Et si l'avenir alimentaire se dessinait en Hauts-de-France ?
C'est une tendance de fond qui s'est accentuée avec la crise : l'envie de consommer localement et de manger plus sainement. Un phénomène que l'incubateur Euralimentaire, à Lomme, constate depuis de nombreuses années, avec une montée en puissance des projets dédiés à l'alimentation du futur.
Si les Hauts-de-France sont une terre de start-up, ils sont aussi celle des leaders de la nutrition et des ingrédients avec des grands noms comme Roquette ou Lesaffre. Une spécificité française et européenne, qui place la région au rang de pionnière en nutrition santé. En septembre 2021, près d'1,4 milliard d'euros ont été investis dans la nutrition santé dans les Hauts-de-France, au titre du plan de relance.
Ne
garder que les bienfaits des produits
A
ses débuts, l'incubateur Euralimentaire, créé en 2017,
accompagnait plutôt des projets liés au «mieux-manger».
«Aujourd'hui, 60% des
projets que nous accueillons à Euralimentaire proposent des produits
végétaux innovants, avec de nouvelles protéines pour diminuer
l'impact environnemental. On travaille désormais à tendre vers du
'zéro ingrédient'», explique Isabelle Wisniewski, cheffe de projet chez Euralimentaire.
Depuis sa création, l'incubateur a déjà accompagné 65 projets,
générant plus de 200 emplois. Des chiffres qui viennent étoffer
ceux de la filière nutrition/santé/bien-vieillir régionale : plus
de 1 000 entreprises pour 33 000 emplois.
«Beaucoup
d'acteurs – à l'image de Roquette et de Lesaffre – travaillent à
concrétiser les bienfaits des produits sur le microbiote. Ils
veulent aller au-delà du produit fermenté que l'on connaît tous,
la levure», renchérit
Anne-Charlotte Pupin, responsable du pôle de compétitivité NSL
(Nutrition Santé Longévité). Derrière cette volonté
entrepreneuriale des grands groupes mais aussi des start-up, une
envie des consommateurs, pourtant souvent désemparés face à des
rayonnages souvent – trop ? – fournis : «Il
y a un vrai changement dans les comportements d'achat. Mais nos
petites start-up se retrouvent trop souvent à côté de mastodontes
américains... Difficile pour elles de rivaliser alors que règnent encore des difficultés juridiques. Prenons l'exemple de Lesaffre :
l'entreprise n'a jamais autant vendu de levure en France depuis la
crise Covid ! Bien entendu, cela renforce la tendance vers la
consommation locale.»
Reste à lever le stand-by de la grande distribution sur les produits
innovants, malgré une demande croissante des consommateurs.
L'apport
nutritionnel mais pas que !
Pour
autant, le modèle est-il vraiment mature ? «De
nombreux acteurs ont dû revoir leurs chaînes d'approvisionnement.
Les grosses industries agroalimentaires veulent se réapprovisionner
localement. Mais, surtout, alors qu'avant l'aliment avait un impact
nutritionnel, aujourd'hui d'autres facteurs entrent en compte, comme
le packaging, l'approvisionnement...», poursuit Anne-Charlotte Pupin.
Si
la Covid a permis l'explosion du e-commerce sur le non-alimentaire,
cela aussi été le cas sur l'alimentaire – un marché qui, à la
base, n'était pas forcément ouvert au web. C'est par exemple le cas
des chocolats Encuentro (incubés à Euralimentaire mais en cours de
déménagement) qui voulaient se développer avec des magasins à
Paris et qui ont revu leur business model en misant sur la commande
sur le web. Avec un énorme succès à la clé. Mais aussi le
développement des épiceries ou des drives locaux, comme Mes Voisins
Producteurs à Lille qui a multiplié son nombre de commandes par dix
durant le confinement.
Malgré
le développement de ces bonnes pratiques, Isabelle Wisniewski reste
prudente : «Les
produits locaux et les circuits courts, ce n'est pas encore gagné :
il y a beaucoup de freins à lever en matière de logistique. Les
nouveaux systèmes de livraison à vélo se fichent du local. On ne
peut pas empêcher un consommateur d'avoir envie de bien faire mais
de ne pas trouver la solution.» Alors que 70 à 80% des Français font leurs courses en grande
distribution, difficile de trouver un modèle pérenne. Car si de
nouvelles solutions existent, elles ne sont d'ailleurs pas toujours
accessibles à tous en termes de prix, ni de secteur géographique.
La
filière insectes dans les Hauts-de-France
Heureusement,
la région peut miser sur ses spécificités territoriales, avec de
grandes terres agricoles en Picardie, qui voient par exemple
développer la filière des insectes avec Innovafeed à Nesle et
Ynsect à Amiens. Les Hauts-de-France sont ainsi l'une des deux
seules régions au monde (avec les Pays-Bas) à avoir cette
spécificité, à la fois dans l'élevage et la production. «Si
on demande aux Français où on innove dans l'alimentation, je ne
pense pas que les Hauts-de-France ressortent et pourtant, c'est le
cas !», se félicite Isabelle Wisniewski.
«Ces
nouvelles protéines d'avenir, économes en ressources, sont une de
nos forces et nous avons une réelle expertise. C'est aussi le cas
dans le bien-vieillir, très développé dans les Hauts-de-France», complète Anne-Charlotte Pupin. Et une preuve que l'innovation se
crée aussi en région alors que 80% des investissements en food
tech se font à... Paris !