Droit des entreprises en difficulté : les atouts du système français face à la sortie de crise
Selon les résultats d’une étude comparative sur les différents systèmes de procédures collectives en Europe, le dispositif français présenterait de nombreux avantages pour aider les entreprises en difficulté à redémarrer après la crise économique.
Pour «accompagner le débranchement de la perfusion des aides publiques», «aider les entreprises à redémarrer» et «prévenir un envol des faillites en 2021», «nous disposons en France d’un système bien outillé et vraiment bien adapté à la crise que nous sommes en train de vivre», a expliqué l’économiste Pierre Bentata, le 7 avril dernier, lors de la présentation des conclusions du rapport «Analyse comparative des systèmes de procédures collectives en Europe», réalisée par l’institut Asterès pour le Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ).
Des spécificités très françaises
Une étude qui met en exergue l’importance du rôle de l’administrateur judiciaire, qui représente les intérêts de l’entreprise, et du mandataire judiciaire, qui défend ceux des créanciers. «La spécificité générale du système français tient au fait qu’il prend bien en considération le conflit entre deux intérêts légitimes [celui du débiteur et celui des créanciers] et qu’il distingue deux types de professionnels qui ont les mêmes compétences et la même compréhension de l’écosystème et qui vont pouvoir dialoguer et renforcer la possibilité de trouver une solution optimale. C’est un système qui est considéré comme plus efficace que lorsqu’un individu est censé faire la passerelle et résoudre de lui-même le conflit», a-t-il souligné.
Autre spécificité et avantage du dispositif français : c’est un système «qui se focalise sur la prévention des faillites et la préservation des emplois, plutôt que la liquidation, pour favoriser les créanciers». Or «c’est fondamental et particulièrement efficace en temps de crise». Enfin, «la grande efficacité du système français tient à la possibilité d’intervenir très en amont» avec notamment «des procédures de prévention qui restent confidentielles». Et l’économiste de conclure : «nous avons en France un système qui est très favorable à l’entreprise» et «nous sommes sur ce terrain davantage à l’avant-garde que les autres pays européens».
Des procédures qui font preuve d’efficacité
Les résultats de cette étude comparative montrent une plus grande efficacité du dispositif français par rapport à ceux de ses voisins européens. Ainsi, «quand l’entreprise est en procédure, le taux de maintien de l’activité est de 46% en France, contre 8% aux Pays-Bas, et 2 à 6% en Espagne, en Allemagne ou au Royaume-Uni», a pointé le président du CNAJMJ, Christophe Basse. Et pour l’ensemble des entreprises visées par des procédures collectives en 2018, «70% des emplois ont été maintenus en France, contre 10% en Allemagne».
Or, le maintien de l’activité et la sauvegarde des emplois ne s’opèrent pas au détriment des créanciers : «le taux de recouvrement moyen est de 21% en France, contre 22% en Allemagne et 13% au Royaume-Uni, nous sommes donc dans la moyenne». Ni au détriment de la vitesse de la procédure : «la durée moyenne d’une procédure collective en France est de 13 mois, contre 25 mois au Royaume-Uni et 39 mois en Allemagne».
C’est ce modèle français que la directive «Restructuration et insolvabilité», en cours de transposition en droit interne, va déployer en Europe pour harmoniser le droit des entreprises en difficulté. Un modèle qui s’appuie «sur des professionnels expérimentés, formés, contrôlés, (…) complètement dédiés aux entreprises en difficulté, (…) et totalement indépendants», a souligné Christophe Basse.
La négociation à l’amiable au cœur des mesures de prévention
Grâce au soutien des pouvoirs publics, «des milliers d’entreprises ont été sauvées mais elles sont très endettées», a rappelé le vice-président du CNAJMJ, Frédéric Abitbol. Or, «le surendettement est quelque chose que l’on sait assez bien traiter, et si l’on prend le sujet à bras le corps, ce n’est plus un problème de survie pour les entreprises mais de négociation financière : il s’agit de savoir qui va assumer la perte entre l’entreprise, ses actionnaires, ses créanciers, etc.» Il faut alors «prendre le problème à bras le corps et engager la discussion» : à l’amiable, avec les procédures de prévention confidentielles (mandat ad hoc ou conciliation) ou au judiciaire, «devant le tribunal».
À l’amiable, le chef d’entreprise va se placer «sous la protection du tribunal et ouvrir une procédure de prévention» dans laquelle il sera «assisté d’un conciliateur ou d’un mandataire ad hoc qui ne peut rien imposer à personne, il vient simplement aider une négociation : il va mettre les parties autour de la table et sera le garant de la transparence et de la loyauté de la discussion et du fait que tout le monde va chercher une solution en bonne intelligence. (…) L’amiable, c’est de la négociation pure entre débiteur et créanciers, on fait du cas par cas pour trouver un point d’équilibre. Et ça marche, le taux de succès est très élevé.»