La créativité sans limite
2 400 m2 dédiés à la créativité, à la fabrication et à la mutualisation des compétences. Depuis un an, TechShop Ateliers Leroy Merlin a ouvert ses portes dans le quartier des Bois-Blancs à Lille. Depuis, plus de 250 membres y puisent leur inspiration, se forment sur des machines dernier cri et donnent vie à leurs projets, personnels ou professionnels.
Bricoleur du dimanche, étudiant, collaborateur d’entreprise, auto-entrepreneur… TechShop Ateliers Leroy Merlin fourmille de makers (voir encadré) qui dessinent, soudent, découpent ou assemblent du bois, du métal, de la céramique ou encore du textile. Après un premier espace à Ivry-sur-Seine en 2015, c’est à Lille que s’est ouvert le second TechShop, suivi par celui de Station F à Paris il y a quelques semaines. Inauguré en avril 2017 et créé en partenariat avec l’Université catholique de Lille – notamment avec l’ICAM et le réseau Yncréa – et EuraTechnologies, ce tiers-lieu, défini comme le «plus grand makerspace d’Europe» démocratise l’accès aux outils, aux savoir-faire et aux machines, permettant ainsi aux non-professionnels de créer sans aucune limite. «Ce mouvement des makers est une lame de fond qui nous inspire beaucoup», explique Julien Ignaszewski, ancien salarié de Leroy Merlin, devenu directeur du TechShop lillois, lui-même très bricoleur – «j’ai le projet de réaliser moi-même mes garde-corps et je rénove aussi des meubles anciens» – et à l’affût des méthodes innovantes. «On pourrait dire que nous sommes comme un club de gym : les gens viennent, par abonnement (à partir de 60 € par mois, ndlr) ou avec des tickets à la journée, quand ils veulent puisque nous sommes ouvert du lundi au dimanche», poursuit Julien Ignaszewski en arpentant les allées du TechShop, non sans présenter certaines personnes qui viennent tous les jours. Depuis son ouverture, le lieu accueille aussi bien une clientèle «loisirs» (des enfants, notamment lors de stages dédiés, des jeunes retraités…) que des professionnels (entrepreneur, créatif, designer…) et des étudiants. Cet espace de travail doté de 150 machines s’apparente à une usine version miniature pour celui ou celle qui veut se lancer, mais aussi se former autour de dix univers (textile, impression 3D, métal, bois, électronique…). «Pour les écoles du réseau Yncréa, nous sommes un lieu de travaux pratiques sur la fabrication 3D. Nous avons d’ailleurs créé l’école Adimaker, une prépa très pratique en deux ans, qui permet ensuite d’intégrer HEI, l’ISEN ou l’ISA. C’est une alternative aux prépa plus classiques.» Un mot d’ordre règne au TechShop : l’accompagnement. D’ores et déjà, 2 000 personnes ont été instruites via des formations pour appréhender des logiciels ou des ateliers thématiques («Concevoir une table en bois design», «Fabriquer sa planche de skate board», «Fabriquez votre premier vêtement»…). Dix coachs accompagnent les membres dans leur projet et une quarantaine de formateurs dispensent des formations professionnelles, puisque le TechShop est aussi organisme de formation agréé.
Projets accompagnés
Des projets, Julien Ignaszewski pourrait en citer des dizaines. Par exemple, c’est au TechShop qu’est née la carte électronique pour les coopératives agricoles, imaginée par la start-up Samsys (EuraTechnologies) mais aussi une marque de sac à main en cuir et en bois imaginée par une fratrie ou encore «L’Ours à paillettes», créée par Fred et Geneviève Duthilleul, qui propose des objets de décoration et des meubles refaçonnés à partir d’un vieux baril ou d’une marmite. Sans oublier Marie, qui a imaginé une boîte à contes devenue un support pédagogique pour sensibiliser les élèves au harcèlement scolaire… Ce qui ressort immédiatement lorsqu’on entre dans le TechShop, c’est cette effervescence de créativité, véritable tremplin pour certains, à l’image de Laury Bonjean, créatrice de Be Wöod (nœuds papillons, boutons de manchettes et bijoux). «Je suis au TechShop depuis son ouverture, après avoir testé le fablab de Roubaix. Je réalise ici la découpe de mes pièces en bois. Je travaille avec un ébéniste de la région, je suis très attachée à créer une marque Hauts-de-France. J’ai suivi une formation au TechShop sur la machine à découpe laser. Si j’avais investi dans cette machine, j’aurai mis des années avant de la rentabiliser et je n’aurais pas pu bénéficier de la dernière technologie», explique la jeune créatrice qui vend sur son site Internet mais aussi dans une vingtaine de magasins en France et en Belgique.
Un outil de teambuilding
«Les entreprises sont curieuses de découvrir le concept. Elles peuvent louer les salles de réunion ou venir en atelier découvrir leur potentiel créatif en mettant les mains à la pâte !» poursuit Julien Ignaszewski devant ce groupe de salariés venus fabriquer des caisses en bois destinées à une école. Depuis l’ouverture, plus de 100 entreprises ont déjà été accueillies. «Le TechShop peut servir pour développer l’entrepreneuriat interne, mais aussi pour les collectivités intéressées par un fablab.» Prochaine étape : l’organisation d’un hackathon avec une entreprise dont le nom est encore secret, où les participants travailleront à trouver une manière innovante de recycler des produits. Sur certaines prestations, le TechShop peut aussi devenir un partenaire : «Nous ne sommes pas un centre de prestations où on nous demande de fabriquer des produits à la place d’une entreprise. Mais il est possible de faire faire certaines choses sur nos machines. Nous avons par exemple travaillé avec une start-up qui avait besoin d’un outil de communication sur sa remorque, coconstruit un stand ou préparé un système de lettrage pour les Euratech Days», détaille le directeur.
A l’heure du bricolage 2.0
«Notre ambition ? Permettre à chacun de se révéler, de reprendre le pouvoir sur les objets. Cela renouvelle la pédagogie. Mais aussi rendre possible les connexions entre des étudiants et des entreprises qui sont à la recherche de talents. Il faut que les connexions se fassent. Le TechShop peut faire peur car les machines sont impressionnantes, mais des tas de membres se sont lancés avec très peu de choses. Il y a un côté addictif. Il suffit juste de se lancer, qu’on soit un particulier ou une entreprise.» Il suffit aussi de pousser simplement les portes pour sentir l’énergie du lieu, de ce peu de choses dont ont besoin les makers pour booster leur créativité, tout en partageant le plus possible leurs bonnes pratiques.
Mais qui sont les makers ?
Le Maker Movement est un terme lancé par Dale Dougherty, de O’Reilly Media, dans les années 2000. Cet Américain a mis des mots sur le désir de fabriquer des choses soi-même tout en utilisant les capacités du digital. La culture “maker” est une branche de la culture du DIY (Do It Yourself) et s’intéresse particulièrement à l’électronique, la robotique, l’impression 3D, la métallurgie, la menuiserie, les arts traditionnels… Les makers misent sur un apprentissage informel, mais surtout collaboratif, dans des hackerspaces («espaces de hackers»), les makerspaces, mais aussi les fablabs («fabrication laboratory» ou laboratoire de fabrication).