Deux mondes à rapprocher, des subtilités à comprendre
Les sous-préfets des trois arrondissements avaient convié acheteurs publics et entrepreneurs à une rencontre. Deux enseignements : un dialogue régulier est nécessaire et le Code des marchés publics, quand on le connaît bien, permet l’innovation et l’originalité.
Fin avril, au siège de la CCI Grand-Hainaut, à Valenciennes, les trois sous-préfets du Hainaut-Cambrésis (Virginie Klés pour la Sambre-Avesnois, Thierry Hégay pour le Cambrésis et Thierry Devimeux pour le Valenciennois) avaient convié les collectivités et les acteurs économiques à une rencontre sur le thème de “La commande publique”. Celle-ci contribue, pour une bonne part, au chiffre d’affaires de certaines entreprises du territoire.
A noter la présence, ce jour-là, de Pierre Pelouzet, médiateur national des entreprises du ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, qui entendait encourager des “pratiques innovantes” et apporter son éclairage sur les relations entre acheteurs publics (collectivités, bailleurs sociaux, hôpitaux…), à la recherche de fournisseurs, de prestataires, de constructeurs, et les entreprises susceptibles de répondre à leurs besoins.
Intérêt commun au dialogue. Que faut-il retenir de cette rencontre ?
Thierry Devimeux, sous-préfet de Valenciennes, qui explique être à l’origine de ce séminaire de travail, en souligne l’enjeu, voire l’urgence : “Les marchés publics, c’est le lieu de rencontre des institutions, des collectivités et du monde économique. Dans un contexte de baisse des dotations publiques et de crise, il y a un intérêt évident à développer une connaissance réciproque et une stratégie commune entre les collectivités du Hainaut-Cambrésis et les acteurs économiques. Je retiens cette phrase : la commande publique doit être au service des politiques publiques et du développement économique du territoire.” Il estime à une soixantaine le nombre des chefs d’entreprise présents.
Ce dialogue privé/public, aboutissant à des relations contractuelles bien déterminées, outre de servir, en principe, l’intérêt du territoire, doit aussi permettre aux entreprises de bien comprendre ce que veulent les collectivités et à ces dernières de mieux gérer l’argent public.
Des acheteurs publics peu imaginatifs ? Ce jour-là, des clés de compréhension de cette commande publique ont été données. Pour que le public et le privé la regardent autrement… A écouter le sous-préfet, il y a beaucoup à faire : “Les chefs d’entreprise trouvent qu’elle est compliquée, peu transparente, qu’elle écarte les ‘petits’. Quant aux acheteurs publics, ils ont peur de faire des erreurs, d’être soupçonnés de favoritisme ou d’inégalité de traitement, et prennent trop de précautions.“
Résultats, des publications légales imprécises, peu imaginatives, rébarbatives ; des cahiers des charges mal rédigés ; des appels d’offres qui se ressemblent ; des points importants pour les chefs d’entreprise qui ne sont pas abordés : échéanciers (ordres de service, planning…), délais de paiements…
Souvent, le constat suivant est fait : le temps administratif des collectivités n’est pas celui des entreprises. Ce qui fait qu’une collectivité qui paye avec retard peut mettre en péril la trésorerie d’un prestataire, même si ce n’est pas son intention.
Thierry Devimeux le répète : “Le dialogue régulier et la compréhension mutuelle sont dans l’intérêt du territoire et le Code des marchés publics, quand on s’y initie, permet des expériences, de faire preuve d’innovation, d’originalité. Mais il faut oser.”
ENCADRE
Cinq propositions ont émergé
Selon Thierry Devimeux, cinq propositions ressortent de cette rencontre à laquelle assistaient aussi les organismes représentatifs du monde économique (BTP, PME, CCI…) qui aideront en principe à leur mise en œuvre.
Un observatoire. Il serait mis en place afin de quantifier les volumes des marchés publics, les délais de mise en œuvre, et d’organiser un suivi. Le sous-préfet voit bien l’intérêt de cet observatoire, notamment pour les entreprises du BTP intéressées par les chantiers de voirie et de bâtiment. Thierry Devimeux cite aussi l’agroalimentaire comme domaine très structurant pour le Hainaut-Cambrésis. Lui aussi mériterait un observatoire ou un dialogue renforcé.
La formation. Les procédures restant complexes et comprenant des subtilités, des “initiations” aux astuces parfaitement légales, sont, pour lui, indispensables. Côté acheteurs publics, la constitution d’un club est préconisée. But : bien rédiger les appels d’offres, penser aux précisions qu’attendent les entreprises, stimuler l’imagination…
Quant aux entreprises, elles doivent apprendre à bien répondre ou encore à se regrouper en se partageant les lots d’un gros marché.
Des rencontres régulières. Pour que collectivités et entrepreneurs travaillent mieux ensemble, il estime que des “journées du territoire” sont à organiser : les acteurs publics y présenteraient, devant les acteurs privés, leurs stratégies, leurs besoins, leurs attentes. Ce temps d’échanges serait une façon de “préparer en amont la commande publique“.
Stimuler la créativité. Pour lui, la commande publique doit non pas freiner la créativité, l’expérimentation, l’innovation, mais les stimuler.
L’innovation ou l’originalité, on peut le noter au passage, ne concerne pas seulement les nouvelles technologies et le numérique, même si ce domaine a besoin d’être encouragé dans la commande publique. M. Devimeux prend cet exemple : un maire qui veut recourir à la traction animale, en privilégiant une race de chevaux de trait, pour l’arrosage des espaces verts ou le ramassage de certains déchets, doit oser le faire en passant par la commande publique.
Le sous-préfet l’assure : “Le Code des marchés publics permet l’originalité, mais il faut pour cela le connaître.“
Restauration collective. Ce domaine, qui relève de la “restauration hors foyer”, lui paraît être un terrain favorable à une rencontre entre l’agroalimentaire (y compris les petits producteurs) et les collectivités, afin de stimuler ces fameux circuits courts. Si la sécurité alimentaire est maîtrisée, à l’écouter, il y a encore beaucoup de “vraie pédagogie” à faire auprès des consommateurs, des enfants notamment. Pour ne pas laisser le terrain à la seule publicité…
Thierry Devimeux remarque au passage que la restauration collective n’est pas réservée aux gros volumes, aux grandes collectivités et aux grandes entreprises : “Les agriculteurs peuvent apprendre à se regrouper.” Il ajoute qu’un maire peut aussi très bien encourager un petit producteur local (de fruits par exemple) : “Encore une fois, le Code des marchés publics le permet, toute l’astuce est dans la formulation.“