Logement

L'immobilier, suspendu à une conjoncture troublée

Le bilan du secteur de l'immobilier est sombre, qu'il s'agisse du neuf ou de l'ancien, d'après BPCE l'Observatoire. La situation pourrait s'améliorer sous l'impulsion d'une demande renouvelée des Français, à moins que l'inquiétude liée aux incertitudes politiques et économiques ne l'étouffe.


© Jean-Paul Comparin
© Jean-Paul Comparin

Incertitudes. Le 12 décembre, lors d'une visioconférence de presse "Les Rendez-vous de l'Immobilier de BPCE L'Observatoire", Alain Tourdjman, directeur des études et prospective du groupe bancaire BPCE a présenté le bilan et les perspectives du secteur (logements neufs et anciens), en France. La construction en particulier, est «profondément sinistrée». L'ensemble des indicateurs sont négatifs, à commencer par celui des mises en chantier qui ont atteint un niveau historiquement bas : 257 000 en octobre sur un an glissant, très en dessous de la moyenne décennale (+-31,7%). Pour le seul mois d'octobre, le nombre de mises en chantier (20 445 unités) a diminué de 4,1% par rapport à la même période de l'année précédente. Et dans le cadre de cette baisse, les mises en chantier des maisons individuelles ont réalisé une performance négative historiquement inédite : 66 766 en octobre 2024 sur un an glissant, contre plus de 100 000 durant la période précédente. Autre indicateur en berne, les permis de construire délivrés. Fin octobre 2024, sur un an glissant, ils ont diminué de 11%. Sur le seul mois d'octobre, 28 945 permis ont été délivrés, soit -5,4% par rapport à octobre 2023.

Sans surprise, la commercialisation suit la même tendance à la baisse, avec 120 000 ventes enregistrées entre le quatrième trimestre 2023 et le troisième trimestre 2024, très en deçà du niveau des années précédentes. En cause, la demande des ménages. Elle a très fortement baissé sur un an pour atteindre, elle aussi, un niveau historiquement bas sans que la vente en bloc ne compense la chute. Dans le détail, les particuliers ont réalisé 65 811 réservations sur la même période, contre 71 454 l'année précédente. Pour rappel, en 2019, 140 634 réservations de particuliers avaient été enregistrées. Quant aux ventes en bloc aux bailleurs sociaux et institutionnels, elles n'ont que légèrement augmenté pour atteindre 57 990.

Dans l'immobilier ancien, la situation s'avère un peu moins critique. L'observatoire BPCE dénombre 780 000 transactions fin septembre 2024, sur un an glissant. L'année 2024 devrait donc se situer à un niveau inférieur de 8% à la moyenne de longue période et de 10% par rapport à 2023.

Vert demande, rouge politique

L'année qui vient verra-t-elle la crise de l'immobilier s'approfondir, ou au contraire, une amélioration de la situation ? «Il existe des éléments positifs dans la demande de logement qui ouvrent des possibilités de rebond en 2025», note Alain Tourdjman. Tout d'abord, la perception que les Français ont du marché s'améliore. Par exemple, 43% des acheteurs considèrent que le moment est favorable pour leur projet, contre 31% il y a un an. Dans le même sens, 19% des sondés ont un projet d'achat en cours ou prévu dans les douze prochains mois, contre 17% il y a un an. Si les projets portent essentiellement sur la résidence principale, les détenteurs de patrimoine nourrissent un regain d'intérêt pour l'investissement locatif, largement délaissé. Épiphénomène ou début d'une nouvelle tendance ? À suivre... Les Français sont aussi nombreux à anticiper une baisse des taux d'intérêts des crédits immobiliers, de nature à les conforter dans leurs projets. Mieux, cette baisse perçue fait aussi partie des critères objectifs « positifs », socle d'un possible rebond de la demande. Au mois d'octobre, le taux des crédits immobiliers a atteint 3,52% contre 3,87% en septembre 2023, selon la Banque de France. Parmi les critères objectifs étayant l'hypothèse d'un rebond figurent aussi l'augmentation du nombre de crédits nouveaux depuis juillet dernier et la baisse de l'apport personnel exigé, signe d'une détente du marché. L'amélioration de la solvabilité des ménages, résultante des baisses de taux d'intérêt et des prix dans l'ancien, va dans le même sens.

Toutefois, à coté de ces tendances positives figurent aussi des voyants «rouge et orange», met en garde Alain Tourdjman. En cause, principalement, les incertitudes politiques et économiques, sur fond de regain d'inquiétude par rapport au chômage. «Les deux tiers des Français sont préoccupés par le niveau de la dette publique et cela se traduit par de l'inquiétude (..) Plus de la moitié d'entre eux envisagent de remettre en cause, ou renoncer à des dépenses», note Alain Tourdjman. Au total, l'Observatoire BPCE envisage donc un « rebond limité » pour 2025. Pour le neuf, il se traduirait par une légère remontée des mises en chantier de l'ordre de 260 000 logements. Et pour l'ancien, il se concrétiserait par 825 000 transactions et une stabilisation des prix (+1%), après deux années de baisse. Une hypothèse tributaire du niveau d'inquiétude sur la situation politique, économique et financière du pays, ainsi que de la politique du logement du futur gouvernement.