tensions entre les personnes sont apparues dans l’entreprise pour 41% des salariés. En cause, un sentiment d’iniquité, parfois lié à des mesures non comprises ou acceptées, des comparaisons avec la situation d’autres collègues, ou des colères accumulées durant la période précédente. Et, plus la détresse psychologique augmente, plus la performance baisse. Ainsi, les salariés qui ne sont pas en détresse psychologique indiquent une performance de 80%, tandis qu’elle baisse à 69% pour ceux en détresse modérée, et 59% lorsqu’ils sont en détresse psychologique élevée.
Le télétravail ne doit pas être vécu comme une contrainte
«On voit moins de détresse psychologique des salariés quand il y a du soutien des N+1 et des collègues», remarque Jean-Pierre Brun, co-fondateur d’Empreinte Humaine. Mais ce soutien est plus difficile à apporter lorsque les salariés sont en télétravail. Or, 85% des salariés souhaitent conserver la possibilité d’en faire. Pour autant, cela ne doit pas se réaliser sans encadrement, pas seulement «d’un point de vue juridique ou de charte, mais aussi et surtout autour de l’organisation, des comportements et des attitudes au travail», relève Christophe Nguyen. Ainsi, plus de la moitié des salariés veulent davantage de règles de fonctionnement pour le télétravail. C’est d’autant plus important que «certaines formes ou conditions de télétravail sont délétères et peuvent générer de la détresse psychologique», note le psychologue du travail. Ainsi 39% des salariés en télétravail se sentent isolés et 27% vivent cette organisation comme une contrainte. Plusieurs facteurs sont notamment nuisibles, comme le fait d’avoir un travail répétitif, haché et peu varié et une segmentation trop forte des tâches. Un télétravail mal organisé peut générer «un risque psychosocial fort quand il est néo-taylorisé et quand le management ou les relations ne sont pas adaptés». Résultat, 40% des télétravailleurs n’arrivent pas à oublier le travail après la journée et 50% montrent de la facticité émotionnelle, c’est-à-dire cachent leurs émotions ou font semblant d’être de bonne humeur. «Cette dissonance émotionnelle peut être coûteuse d’un point de vue psychologique. Le télétravail doit reposer sur des principes de confiance et d’autonomie, de responsabilisation et de conciliation entre conception et exécution du travail, et donc sur la participation aux décisions pour permettre un travail dans lequel le télétravailleur peut se reconnaître et être fier».
Plus de la moitié des salariés font preuve de résilience
S’il est «désorganisé, le télétravail empêche la résilience». Or l’étude montre que plus de la moitié des salariés (53%) en font preuve. La croissance post-traumatique (CPT), également appelée résilience, consiste, après un événement traumatique, à «recomposer certaines facettes de sa vie plutôt que de se laisser emporter dans une spirale descendante au plan émotif. Les études scientifiques montrent qu’elle permet de prévenir la dépression, notamment, ou d’autres troubles mentaux», explique-t-on au sein du cabinet Empreinte Humaine. Ainsi, 84% des personnes en situation de CPT éprouvent plus de bien-être que ceux qui ne le sont pas, 60% des salariés disent mieux apprécier la valeur de la vie, leurs priorités ont changé pour 48% et 41% réalisent mieux qu’ils peuvent compter sur les autres, en cas de problèmes.
«La crise psychologique se transforme en de nouvelles attentes et priorités, nouveaux centres d’intérêt ou de réorientation de vie des personnes, ce qui contribue à préserver leur santé psychologique. Cette résilience est à prendre en compte au moment où on parle de résilience de l’économie ou de refondation de l’objet social des entreprises», conclut Christophe Nguyen.
*Résultats de la 3e vague du baromètre exclusif Opinionway pour Empreinte Humaine sur l’état psychologique, les risques psychosociaux et la résilience des salariés français, deux semaines après la fin du confinement, réalisé du 20 au 29 mai 2020, auprès d’un panel représentatif de 2000 salariés.
Charlotte de SAINTIGNON