La défense plaide la relaxe à la fin du procès d'Eric Dupond-Moretti, "coupable de rien"

La défense d'Eric Dupond-Moretti a plaidé jeudi la relaxe à la fin de son procès inédit, en rappelant aux juges "l'enjeu" de leur décision : une condamnation, même "la plus basse", "suffirait" à entraîner...

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti lors d'une suspension d'audience de son procès devant la Cour de justice de la République (CJR), le 15 novembre 2023 à Paris © Thomas SAMSON
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti lors d'une suspension d'audience de son procès devant la Cour de justice de la République (CJR), le 15 novembre 2023 à Paris © Thomas SAMSON

La défense d'Eric Dupond-Moretti a plaidé jeudi la relaxe à la fin de son procès inédit, en rappelant aux juges "l'enjeu" de leur décision : une condamnation, même "la plus basse", "suffirait" à entraîner la démission du ministre de la Justice.

Les trois magistrats professionnels et douze juges parlementaires de la Cour de Justice de la République (CJR) sont partis délibérer dans la foulée, un délibéré qui pourrait se prolonger vendredi si nécessaire. Il faut une majorité de huit voix au moins pour une condamnation. 

C'est ensuite le président Dominique Pauthe qui rédigera la décision. Les juges se réuniront pour la valider le 29 novembre au matin et la décision sera lue en audience publique à 15H00.  

Avant la fin du procès, le président a donné une dernière fois la parole à Eric Dupond-Moretti. "Je n'ai rien à ajouter", a déclaré d'une voix blanche à la barre le ministre de 62 ans. 

Mercredi, l'accusation avait requis contre lui une peine d'un an de prison avec sursis, disant sa "conviction" que le garde des Sceaux s'était rendu coupable du délit de "prise illégale d'intérêt".

Ces poursuites contre le ministre, ce réquisitoire, sont "profondément injustes", a dit son avocate Jacqueline Laffont pour qui Eric Dupond-Moretti n'est "coupable de rien".

Ultime bataille

"J'ai un peu le sentiment que quand l'institution judiciaire se sent attaquée, elle est capable d'injustice", a-t-elle poursuivi, dénonçant la "guerre" menée par certains magistrats qui n'auraient jamais accepté la nomination de cet avocat, notoirement peu tendre avec eux, au ministère de la Justice en 2020.

"L'ultime bataille" pour le pousser "à démissionner" se tient à cette audience, dit-elle en s'adressant aux trois magistrats professionnels... mais surtout aux douze juges parlementaires de la CJR, à qui elle rappelle que le même délit pourrait, "demain", être "reproché à n'importe lequel d'entre vous".

"L'enjeu" de la décision qu'ils doivent désormais prendre est une éventuelle démission du ministre. "Une condamnation la plus basse, la plus ridicule, suffirait à cela", leur assure-t-elle. Et d'ajouter: "Il n'en va pas seulement de l'honneur d'un homme, il en va de l'équilibre des pouvoirs".  

L'accusation avait affirmé mercredi que M. Dupond-Moretti avait ignoré les "alertes" et "franchi une ligne qu'il n'aurait jamais dû franchir": ouvrir, en tant que ministre, des enquêtes administratives visant quatre magistrats qu'il avait critiqués quand il était avocat - déclenchant une plainte inédite des syndicats de magistrats.

"Il a fait quoi Eric Dupond-Moretti ?", s'est emporté son autre avocat, Rémi Lorrain, affirmant une fois encore que le ministre n'avait fait que suivre les "recommandations" de ses services sur des procédures lancées par sa prédécesseure. "Du début à la fin", il "est absent du processus décisionnel", n'a "jamais donné d'instruction", insiste-t-il. Devenu ministre, "Eric Dupond-Moretti n'en avait rien à secouer" de ces affaires, "il ne s'est pas vengé!"

Réaction naturelle

Assis à sa table dans le prétoire, M. Dupond-Moretti écoute attentivement, mimant l'indignation ou la stupéfaction en même temps que son avocat  plaide. Mais quand Jacqueline Laffont se met à parler de lui, il pose sa tête entre ses poings et se fait plus petit.

Les avocats commencent souvent leurs plaidoiries en disant leur "honneur de défendre" leur client. Me Laffont n'a pas dérogé à la règle: Eric Dupond-Moretti et ses 36 années de barreau à écumer les cours d'assises de France "fut la fierté de notre profession" avant que sa vie ne "bascule" au moment de sa nomination place Vendôme, dit-elle.

Certes, l'avocat a pu "énerver, exaspérer" à l'audience, avec ses interruptions et commentaires incessants. "C'est la réaction naturelle et spontanée d'un homme accusé à tort et qui en souffre", plaide-t-elle. "Ce procès, c'est le procès de sa vie."

Me Laffont "connaît", elle, Eric Dupond-Moretti depuis "de longues années", mais elle "espère" que les juges ont pu apercevoir qui il était pendant ces dix jours d'audience. Malgré sa "fougue, ses excès parfois", jure-t-elle, "il est la spontanéité, la transparence" et "les calculs lui sont totalement étrangers".

"Mais ils ne sont pas étrangers à ce dossier", poursuit Me Laffont. "On peut tourner ce dossier dans les tous les sens", le ministre "n'aurait jamais dû se trouver à la place qui est la sienne aujourd'hui".

mdh/cal/vk  

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