Rencontre avec Bertrand Debosque, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Lille en 2007-2008
«L'avocat est là pour alléger les contraintes du dirigeant»
Avocat durant une quarantaine d'années et Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Lille en 2007-2008, Bertrand Debosque revient sur une carrière tournée vers l'international et sur un Barreau lillois qui s'est considérablement étoffé, pour devenir aujourd'hui le plus important du nord de la France.
S'il y a un terme propice à la
carrière de Bertrand Debosque, c'est bien celui d'international.
Rapidement, et avant même d'être diplômé, le futur avocat – et
aujourd'hui tout juste retraité – y est très sensible : «Pendant
mes études de droit à Lille, j'ai rapidement eu le projet d'étudier
à l'étranger, ce qui n'était pas fréquent à l'époque. Je suis
donc parti à la New York University School of Law pour y préparer
un master de droit comparé»
se rappelle-t-il. Son diplôme en poche, il revient en France, où il
intègre le Barreau de Paris durant un an, en parallèle de
l'écriture de sa thèse.
En 1985, il commence sa carrière au
sein du cabinet Bignon Lebray mais ne s'y retrouve pas vraiment dans
la vie parisienne, un peu trop agitée à son goût. Retour donc dans
les Hauts-de-France, sa région d'origine : «Courant
1986, je m'inscris au Barreau de Lille et depuis, je n'ai plus jamais
quitté la ville ni son Barreau. Nous n'étions alors que 286 avocats !
Je travaille d'abord dans un cabinet de droit de la construction
durant quatre ans»
détaille celui qui est donc devenu avocat à seulement 20 ans.
Le premier bureau secondaire de
Bignon Lebray à Lille
En 1990, important tournant – et
challenge – dans la vie de Bertrand Debosque : l'ouverture du
bureau secondaire du cabinet Bignon Lebray, à Lille. Il n'y avait
alors aucun cabinet d'affaires d'envergure nationale dans les
Hauts-de-France : «Il
a fallu attendre une loi de décembre 1989 qui autorise les cabinets
d'avocats à ouvrir un bureau secondaire dans un autre ressort de
Cour d'appel que le leur»
précise-t-il. Spécialisé en droit des affaires à l'international,
le bureau lillois fait alors un peu office d'ovni puisque Lille n'a
pas encore la portée internationale qu'on lui connaît aujourd'hui.
Précurseur,
Bertrand Debosque mise sur la future liaison TGV vers Paris et sur
l'ouverture de l'Eurostar, prévoyant que les entreprises rayonneront
davantage à l'international. «Il
faut avouer que j'éprouve quelques difficultés au départ, parce
que c'est la première fois qu'un cabinet parisien ouvre à Lille»
se rappelle-t-il. Mais rapidement, le cabinet s'étoffe, compte parmi
ses clients des grands groupes régionaux et une dizaine
d'avocats. Bertrand Debosque est rejoint par un associé en 2000 et
des opérations de croissance externe viennent ensuite muscler les
effectifs et compléter les compétences.
Aujourd'hui le cabinet, implanté rue
des Canonniers à Lille, compte une trentaine d'avocats outre une
quinzaine de collaborateurs pour la partie administrative ; il reste
bien sûr spécialisé en droit des affaires, à destination des
entreprises de la région.
L'avocat, professionnel clé dans la
vie de l'entrepreneur
«Un chef d'entreprise, c'est celui que l'on doit aider à décider dans un environnement de contraintes juridiques et réglementaires... Aujourd'hui il y a une vraie inflation législative, qu'il s'agisse du droit du travail, du droit fiscal, du droit en environnement, de l'urbanisme... C'est une tendance générale et nous sommes là pour l'aider à lever le maximum de contraintes et à faire le bon choix» analyse Bertrand Debosque, qui prône le statut d'avocat en entreprise (qui existe déjà dans d'autres pays de l'UE), lequel pourrait être «une sorte de vigie du droit dans l'entreprise».
Dès 2000, Bertrand Debosque propose au Barreau de Lille de créer une commission internationale. «On a donc instauré des jumelages avec des barreaux anglais, belges, italiens, marocains et même avec le barreau de New York (New York County Lawyers Association)... L'idée était de faire des formations mais aussi de proposer aux jeunes avocats des stages à l'étranger». Depuis, le barreau de Lille est identifié sur le plan international.
Bâtonnier,
un mandat qui marquera sa carrière
Autre
étape marquante de la vie de Bertrand Debosque, son mandat
de bâtonnier en 2007-2008
; une fonction qu'il a incarnée avec empathie et bienveillance :
«J'ai
retenu de cette fonction, son aspect humain. Entre autres choses, mon
rôle était d'écouter et de rassurer mes confrères. En quelque
sorte, on est un peu leur confident, leur père ou leur grand
frère...». Un
bâtonnat avec pour avènement l’organisation, fin 2008, de la
Convention Nationale des Avocats à Lille qui a réuni plus de 5 000
avocats. Un événement qui marquera sa carrière.
Quelques
années plus tard, Bertrand Debosque intègre la commission
internationale du Barreau français et devient membre, en 2013, du
Conseil des Barreaux Européens (CCBE) durant 10 ans, devenant chef
de la délégation française au CCBE de 2019 à 2023. «C'est
une chance d'avoir une organisation représentative comme le CCBE
qui compte 1,1 million d'avocats en Europe. Une organisation qui
vient protéger les principes essentiels de la profession d'avocat en
Europe, sa déontologie et son indépendance, autant de valeurs que
l'on a mises dans un Code de déontologie européen, transfrontalier».
Si aujourd'hui Bertrand Debosque met un terme à sa carrière, il reste tout de même très attaché à sa profession. «Nous ne sommes pas des prestataires de services comme les autres...» finira-t-il par conclure. Aujourd'hui à la retraite, Bertrand Debosque ne quitte pas totalement le Barreau puisqu'il y préside la commission Déontologie. Il tentera également de renouer avec ses origines familiales, peut-être à travers un ouvrage sur la guerre 14-18, vécue par son grand-père, ancien avocat et Bâtonnier du Barreau de Béthune.