L'enquête sur la mort d'Adama Traoré en 2016 se solde par un non-lieu pour les gendarmes

Un épilogue, au moins provisoire, pour l'un des dossiers judiciaires français les plus sensibles: les gendarmes auteurs de l'interpellation à la suite de laquelle Adama Traoré est mort à l'été 2016 ont bénéficié d'un non-lieu...

Manifestation pour obtenir justice après la mort d'Adama Traoré, le 22 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise © Thomas SAMSON
Manifestation pour obtenir justice après la mort d'Adama Traoré, le 22 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise © Thomas SAMSON

Un épilogue, au moins provisoire, pour l'un des dossiers judiciaires français les plus sensibles: les gendarmes auteurs de l'interpellation à la suite de laquelle Adama Traoré est mort à l'été 2016 ont bénéficié d'un non-lieu dont la famille a immédiatement annoncé faire appel.

Cette décision, apprise vendredi par l'AFP auprès des avocats des deux camps, met pour l'instant un terme à une enquête houleuse, centrée sur des expertises médicales contradictoires.

Elle était attendue, les trois gendarmes interpellateurs n'ayant jamais été mis en examen dans cette affaire, mais seulement placés en novembre 2018 sous le statut de témoin assisté, et le parquet de Paris ayant requis un non-lieu en juillet.

Me Yassine Bouzrou, qui défend la famille du jeune homme noir mort à 24 ans et qui dénonce de longue date la conduite de l'enquête, a indiqué sur Instagram faire appel.

"Cette ordonnance de non-lieu qui contient des contradictions, des incohérences et de graves violations du droit déshonore l'institution judiciaire", d'après lui.

L'objectif est, selon l'avocat, que la cour d'appel de Paris "puisse appliquer le droit dans cette affaire en renvoyant les gendarmes devant une juridiction de jugement où un débat contradictoire pourra dire si les violences ayant causé la mort d'Adama Traoré étaient ou non proportionnées et nécessaires".

Pour lui, "des incertitudes sont mises en avant afin de justifier le non-lieu, or nous ne sommes pas au stade des certitudes mais à celui des charges suffisantes pour qu'un débat contradictoire se tienne" devant un tribunal.

Dans un communiqué, Mes Rodolphe Bosselut, Sandra Chirac-Kollarik et Pascal Rouiller, avocats des trois gendarmes interpellateurs, ont au contraire salué une décision "logique et conforme à la réalité" quant au "caractère légitime et proportionné de l'interpellation d'Adama Traoré".

"Cette décision met fin à six années de tentatives de réécriture médiatique du dossier qui a voulu présenter nos clients comme des +tueurs+", poursuivent les avocats, saluant "cette réhabilitation tant attendue et méritée".

Manquements

Adama Traoré est mort le 19 juillet 2016 dans la caserne de Persan, deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) au terme d'une course-poursuite, un jour de canicule où la température avait frôlé les 37°C.

Il avait été interpellé lors d'une opération visant son frère Bagui, suspecté d'extorsion de fonds.

Comme pour Nahel M., tué à Nanterre fin juin par un policier, sa mort avait suscité plusieurs nuits de violences à Beaumont-sur-Oise et aux alentours, d'une intensité toutefois nettement moindre.

Depuis, emmenés par sa grande soeur Assa Traoré, les proches du jeune homme accusent les militaires d'avoir causé sa mort et ont fait de son décès un symbole des violences policières et du racisme.

Pour eux, les militaires ont pratiqué un "plaquage ventral" qui a causé une "asphyxie positionnelle" fatale. Ils soulignent les déclarations initiales d'un des gendarmes selon lequel Adama Traoré "a pris le poids de nos corps à tous les trois", lors de son menottage dans l'appartement où il s'était caché, sans témoin ni vidéo.

Adama Traoré avait fait un malaise dans le véhicule des gendarmes avant de décéder dans la cour de la brigade de Persan. 

La famille accuse les gendarmes de n'avoir pas porté secours au jeune homme, laissé menotté jusqu'à l'arrivée des pompiers.

Ce dossier a connu une âpre bataille d'expertises médicales. 

Selon un rapport de quatre experts belges en janvier 2021, le décès d'Adama Traoré a été causé par un "coup de chaleur" qui n'aurait toutefois "probablement" pas été mortel sans son interpellation.

Dans leur ordonnance, consultée par l'AFP, les trois magistrates ont estimé que "les éléments de la procédure ne (permettaient) pas d'établir l'usage d'une force non strictement nécessaire ou disproportionnée par rapport à la situation décrite par les gendarmes interpellateurs".

L'infraction de non-assistance à personne en péril ne peut pas non plus être retenue, les "décisions prises dans l'urgence" par les militaires en réaction au malaise d'Adama Traoré apparaissant "adaptées à la situation telle que perçue par les gendarmes". Ils "n'avaient pas conscience de la gravité de l'état d'Adama Traoré" lors de son interpellation puis dans la cour de la brigade. 

Fin juin, la Défenseure des droits Claire Hédon avait néanmoins relevé des "manquements" quant aux secours apportés à Adama Traoré et demandé "des poursuites disciplinaires" contre les trois gendarmes ainsi qu'un adjudant-chef, présent à la caserne.

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