Écologie

Érosion des côtes : les modalités du droit de préemption précisées

La loi «Climat et résilience» du 22 août 2021 a prévu plusieurs dispositions visant à adapter les territoires littoraux aux effets du changement climatique, et en particulier au recul du trait de côte. Sur la base de cette loi, l’article L. 219-1 du Code de l’environnement a instauré une procédure de préemption spécifique pour les communes concernées. Un décret du 27 juin 2024 (n° 2024-638) complète et précise le dispositif.

D’ici 2100, au moins 50 000 logements pourraient être concernés par un risque de submersion. © Aquaphoto
D’ici 2100, au moins 50 000 logements pourraient être concernés par un risque de submersion. © Aquaphoto

L’érosion, qui touche un cinquième du littoral français, est un phénomène naturel mais amplifié par le réchauffement climatique. Elle provoque un risque de submersion progressive du littoral menaçant les espaces naturels, mais aussi les zones urbanisées. Et le phénomène devrait s’aggraver. D’ici 2100, au moins 50 000 logements pourraient être concernés par ce risque de submersion. Face à cette situation, il est nécessaire d’anticiper la relocalisation progressive de l’habitat et des activités affectés par l’érosion. En anticipant ces phénomènes, l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 a créé les conditions nécessaires aux nouveaux aménagements à venir.

Parmi les mesures instaurées par la loi Climat et Résilience, figure la création d’un «bail réel d’adaptation à l’érosion côtière» prenant fin lorsque «la sécurité des personnes ne peut plus être assurée», des dérogations possibles à la Loi littoral ou encore un pouvoir de préemption spécifique aux territoires concernés.

Une compétence de la commune ou de l’EPCI

Près de trois ans après sa création, le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) va enfin pouvoir être mobilisé par les communes et EPCI (établissements publics de coopération intercommunale).

La compétence de préemption est détenue par la commune ou plus vraisemblablement l’EPCI. La délibération qui instaure ce droit doit être affichée en mairie pendant un mois et mention en est faite dans deux journaux diffusés dans le département. Bien entendu, elle doit définir précisément son champ d’application, notamment territorial. Et sur ce point, le Code de l’urbanisme précise que ne peuvent être concernées que les zones préalablement définies dans le PLU(i). La zone de préemption peut toutefois être plus restreinte. Une copie de la délibération doit être largement diffusée (deux journaux départementaux, directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, chambre départementale des notaires, barreaux).  

La procédure de préemption

À peine de nullité, la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est adressée en trois exemplaires par le propriétaire à la commune où est situé le bien, par LRAR ou déposée contre décharge. Une copie de cette déclaration doit également être envoyée au directeur départemental ou régional des finances publiques, selon les mêmes modalités.

Cette déclaration comporte obligatoirement, sauf en cas de donation entre vifs, l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. Lorsque la contrepartie de l'aliénation fait l'objet d'un paiement en nature, la déclaration doit mentionner le prix d'estimation de cette contrepartie.

Si la commune n'est pas titulaire du droit de préemption, le maire transmet sans délai la déclaration au titulaire de ce droit, à charge pour ce dernier de la transmettre à son tour à l'éventuel délégataire. Le silence du titulaire du droit de préemption gardé pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner vaut renonciation à l'exercice de ce droit. Ce délai court à compter de la date de l'avis de réception postal du premier des accusés de réception, ou de la décharge de la déclaration (article R. 213-7 du Code de l’urbanisme).

Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois, adresser au propriétaire une demande de communication de documents (dont la liste est fixée à l’article R. 213-7 du Code de l’urbanisme). Dans ce cas, le délai de deux mois est suspendu à compter de la réception de la demande.

Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai une copie de la déclaration au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle indique l'estimation du bien par les services fiscaux. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à l'acquéreur potentiel mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner. Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien.

Quelle évaluation pour le bien ?

La valeur d'un bien immobilier sera en priorité déterminée par comparaison, au regard des références locales entre biens de même qualification et situés dans la même zone d'exposition à l'érosion (à horizon de zéro à trente ans). En l’absence de telles références, une décote proportionnelle à la durée de vie résiduelle prévisible pourra être appliquée à la valeur du bien estimée hors zone d'exposition au recul du trait de côte.

Comme en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, à défaut d'accord amiable, le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente, en tenant compte de l'exposition du bien au recul du trait de côte.