La médiation, un outil de résolution adapté ?
Les entreprises peuvent être confrontées à des conflits avec un partenaire commercial, un fournisseur ou un client. Les dirigeants doivent, quant à eux, gérer des rapports sociaux tendus, des situations de crise ou des rapports compliqués avec des associés. Des contentieux judiciaires peuvent s’enliser. On évoque la médiation. Pour en savoir plus sur cette approche qui semble avoir de plus en plus ses adeptes, nous avons rencontré Valérie Delacour-Penazzo, médiatrice, avocate et présidente de l’association Médiation Hauts-de-France.
La Gazette : Dans quelles situations fait-on appel à la médiation ?
Valérie Delacour-Penazzo : Les occasions de conflit dans l’entreprise sont multiples et consomment souvent beaucoup d’énergie et d’argent pour y mettre un terme, sans toujours obtenir une solution pleinement satisfaisante. La médiation constitue un outil efficace pour trouver rapidement, avec l’aide d’un tiers, une solution adaptée et personnalisée, suivant un processus dont les parties conservent le contrôle, tout en restaurant la relation commerciale, sociale, de travail et/ou d’association.
Comment se passe une médiation ?
L’efficacité de ce processus repose naturellement autant sur la volonté des parties à le mettre en œuvre, tout en conservant la liberté d’en sortir à tout moment, que sur l’intervention du médiateur, tiers neutre qui met en œuvre des techniques spécifiques permettant à chaque partie de sortir de sa position, de déterminer ses intérêts et d’élaborer par elle-même une solution. Le médiateur ne cherche pas à imposer des solutions, il ne donne pas d’avis. Formé aux techniques d’écoute et de reformulation, il joue le rôle d’un facilitateur pour vider le conflit des malentendus et des non-dits qui l’encombrent, de façon à aider les parties à recréer, en toute confidentialité, un lien pour mieux se projeter dans l’avenir.
Quel est l’intérêt de recourir à la médiation ?
Ils sont multiples. La solution trouvée est satisfaisante, puisque les parties participent elles-mêmes à son élaboration. Le processus est rapide puisque, en moyenne, une, deux, voire trois réunions suffisent à dénouer le litige, ce qui permet de rétablir la relation sociale et/ou commerciale. L’accord s’exécute sans aucune difficulté puisqu’il répond aux besoins exprimés lors de la médiation. Le coût reste modéré relativement à une procédure judiciaire beaucoup plus longue, d’autant que de façon habituelle, les parties partagent par moitié les honoraires du médiateur. Il est possible d’y recourir à tout moment, qu’une instance judiciaire ait ou non été mise en place quel que soit le stade de son déroulement.
Tous les domaines de droit sont-ils concernés ?
Tous les domaines du droit sont concernés, hormis ceux qui relèvent de l’ordre public ou qui concernent des droits «indisponibles», comme en matière de filiation par exemple. Il est donc possible d’entrer en médiation pour des contrats commerciaux, en matière de propriété intellectuelle, en matière immobilière et droit de la construction, à l’occasion de relations de travail tendues, en matière d’assurances, etc. Ce processus est respectueux des droits des parties. Il est libérateur et apaisant puisqu’il ne s’agit ni de constituer un dossier contre l’autre, ni de détruire l’argumentation adverse, mais de construire ensemble une solution intéressante pour chaque partie.
Y a-t-il des chiffres sur les résultats obtenus ?
Selon différentes sources statistiques, une médiation a 85% de chances d’aboutir à un accord. Et si les entreprises ont encore peu recours à ce mode alternatif de règlement des différends, c’est uniquement parce qu’il est encore méconnu. Or, la loi encourage les parties en litige à recourir à la médiation puisqu’il est désormais obligatoire de chercher une solution amiable avant d’intenter un procès (cf. décret n° 2015-282 du 11 mars 2015). La réussite d’une médiation repose pour beaucoup sur la compétence du médiateur. Cette profession n’étant pas encore réglementée, il importe donc de s’assurer au préalable de la qualité de sa formation à la médiation, comme de celle de l’avocat qui accompagnera l’entreprise et son dirigeant. Dans son rapport d’octobre 2008 issu du groupe de travail sur la médiation «Célérité et qualité de la justice. La médiation : une autre voie», Jean-Claude Magendie, 1er président de la cour d’appel de Paris, soulignait : «Les parties qui entament un processus de médiation en recourant à l’assistance d’un avocat obtiennent deux fois plus d’accords contractuels que ceux qui s’y engagent seuls.»