La cour administrative d’appel voit ses effectifs augmenter

La rentrée solennelle est un moment privilégié de la vie de la cour administrative d’appel. Lors de cette audience, le président a dressé un bilan de l’année écoulée et essayé de projeter sa juridiction vers le futur. La cour administrative d’appel douaisienne voit ses effectifs renforcés et espère pouvoir dégrossir le stock de dossiers dont elle dispose.

Etienne Quencez a rappelé les grands chantiers dans lesquels la cour administrative d’appel est engagée. ©ACT'STUDIO
Etienne Quencez a rappelé les grands chantiers dans lesquels la cour administrative d’appel est engagée. ©ACT'STUDIO

Depuis quelques années, la cour administrative d’appel, tout comme les autres juridictions locales et régionales est en pleine révolution. Une révolution numérique qui dans le cadre de la mise en place du système télérecours permet des échanges exclusivement par voie électronique et dématérialisée entre la cour et les parties au procès (administration et avocats). «Cette profonde mutation est aujourd’hui achevée, une réussite due à la qualité du greffe de la cour, disponible pour aider les parties en cas de difficulté, mais également grâce à l’engagement des administrations et des barreaux de notre ressort», présente Etienne Quencez, président de la cour administrative d’appel de Douai. La dématérialisation est facteur de grand progrès, elle permet d’échanger de manière rapide, simple et sûre. D’ailleurs ce système, jusqu’à maintenant réservé aux administrations et aux avocats, va être étendu à tous les justiciables qui pourront présenter leur requête par voie électronique d’ici à la fin de l’année. Deuxième gros chantier qui a animé la cour administrative douaisienne pendant l’année, la recherche du développement des procédures alternatives au procès par la médiation. «C’est un chantier long et qui demande une évolution de l’état d’esprit des différentes parties (administration, avocats et juge)», poursuit-il. La cour d’appel n’en est encore qu’au stade de l’expérimentation, mais le taux de réponses aux propositions faites par la cour et les tribunaux du ressort aux administrations et aux barreaux de signer des conventions pour promouvoir la médiation en matière administrative est très encourageant. «Plus d’une centaine de conventions pour le développement de la médiation ont été signées par la quasi-totalité des barreaux du ressort de la cour des Hauts-de-France et de la Haute-Normandie et par nombre de collectivités territoriales dont la commune de Lille et la métropole Rouen-Normandie.» Un gros travail reste encore à fournir avec les services de l’État, une seule préfecture sur les huit que compte le ressort a bien voulu s’engager.

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De nombreuses personnalités ont assisté à cette audience de rentrée solennelle. ©ACT’STUDIO

Flexibilité et simplification

«Les cours administratives d’appel siégeaient à leur création dans les années 1990 en formation à cinq juges avec des conclusions systématiques du commissaire du gouvernement. Désormais, les chambres délibèrent en général à trois magistrats et le concours du rapporteur public successeur du commissaire du gouvernement n’est plus obligatoire dans certains contentieux comme le contentieux des étrangers qui représente environ la moitié des requêtes», résume le président Quencez. Notons que dans des cas bien précis, la cour peut également trancher des litiges par ordonnance (par un juge unique ndlr.). La cour n’utilise cette possibilité qu’avec beaucoup de modération, puisqu’elle ne concerne qu’environ 15% des dossiers essentiellement en contentieux des étrangers. La dernière évolution marquante concerne la rédaction des décisions de justice qui abandonne le considérant. «Cette réforme nous conduit à davantage nourrir les motifs de nos décisions en fait comme en droit et à les rédiger en phrases plus courtes et dans une langue la plus accessible possible», précise Etienne Quencez. Objectif clairement affiché derrière cette nouvelle manière de procéder, être mieux compris par les parties, le public et la communauté juridique. «À la cour de Douai, depuis cet été tous les magistrats ont adopté ce nouveau mode de rédaction et je dois constater qu’il améliore la compréhension de nos arrêts qui, par le passé, étaient parfois, il faut le reconnaître, un peu sibyllins».

Réduction des délais

«Le rapport du juge avec le temps est une question récurrente et difficile, souligne le président de la cour administrative d’appel. Il faudrait juger à la fois plus vite, mais également mieux». L’immédiateté de l’accès aux informations induites par internet modifie le comportement des justiciables qui ne comprennent pas qu’il faille des mois, voir des années pour avoir une réponse judiciaire à une question posée. «C’est d’autant moins acceptable que cela représente un coût financier important. Pour accélérer les procédures, deux voies sont considérées comme prioritaires. Imposer des délais de jugement contraints au juge, ou alors mettre en place une organisation juridictionnelle sur trois niveaux». Les contraintes de délais divers et très courts laissés pour juger les décisions prises en matière de droit sont aussi celles qui ne laissent au juge que trois mois, procédure contradictoire comprise, pour apprécier la qualité des plans de sauvegarde de l’emploi souvent très complexes et dont les conséquences sociales sont souvent lourdes. «Si l’on peut comprendre que certains secteurs, notamment économiques, souffrent plus que d’autres des délais de jugement, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles certains contentieux doivent disposer d’un traitement temporel plus favorable que d’autres. Pourquoi par exemple ne pas imposer des délais contraints pour le règlement des marchés publics, car le temps pour les juger augmente les difficultés économiques de certaines entreprises payées trop tardivement.»

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Lors de son intervention, le président Etienne Quencez n’a pu que constater que le nombre de dossiers à traiter est toujours en augmentation. ©ACT’STUDIO

Les statistiques de la cour

Pour les affaires enregistrées, le contentieux des étrangers est toujours largement en tête avec 50% de la totalité des entrées, devant le contentieux fiscal avec environ 15%, puis celui de la fonction publique de 9% et l’urbanisme et l’environnement avec environ 7%. «On retrouve le même schéma pour les sorties». Pendant toute l’année 2018, la cour a continué de travailler avec des moyens humains constants alors qu’elle a assisté à une forte hausse des entrées passées de 1 683 en 2010 à 2 165 en 2017 soit une augmentation de 49%. «Le nombre de dossiers traités par la cour est quant à lui passé de 1 816 à 2 475 pour la même période soit + 32 %. Notre effectif a été insuffisant pour couvrir la forte hausse des entrées. Et ce malgré une forte augmentation de la productivité par magistrat qui a crû de 113 en 2010 à 144 dossiers traités en 2017 ce qui montre l’engagement de l’ensemble des membres de la cour dont je salue l’excellent travail pour tenter de limiter la différence entre dossiers reçus et dossiers jugés», indique le président Etienne Quencez. La cour n’ayant pas réussi à équilibrer les entrées par les sorties en nombre équivalent, le stock de dossiers a encore augmenté dont celui de plus de deux ans qui atteint presque 8% et dont la résorption est un objectif prioritaire. «Actuellement, les délais de jugement moyens s’établissement toutes affaires confondues à 1 an et 1 mois. Des résultats qui ne sont pas quantitativement satisfaisants. Nous faisons tous nos efforts pour y remédier». Une situation qui devrait évoluer positivement, la cour administrative douaisienne venant d’accueillir de nouveaux magistrats, «cette année, en redéployant les effectifs de certains tribunaux ou cours dont la charge avait diminué, notre gestionnaire le Conseil d’État, prenant en compte la réalité statistique de chaque cour, a augmenté de cinq unités, le nombre d’emplois budgétaires affectés à notre cour de Douai. Nous passons donc de 17 à 22 magistrats ce qui est considérable et nous renforce», se réjouit Etienne Quencez. Ont rejoint la cour administrative d’appel de Douai : madame Jenny Grand d’Esnon, monsieur Julien Sorin, madame Anne-Marie Leguin-Lecommandoux, monsieur Jimmy Robbe et monsieur Hervé Cassara. Un beau cadeau pour la juridiction qui fêtera ses 20 ans en juin 2019. Depuis le 1er septembre, la cour d’appel a créé une nouvelle chambre et spécialise encore plus les magistrats. Cela devrait permettre d’augmenter sensiblement le nombre de sorties.