Et si on passait du jetable au lavable ?
La boutique de Perrine Dereux a des allures de caverne d’Ali Baba : aussi colorée et fournie, regorgeant de produits inédits pour faciliter la vie, mais surtout pour réduire le nombre de déchets à la maison. La jeune chef d’entreprise lutte pour modifier le quotidien en passant du jetable au lavable et ne manque pas de conseils avisés pour informer ses clients.
Tabliers cousus main, savons 100% français, couches lavables, produits de beauté… la boutique EthiCS de Perrine Dereux, avenue de Dunkerque à Lomme, compte plus de 800 références, toutes savamment choisies, produites en France, voire dans la région. «Je recherche de la proximité. Les marques avec lesquelles je travaille – Les Tendances d’Emma, Minots & Co, Apad’Poo, Mobius… – ont envie de transmettre aux autres.» Tant et si bien que certains de ses fournisseurs viennent même agrémenter les nombreux ateliers que Perrine Dereux a initiés dans sa boutique : «Faire soi-même», «Portage bébé», «Sophrologie», «Langue des signes»… «Je vois un peu ma boutique comme un laboratoire ! Le panel d’ateliers est large, mais cela correspond à ce que recherchent les clients», précise cette ancienne salariée d’un cabinet de conseil en environnement. On trouve aussi des objets plus insolites comme de l’essuie-tout jetable, du dentifrice solide ou encore des emballages lavables. Une façon de vivre que Perrine Dereux applique au quotidien avec ses trois enfants, même si parfois elle avoue qu’«il faut du temps pour s’y faire» ! Loin d’inciter ses clients à passer au 100% lavable, elle distille ses conseils, chaque petit geste permettant de s’imprégner davantage de cette autre façon de vivre. «On peut faire du réutilisable tout en ayant de beaux produits ! Ce n’est pas parce qu’on fait de l’écologie que l’on est dans le terne ou le beige ! Le lavable n’est pas uniquement pour les personnes qui ont de l’argent, il faut vraiment démocratiser cela.» Sa boutique en est un exemple, à la fois colorée et conviviale, avec des produits commençant à quelques euros, jusqu’à d’autres plus onéreux mais toujours accessibles.
Lauréate de la Fabrique Aviva. Après la naissance de son deuxième enfant et un licenciement en prime, elle mûrit le projet de se lancer dans le consulting en zéro déchet pour les entreprises. Mais seule, difficile de faire face aux gros cabinets. Elle imagine alors une crèche zéro déchet. «Mais le côté management des équipes me semblait compliqué, moi qui suis une grande indépendante. N’ayant pas de diplôme en petite enfance, je n’aurais même pas pu m’occuper des enfants. Cela ne correspondait finalement pas à mes envies.» Loin de se laisser gagner par la routine, Perrine Dereux prend connaissance, en 2015, du concours de la Fabrique Aviva qui offre une aide financière d’un million d’euros à 200 finalistes partout en France. Economie circulaire, circuits courts, consommation collaborative, réinsertion professionnelle… La Fabrique Aviva accompagne «le développement de l’économie sociale et environnementale». Pour la première édition en 2015, 60 gagnants se sont vu remettre des subventions allant de 5 000 à 50 000 €. Un concours qui a boosté Perrine Dereux et lui a permis de tester son projet : «Sur Internet, j’ai présenté le projet de la boutique, qui n’était pas encore ouverte, et j’ai obtenu de nombreux votes. Certes, je n’ai pas gagné cette année-là, mais cela m’a permis de tester le concept, de voir s’il plaisait et de le lancer.» Un an après, elle ouvre sa boutique à côté de son habitation et participe à la seconde édition du concours, cette fois couronnée de succès puisqu’elle fera partie des lauréates régionales, avec une dotation de 5 000 €, qu’elle ajoutera à celles de la Région et de NFID.
Projet “Le lin d’min coin”. «Ces 5 000 € m’ont permis de compléter mon enveloppe pour lancer le projet ‘Le lin d’min coin’ : utiliser le lin régional pour fabriquer des produits innovants.» Pour cela, elle travaille à l’élaboration de trois produits avec le cabinet dunkerquois Textilis, spécialisé dans le développement des matériaux biosourcés : les disques démaquillants, les coussinets d’allaitement et les serviettes hygiéniques. «80% du lin mondial pousse dans les Hauts-de-France ! On récupère la fibre, on en fait des ballots, exportés à 95% en Chine et en Europe parce qu’en France, la compétence ‘filature’ a été perdue. Mais pourquoi ne pas garder notre production ? Le lin peut remplacer le plastique, tout en étant plus léger. Il est aussi absorbant», détaille Perrine Dereux. Pendant plusieurs mois, elle va donc tenter d’élaborer des matériaux finis, en collaboration avec une filature à Caudry. Et se fixe l’objectif de 2018 pour lancer les trois produits via une campagne de précommande en crowdfunding. «Dans l’idéal, je rêverais d’avoir une grande boutique zéro déchet, avec un atelier d’artisanat où des couturières pourraient directement confectionner des vêtements… Créer de l’emploi et de l’enthousiasme, c’est ce qui guide mes projets.»