Décès de Michel Guérard, père de la cuisine minceur trois étoiles
Michel Guérard, décédé à 91 ans, fut l'inventeur précoce d'une cuisine "minceur" qui a révolutionné la gastronomie mondiale, et de nombreux chefs ont rendu hommage lundi au cuisinier français établi dans le Sud-Ouest...
Michel Guérard, décédé à 91 ans, fut l'inventeur précoce d'une cuisine "minceur" qui a révolutionné la gastronomie mondiale, et de nombreux chefs ont rendu hommage lundi au cuisinier français établi dans le Sud-Ouest, triplement étoilé au guide Michelin depuis 1977.
"Il est décédé à son domicile dans la nuit" de dimanche à lundi, ont déclaré à l'AFP Florence Pelizzari, sa secrétaire, et le maire d'Eugénie-les-Bains, Philippe Brethes, commune des Landes où est installé depuis un demi-siècle le célèbre restaurant du défunt, "Les Prés d'Eugénie".
Premiercheffrançais à avoir fait la Une de Time Magazine, Michel Guérard était considéré par certains critiques et nombre de ses pairs comme l'un des cuisiniers les plus talentueux du XXème siècle.
"Les trois étoiles au guide Michelin des +Prés d'Eugénie+ brillent dans le ciel de la gastronomie française depuis 47 ans", a rappelé le guide Michelin dans un communiqué, saluant la mémoire d'une "légende" qui a "émerveillé les gastronomes et inspiré les chefs du monde entier avec une approche avant-gardiste centrée sur la qualité et la valorisation d'ingrédients simples et naturels".
À Eugénie-les-Bains (470 habitants), l'heure était lundi au recueillement et "à la discrétion", a-t-on expliqué à la presse, laissée à l'extérieur du domaine de Michel Guérard.
Le restaurant "Les Prés d'Eugénie" n'a pas ouvert ses portes, comme tous les lundis, et la consigne a été donnée aux employés de ne pas s'exprimer.
"C'était un personnage truculent, qui nous survivra tous avec ses livres de cuisine et ses recettes", a néanmoins déclaré à l'AFP Véronique Attal, agent thermal de 55 ans.
Employée dans l'établissement thermal de la famille Guérard, elle évoque "une fierté d'appartenir à un certain savoir-vivre et savoir-faire à la française", "d'une grande maison fondée par quelqu'un parti d'un métier manuel pour atteindre les sommets".
Boui-boui
Omniprésent, "ce grand patron" et "sacré bonhomme" venait, "encore l'an passé", "observer les plats en cuisine" et "saluer les curistes d'un mot sympa", raconte une autre salariée.
Né le 27 mars 1933 à Vétheuil (Val d'Oise), ce fils de bouchers doit abandonner très tôt ses études. Alors qu'il rêvait d'être médecin, il fait son apprentissage en pâtisserie à Mantes-la-Jolie.
Meilleur ouvrier de France à 25 ans, il exerce ses talents au Crillon puis au Lido mais c'est dans un "boui-boui" de banlieue parisienne qu'il acquiert ses lettres de noblesse.
En 1965, Michel Guérard achète en effet le "Pot-au-feu", petit bistrot nord-africain d'Asnières. Après des débuts difficiles, il y fera venir le Tout-Paris, avant de s'installer à Eugénie-les-Bains en 1974.
Après y avoir observé des curistes attablés devant de "pauvres carottes râpées et un bout de jambon", ce qu'il trouve "très déprimant", il y développe une "cuisine minceur" savoureuse, allégée en gras et en sucre, "mais en gardant le goût comme ligne de force".
Précurseur
De grands chefs de l'Hexagone lui ont rendu hommage lundi, tel Alain Ducasse, qui avait fait son apprentissage auprès de Michel Guérard lorsqu'il avait 18 ans, concoctant alors un gâteau "minceur" de carottes fondantes au cerfeuil.
"Il a été mon premier mentor", a écrit sur Instagram Alain Ducasse. "C'est à ses côtés que j'ai appris les valeurs essentielles du métier de cuisinier. Il a été un pionnier et l'inspirateur bienveillant de toute une génération."
Le chef marseillais Gérald Passedat a lui aussi déploré la perte de son "mentor", "immense chef précurseur de la cuisine minceur, visionnaire érudit, sensible".
"Un des piliers de la Grande cuisine française disparaît. Personnage iconique, il nous a tous éclairés et inspirés. Bravo l'artiste", a résumé Georges Blanc, trois étoiles au Guide Michelin depuis 1981 à Vonnas (Ain).
"Hommage admiratif à Michel Guérard, immense poète de la gastronomie", a écrit sur Instagram Guy Savoy, chef doublement étoilé à Paris.
De son côté, la ministre de la Culture Rachida Dati a salué "l'une des légendes" de la gastronomie française.
"Aux côtés d'autres géants, comme Paul Bocuse, Alain Chapel ou les frères Troisgros, il avait fait rayonner la +Nouvelle Cuisine+ dans le monde entier, hissant la haute cuisine au rang des beaux-arts. Merci chef !", a-t-elle tweeté.
36EF4ET