L'IA : entre défis et limites, comment les entrepreneurs s'emparent-ils du sujet ?

Alors que le Sommet pour l'Action sur l'IA, début février dernier, signe la démocratisation de l'intelligence artificielle, comment les entreprises peuvent-elles s'assurer que ce développement inéluctable rime avec croissance et progrès dans leurs établissements ? Koussée Vaneecke, présidente du directoire d'EuraTechnologies, nous livre quelques enseignements et conseils.

«Il faut aller plus vite pour renforcer le contenu technologique, selon Koussée Vaneecke, présidente du directoire d'EuraTechnologies».© Lena Heleta
«Il faut aller plus vite pour renforcer le contenu technologique, selon Koussée Vaneecke, présidente du directoire d'EuraTechnologies».© Lena Heleta

La Gazette Nord-Pas-de-Calais : Vous venez de participer à la publication du premier baromètre européen dédié à l'intelligence artificielle1, en tant que représentant régional spécialiste du numérique. Quels sont les enseignements à tirer de cette étude ?

Koussée Vaneecke. Il s'agit en effet d'un état des lieux des impacts, opportunités et défis de l'IA dans huit pays européens et huit secteurs d'activités, auprès de 400 dirigeants d'ETI et grands groupes, sur des sujets aussi variés que l'accès, l'inclusion, la confiance, la maturité technologique ou encore les usages dans la transformation des secteurs. De façon générale, nous avons constaté que l'IA est clairement devenue une priorité pour les entreprises.

99% des sociétés interrogées ont déjà investi dans l'IA, 88% prévoient d'augmenter leurs dépenses au cours des 12 prochains mois et 40% y consacrent déjà plus de 10% de leur CA, ce qui est énorme. Par contre, on reste dans une phase d'expérimentation généralisée, même pour les ETI et les grands groupes. Seuls 11% se disent vraiment matures sur le sujet et 46% commencent à voir leurs premiers résultats.   

Y'a-t-il des facteurs clés de succès pour bien s'approprier l'IA ?

On a pu en relever trois : toutes les entreprises interrogées disent avoir mis en place des formations de l'ensemble de leurs collaborateurs autour de l'IA ; elles y consacrent un budget et elles ont nommé un responsable de l'IA au sein d'un comité de direction ou du comité éxécutif. C'est facilitateur de succès.

L'étude se concentre sur les ETI et grands groupes. Mais qu'en est-il des start-ups, des PME/PMI ?

Les start-ups sont des opportunités pour les PME/PMI d'entrer dans l'IA, c'est ce que nous défendons à EuraTechnologies et dont nous sommes convaincus. Toutes les start-ups que l'on accompagne dans nos programmes d'incubation ou d'accélération, ont l'IA dans leurs solutions. Et pour celles qui entrent sur le marché, c'est une nouvelle donne. Mais elles sont obligées de s'y mettre dans un contexte économique compliqué où les entreprises investissent moins. Les seuls investissements maintenus par les entreprises sont ceux liés à l'IA et à la cybersécurité.

Pour les entreprises qui veulent se lancer, bon nombre d'entre elles font appel au Diag Data IA de BpiFrance qui permet un cofinancement pour déceler les points sur lesquels investir.

N'y a-t-il pas une crainte des chefs d'entreprise de se sentir toujours dépassés par l'IA, qui par essence même, évolue très rapidement ?

Il faut clairement travailler sur une priorisation et voir en quoi l'IA peut apporter de la valeur ajoutée à son entreprise. Pour autant, je tiens à rassurer les entreprises qui ne se sont pas encore embarquées dans l'IA : ne cédez pas à la panique ! On peut encore monter dans le train mais il ne faut pas trop tarder ; il faut du temps pour commencer à expérimenter, à former les équipes, à tirer les premiers résultats. C'est une nouvelle façon de travailler.

Avant de se lancer, la plupart des entreprises ne savent pas comment s'y prendre. Si j'ai un conseil à donner aux dirigeant(e)s, je dirais qu'il faut d'abord se former, monter en compétences, s'entourer de bons partenaires plutôt que de dessiner des plans stratégiques globaux. C'est pour cela qu'on parle d'expérimentation IA. Les collaborateurs vont apprendre à déléguer une partie de leur réflexion à l'IA, ça a l'air simple de le dire mais dans la réalité, il y a besoin d'un temps d'adoption.

C'est par exemple ce qu'EuraTechnologies propose avec un diplôme à destination des managers, lancé en partenariat avec l'Ecole Du Numérique (Faculté de Gestion, Economie et Sciences de l'Université Catholique de Lille), intitulé «L'Intelligence Artificielle au service des entreprises».

C'est une formation de 62h, qui réunit des professionnels dans le but d'appréhender les usages de l'IA et de les appliquer à leurs propres réalités professionnelles, avec un bagage théorique mais aussi des cas d'usage. C'est un tremplin idéal pour s'acculturer à l'IA et l'intégrer au sein de leurs réalités métiers. Nous avons déjà eu deux promotions, dont une en cours, et des nouvelles arriveront en septembre 2025 et en janvier 2026.

Quels sont justement les besoins en formation sur les métiers de l'IA ?

Ils sont énormes. Nous sommes d'ailleurs en train de préparer des formations très techniques avec des partenaires académiques car c'est aussi un besoin. Sans surprise, les entreprises cherchent des data scientist, des software engineer (ingénieurs logiciels), des commerciaux qui savent comprendre l'IA ainsi que des chercheurs sur des besoins plus ponctuels. Les Hauts-de-France sont plutôt à la pointe ; en témoignent les récents investissements de data centers en région, annoncés au Sommet de l'IA. Cela donne une confiance sur l'avenir mais il faut aller plus vite pour renforcer le contenu technologique et nous permettre de prendre pleinement notre place... Et pas sur un strapontin !

1. Baromètre européen de l'IA de JFD (Join Forces and Dare) réalisé par EY Fabernovel et OpinionWay