Emploi des cadres

La nouvelle donne…

Une baisse historique de 40 % des recrutements de cadres au niveau national l’an passé. Le Grand Est n’échappe pas à la règle mais apparaît mieux résister que la moyenne hexagonale avec des places fortes de bassins d’emploi à l’image de Nancy et Metz. Paradoxalement, les difficultés de recrutement évoquées par les entreprises semblent s’accentuer mais pour des raisons différentes des années précédentes. Le tout agrémenté par de nouvelles perspectives envisagées par les cadres avec notamment l’importance, à prendre en considération, de la notion de télétravail. Décryptage avec Thierry Rouchon, le délégué territorial Lorraine, Champagne-Ardenne de l’Apec.

Dans le Grand Est, et particulièrement en Lorraine, la baisse des offres d'emplois cadres publiées sur le portail de l'Apec est moins important que la moyenne nationale.
Dans le Grand Est, et particulièrement en Lorraine, la baisse des offres d'emplois cadres publiées sur le portail de l'Apec est moins important que la moyenne nationale.

«Les entreprises, TPE et PME continuent à recruter toutes les bonnes compétences ! Tout n’est pas si noir même si la baisse des intentions de recrutement est bien palpable dans le Grand Est et surtout au niveau national.» Thierry Rouchon, le délégué territorial Lorraine Champagne-Ardenne de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) temporise par rapport aux derniers chiffres nationaux connus. Les offres d’emploi enregistrées sur le portail de l’Apec affichent une baisse de 29 % au niveau national mais le Grand Est apparaît mieux résister avec une baisse de «seulement» 21 %. La Lorraine indique, elle, une baisse de - 16 % et certains bassins d’emploi apparaissent plus solides. Nancy enregistre une baisse de - 10 % des offres d’emplois cadres sur le portail de l’Apec. «Cela s’explique par la typologie du tissu économique de l’agglomération nancéienne où les services mais surtout la place du numérique et celle de la R& D sont importantes. Sans parler de la santé où l’on a enregistré une hausse des offres d’emplois de cadres de + 48 %. Les fonctions commerciales sont également toujours recherchées au même titre que la gestion administrative ou encore l’informatique», constate le délégué territorial de l’Apec.

Panel Grand Est en mars-avril

Côté intentions de recrutement pour cette année, «notre panel régional des intentions de recrutement devrait être finalisé pour le mois de mars ou d’avril, aujourd’hui nous avons encore trop peu de recul.» À la fin de l’année dernière, la moitié des ETI (Entreprises de taille intermédiaire) recrutait au moins un cadre, elles sont 15 % à le faire dans les PME et 5 % dans les TPE. Bilan des courses au niveau national, les derniers chiffres connus font état, au niveau national, d’une baisse des recrutements de 40 % avec 170 000 recrutements de cadres en 2020 (contre 281 300 embauches en 2019) dont 12 310 dans le Grand Est. «La crise inédite que nous vivons a plongé l’économie dans une profonde récession. La période de confinement à mis à l’arrêt des secteurs entiers de l’économie et a stoppé les investissements des entreprises. Les TPE-PME ont été touchées plus intensément que les autres. Les cadres n’ont pas été épargnés par les impacts très lourds de la crise sur le marché du travail», assure Gilles Gateau, le directeur général de l’Apec dans sa dernière enquête sur les intentions de recrutement et de mobilité des cadres parue l’année dernière. «Pour le dernier trimestre de 2020, les entreprises sont plongées dans l’incertitude. Près d’une sur deux déclare ne pas être en mesure d’anticiper son niveau d’activité. Pour autant, certaines prévoient des recrutements et anticipent toujours des difficultés à trouver des candidates et candidats qui correspondent à leurs besoins.» La donne n’est pas nouvelle et «les compétences restent difficiles à trouver dans le numérique, les études et la recherche & développement.» Ces difficultés de recrutement devraient «s’intensifier», assure Thierry Rouchon. «Plus de la moitié des entreprises assurent avoir des difficultés de recrutement.» À côté des difficultés redondantes connues depuis plusieurs années, de nouvelles causes viennent s’ajouter aujourd’hui à ces difficultés de recrutement. 

Services à forte valeur ajoutée

«Les cadres en poste aujourd’hui sont beaucoup moins mobiles. La conjoncture actuelle et les incertitudes présentes ralentissent les mobilités des cadres en poste plus frileux à bouger.» À l’opposé, une typologie de cadres ressort également de nos jours. «Nous avons enregistré une grosse demande de cadres en poste prévoyant un coup d’arrêt, voire la disparition pure et dure, de leur entreprise. Cela concerne majoritairement les cadres seniors.» Côté secteur où l’emploi cadre demeure dynamique : les services à forte valeur ajoutée (activités informatiques, ingénierie et R&D, le conseil, la banque-assurance, la communication-média et les activités juridiques et comptables). Ils demeurent toujours les moteurs de l’emploi cadre mais à ce jour, la récession économique ne les a pas épargnés. «Les services à forte valeur ajoutée polarisent 40 % des cadres en poste dans le secteur privé, ils se caractérisent par des taux d’encadrement élevés (52 % contre 21 % pour l’ensemble des secteurs) et concentrent une grande part des recrutements de cadres (51 % en 2019). Aussi, depuis plusieurs années, ils ont connu un fort dynamisme en lien avec les transformations structurelles à l’image du numérique, de l’environnement ou encore de la transformation énergétique. La récession économique n’a pas épargné ces activités. L’an passé, 30 % des entreprises de ces secteurs ont annulé ou reporté des recrutements programmés.» Reste que ces secteurs de services à forte valeur ajoutée affichent une meilleure visibilité. «Ils devraient continuer à embaucher pendant et après la récession économique car à présent 60 % des entreprises de ces secteurs sont en capacité d’anticiper leur niveau d’activité. D’autant que ces entreprises sont plutôt confiantes pour l’avenir. Elles affichent des carnets de commandes plutôt bien orientés et des niveaux de trésorerie qui inspirent confiance.» Quid de l’année qui vient de débuter ? Les entreprises qui arrivent à se projeter, celles qui tentent d’anticiper de nouveaux marchés ou qui ont les reins assez solides pour se préparer à faire face à une reprise qui pourrait être rapide, devraient en toute logique renouer avec les recrutements. Reste à avoir l’enveloppe financière nécessaire pour le faire…