D'une société d'intégration à une société d'inclusion
Depuis la loi de 2005 «pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées», la majorité des ERP (établissements recevant du public) a amélioré son accessibilité même s'il y a encore du chemin à parcourir. Reste encore à le faire savoir aux usagers.
Etre dans le faire-savoir plutôt que dans l’obligation de répondre à une norme. Un pari que s’est lancé l’entreprise solidaire d’utilité sociale Picto Access, à sa création en 2015 par Justin Marquant. La solution numérique développée par la PME s’adresse aux collectivités et à tous les gestionnaires d’ERP. «La norme de 2005 n’est malheureusement pas suffisante. Nous faisons le lien entre la norme et l’usage. Il y a de gros enjeux derrière la notion d’accessibilité, comme l’attractivité du territoire, mais aussi le maintien à domicile des personnes âgées», indique François Monié, directeur général, pour poursuivre : «Si un visiteur peut avoir accès à un musée mais qu’il ne peut pas utiliser les services à l’intérieur, à quoi ça sert ?» Picto Access a donc imaginé un ensemble de huit pictogrammes, représentant différents types de fragilité ou de situation handicapante, classées par lettre et par couleur – et donc compréhensibles par tous, quel que soit le handicap –, que les ERP peuvent afficher sur leurs sites Internet, leurs réseaux sociaux mais aussi sur leurs pages Facebook (qui propose depuis quelques mois la fonctionnalité «Accessibilité»). En amont de ce classement, une expertise de Picto Access permet, par exemple, de définir la typologie du bâtiment et son accessibilité, pour établir ensuite un diagnostic. «Accessible ou non accessible, cela ne veut finalement pas dire grand chose. Cela dépend du handicap de chacun… Il faut surtout passer d’une société d’intégration à une société d’inclusion.» Pour les ERP, il s’agit d’un enjeu de taille avec une augmentation du flux de visiteurs et de leur satisfaction, une optimisation de l’investissement pour la mise en accessibilité des locaux et le développement de la marque employeur.
Objectif : 5 000 lieux en région
Déjà, 1 500 établissements régionaux sont engagés dans la démarche, avec l’ambition, pour Picto Access, de déployer plus de 5 000 lieux à l’échelle des Hauts-de-France. La solution est d’ores et déjà utilisée dans les bâtiments de la MEL (complexes sportifs, écoles, mairies, déchetteries, établissements culturels…), mais aussi dans les réseaux de transport du Dunkerquois, sur la communauté d’agglomération de Lens-Liévin, Amiens Métropole et les villes d’Arras et de Béthune… Sans oublier la dizaine de bailleurs sociaux de la région. Au total, plus d’une centaine de clients pour l’entreprise lilloise, dont l’actionnariat se partage entre la Caisse des dépôts et consignations, Nord capital et Finovam. C’est l’établissement qui prend en main les informations pour qu’elles soient 100% fiables. «On leur met entre les mains un tableau de bord et un outil de pilotage modifiable dans le temps, par exemple si un ascenseur est en panne. Travailler sur la mobilité, c’est rendre l’ensemble de la chaîne accessible», poursuit François Monié. La PME de 21 personnes (salariés et alternants) déploie sa solution sur l’ensemble du territoire national avec une ouverture imminente à l’international et des appels du pied de l’Espagne et du Portugal.
Améliorer la qualité de vie et l’employabilité
«Nous avons aussi un rôle à jouer sur l’appui à l’emploi des personnes en situation de handicap. Parmi nos partenaires, nous pouvons compter sur l’Agefiph et le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique)», précise François Monié. Un des tout premiers clients de Picto Access n’est autre que le ministère des Finances et des Comptes publics. «Dans un monde inclusif, il ne devrait même pas y avoir besoin d’une carte répertoriant les lieux accessibles. Le sujet n’est pas seulement de savoir si les lieux sont accessibles mais de le faire savoir. L’information en accessibilité est aussi importante que celle sur la non-accessibilité.» Si François Monié trouve que la société n’avance pas encore assez vite, il ne peut que se féliciter de la prise de conscience de certains acteurs, capables d’en emmener d’autres. A la clé, un critère d’attractivité des territoires mais aussi une réponse à une population de plus en plus vieillissante. Sans compter que le monde privé doit aussi prendre le train en marche avec, derrière, des enjeux d’employabilité et de marque employeur. Avec les cinq millions d’ERP que compte le territoire national, il reste à Picto Access une belle possibilité d’offrir à tous un monde plus inclusif.