La loi sur la consommation veut chasser les rentes
La loi sur la consommation, votée en février, vient d'être promulguée. Mesure phare, l'action de groupe s'ajoute à d'autres, comme un élargissement de la distribution de certains produits. Au delà, le gouvernement entend poursuivre son action en faveur de la concurrence. Prochain chantier, les professions réglementées ?
Les décrets de la loi sur la consommation, publiée au Journal officiel du 18 mars, seront rapidement promulgués et l’essentiel des textes appliqués avant fin 2014. C’est ce qu’a promis Benoît Hamon, ministre de la Consommation, lors de la présentation du texte, en compagnie de Pierre Moscovici, le 19 mars, à Paris. Avec cette loi, il s’agit d’ « améliorer très concrètement le quotidien des Français », estime le ministre de l’Economie. Pour Benoît Hamon, ce texte vise à « redonner du pouvoir aux Français ». Parmi les priorités affichées par les deux ministres, figure en tout cas la « lutte contre les rentes ». Économiquement, d’après les estimations avancées par Pierre Moscovici, les effets de la loi pourraient générer 10 000 emplois dans les années à venir et permettre aux Français de récupérer 1,5 milliard d’euros de pouvoir d’achat. Mesure phare de la loi, l’action de groupe. Ses premières applications sont espérées dès cette année. Un dispositif « évoqué depuis tant d’années et jamais concrétisé jusqu’à présent », insiste Pierre Moscovici.
Concrètement, la loi va permettre un recours collectif pour traiter les litiges sur la consommation de masse. Le dispositif passe par l’action en justice engagée par l’une des 15 associations de consommateurs agréées au niveau national. Après le jugement, tout consommateur peut rejoindre le groupe, pour bénéficier de la réparation prévue. C’est d’abord, « une arme de dissuasion » face à certaines pratiques commerciales déloyales, commente Benoît Hamon.
Autre axe de la loi : l’élargissement de l’accès à certains produits. Ainsi, les tests de grossesse, pourront désormais être vendus dans les grandes surfaces. Les lunettes, elles, sont autorisées à la vente en ligne. Pour Benoît Hamon, il s’agit de « muscler la concurrence ». Bercy attend de cette mesure la baisse de prix de ces biens que le ministère juge beaucoup plus chers que dans les autres pays d’Europe. Mais les produits ne sont pas les seuls visés : dans le domaine de l’assurance-emprunteur aussi, « la concurrence sur ce marché est trop limitée », juge Pierre Moscovici. Il sera dorénavant possible de changer d’assureur, jusqu’à un an après la signature du prêt. D’après les estimations de Bercy, cette mesure pourrait permettre aux ménages français d’économiser 200 millions d’euros par an.
Freins et sanctions
D’autres produits financiers font l’objet de mesures, comme le crédit à la consommation. Nonobstant la censure du Conseil constitutionnel (cf. encadré), il s’agit d’ « avancées significatives dans la prévention » du surendettement, estime Pierre Moscovici. Le texte prévoit, par exemple, l’offre de cartes de fidélité sans solution de crédit, en parallèle de celles avec crédit. Par ailleurs, certains dispositifs évoluent, qui devraient permettre au consommateur de gagner du pouvoir d’achat. A présent, ils pourront résilier à tout moment leurs contrats d’assurance multirisques habitation et responsabilité civile automobile, à partir de la fin de la première année. Et pour en finir avec les « paiements indus », comme les qualifie Benoît Hamon, la loi prévoit que l’unité de temps pour le paiement du stationnement dans les parkings soit le quart d’heure, et non plus l’heure. Par ailleurs, « nous mettons des freins à des frais qui étaient inacceptables », ajoute Benoît Hamon. Exemple : des frais facturés par une maison de retraite après le décès de la personne. D’autres freins sont mis à d’autres types de pratiques abusives, qui ne concernent pas le prix mais la gêne occasionnée. Ainsi, le niveau de sanctions va augmenter concernant les abus de démarchage téléphonique. Et toute entreprise qui détient un fichier de prospects devra le croiser avec la liste rouge qui regroupe ceux qui ne veulent pas être démarchés.
D’autres mesures visent à favoriser une consommation plus avertie et moins … consumériste. La garantie légale de conformité d’un produit passe de six mois à deux ans. Plusieurs dispositifs d’information sur les produits sont en gestation. C’est le cas de l’indication géographique pour les biens manufacturés, dont les producteurs peuvent se saisir pour créer une appellation qui leur est spécifique. Dans la restauration, l’appellation « Fait maison » devrait permettre aux consommateurs de distinguer les plats cuisinés sur place des autres. Un autre volet encore de la loi vise les relations inter-entreprises, et tout particulièrement les relations entre fournisseurs et distributeurs. Ainsi, le texte prévoit une sanction « fortement dissuasive », prévient Pierre Moscovici, (jusqu’à 375 000 euros) pour les entreprises qui ne respectent pas les délais de paiement auprès de leurs fournisseurs. Chiffrage affiché des effets escomptés de la mesure : rendre 15 milliards d’euros de trésorerie aux PME.
Prochain épisode : les professions réglementées ?
« L’action du gouvernement ne s’arrête pas avec cette loi . (…) nous n’en avons pas fini avec des chasses gardées et ces rentes qu’il s’agit de remettre en cause », prévient Benoît Hamon. Au programme : s’attaquer aux prix des prothèses auditives et dentaires. Mais les professions réglementées, déjà visées par l’Autorité de la concurrence, pourraient aussi faire l’objet des attentions du gouvernement. Lors d’un entretien aux Echos, le 10 mars dernier, Bruno Lasserre, patron de l’Autorité de la concurrence, estimait que « dans trop de professions réglementées, les tarifs sont ajustés chaque année au rythme de l’inflation, sans que l’on se penche sur la structure des coûts : ces derniers ont souvent baissé à cause des gains de productivité et de l’informatisation des process. ». Avis manifestement partagé par Benoît Hamon, qui explique regarder avec « beaucoup d’intérêt » les avis de l’Autorité de la concurrence. Des évolutions à venir ? Pas « sans concertation avec les professions », veut rassurer Pierre Moscovici.