L’inquiétude des avocats d’Arras
L’ordre des avocats d’Arras a tenu dernièrement un point presse à la Maison de l’avocat. Occasion pour Me Philippe Meillier, bâtonnier du barreau d’Arras, de faire comme de coutume un tour d’horizon sans concession de l’actualité de la profession à Arras et au-delà. Comme on peut l’observer, les avocats restent très mobilisés sur l’aide juridictionnelle et sont inquiets quant à certaines dispositions inscrites dans la loi Macron.
L’aide juridictionnelle. La question de l’aide juridictionnelle (AJ) mobilise les avocats d’Arras. La difficulté est que l’indemnisation au titre de l’AJ n’a pas été revalorisée comme elle aurait dû l’être et que la dernière revalorisation remonte à 2007. Or, le coût de la vie et les charges des cabinets ont nettement augmenté, conduisant les avocats à prendre en charge des affaires à perte au titre de l’AJ. Comme l’exprime Me Philippe Meillier, «le danger est que la profession n’interviendra plus si le système perdure et que les citoyens risquent de rencontrer des difficultés à trouver un avocat susceptible de les aider». Les avocats ont commencé à attirer l’attention des pouvoirs publics sur ce sujet dès 2000-2001 et l’Etat avait promis une revalorisation des indemnités.
Les promesses n’étant pas tenues, une manifestation avait eu lieu en décembre 2006, conduisant à une légère revalorisation en 2007. Depuis, plus rien. Parallèlement, les besoins en AJ se sont nettement accrus, notamment suite à la réforme de la garde à vue et l’assistance de l’avocat au cours de l’audition libre. En 2014, la mobilisation des avocats arrageois s’est développée avec plusieurs journées de grève et donc cessation des services. Un rassemblement de plusieurs milliers d’avocats a eu lieu en juillet à Paris, avec une forte présente des Arrageois.
C’est ainsi qu’une banderole «Les avocats d’Arras mobilisés pour la justice pour tous» avait été apposée sur la façade de la Maison de l’avocat au début de l’été. Le problème de l’AJ n’est toujours pas réglé, mais, en décembre, la ministre de la Justice a mis en place des groupes de travail pour proposer des pistes de réforme. En attendant, la situation est maintenue pour 2015 à l’aide de sources de financement inédites, comme l’augmentation des droits fixes de procédure dus par les personnes condamnées par une juridiction pénale (le droit fixe devant le tribunal correctionnel étant passé de 90 € à 122 €) ou encore une légère augmentation du coût des actes d’huissier. «Les avocats attendent une vraie réforme en profondeur.»
Projet de loi Macron. Ce projet demeure une préoccupation de la profession. Il a amené plus de la moitié des avocats arrageois à participer à la manifestation des professions du droit le 8 décembre, avec notamment les notaires, les huissiers et d’autres professionnels. La création d’un avocat d’entreprise, forme nouvelle de la profession qui ne serait pas tout à fait un avocat et aurait gravement nuit à l’indépendance de la profession, a été retirée du projet par la commission spéciale de l’Assemblée nationale qui a amendé le projet. Restaient l’ouverture des cabinets d’avocats aux capitaux extérieurs, mesure également susceptible de nuire à l’indépendance de l’avocat, et la question de la postulation, obligation dans certaines affaires d’avoir recours aux services d’un avocat attaché au tribunal devant lequel le procès est engagé, qui demeurent des sujets de discorde entre le gouvernement et la profession. Une étude d’impact réalisée par le Conseil national des barreaux a montré les conséquences négatives de ces mesures si elles étaient appliquées, sur l’équilibre économique des barreaux, le maillage territorial, c’est-à-dire la présence effective des avocats sur l’ensemble du territoire, proches des citoyens, et l’égal accès au droit et à la justice pour tous. La grogne des avocats n’est pas tant sur le principe de la réforme qui peut représenter un gage de modernité, que sur la façon dont elle a été menée, de façon brutale et sans concertation par le ministère de l’Economie et des Finances, et non par celui de la Justice, mieux placé pour garantir les objectifs recherchés par les professions du droit.
La justice du XXIe siècle. Il s’agit d’un projet de réforme de la garde des Sceaux qui souhaite une justice plus proche du citoyen, plus efficace et plus protectrice. Une série de mesures «visant à améliorer la justice du quotidien» a été présentée en septembre au Conseil des ministres. Ce vaste projet, consultable sur le site du ministère de la Justice, a conduit à des expérimentations devant certains tribunaux, comme le guichet unique pour saisir les juridictions au tribunal de Dunkerque. Les avocats arrageois «restent vigilants sur ce projet de modernité qu’ils attendent de leurs vœux s’il respecte l’intérêt du justiciable et si le but n’est pas une déjudiciarisation à tout crin, comme les citoyens le connaissent depuis quelques années».