Darmanin, les yeux rivés sur la présidentielle
Gérald Darmanin, qui a acté vendredi matin sa sortie du gouvernement où il aura passé sept ans dont quatre comme ministre de l'Intérieur, n'a jamais eu qu'une seule idée en tête, qu'il n'a jamais cherché...
Gérald Darmanin, qui a acté vendredi matin sa sortie du gouvernement où il aura passé sept ans dont quatre comme ministre de l'Intérieur, n'a jamais eu qu'une seule idée en tête, qu'il n'a jamais cherché à dissimuler, accéder un jour à l'Elysée.
"Ce qui m'intéresse, ce n'est plus de regarder ce qu'il s'est passé en 2017 et 2022. Ce qui m'inquiète maintenant, c'est ce qui se passera en 2027", disait-il à l'été 2023.
A 41 ans, l'ambitieux élu de Tourcoing (Nord) a mis ses pas dans ceux de son mentor Nicolas Sarkozy, allant jusqu'à en copier des pans de communication: double page dans Paris Match avec femme et enfants dans son bureau de la place Beauvau, vocabulaire "popu" et formules à l'emporte-pièce, reprise de l'expression "petit Français de sang mêlé"...
Il a fait de la saturation de l'espace médiatique sa marque de fabrique, enchaînant les interviews et les tweets, quitte à en faire trop.
Il rêve d'incarner au plus haut sommet de l'Etat une droite décomplexée, tournée vers les classes populaires qu'il juge délaissées par les partis de gouvernement.
"C'est la question sociale qui est la plus importante (...) j'espère que la boussole populaire que je propose sera un jour totalement entendue par la majorité", expliquait en août 2023 Gérald Darmanin.
Lui qui n'est pas énarque - il est diplômé de Sciences Po Lille - et s'en enorgueillit, rappelle à l'envi ses origines modestes - sa mère était concierge de la Banque de France -, et qu'il est petit-fils d'immigré algérien - son grand-père maternel, Moussa Ouakid, dont il porte le prénom, était membre des Forces françaises de l'intérieur (FFI).
La politique, son métier
A Bercy comme ministre des Comptes publics ou à Beauvau, Gérald Darmanin a toujours eu une grande liberté d'action et de ton qui lui a valu une inimitié certaine de ses collègues du gouvernement.
D'autant qu'il a réussi à intégrer le petit club des "présidentiables" aux côtés de Bruno Le Maire ou Edouard Philippe. L'incursion récente dans ce cercle de Gabriel Attal, plus jeune que lui, l'a exaspéré, au regard de la bataille que se livrent les deux hommes, par entourages interposés.
C'est son savoir-faire politique qui a fait de Gérald Darmanin un poids lourd de la Macronie. "Malin" pour ses fidèles, "cynique" pour ses contempteurs. "Il a une qualité, il est malin, mais un défaut, cela se voit", disait de lui l'ex-président de LR, Christian Jacob.
Pur produit de la politique dont il a fait son métier, il a adhéré au RPR quand il avait tout juste 16 ans. Revendiquant, mais seulement depuis peu, une fascination pour Philippe Séguin, figure du "gaullisme social", il a gravi tous les échelons, du militant à l'élu local, puis au député et enfin au ministre.
Des échecs, il en a connus, dont certains retentissants, comme le fiasco en mondiovision de la finale de la Ligue des champions au Stade de France en mai 2022, deux ans avant les Jeux olympiques de Paris, ou le vote au forceps avec les voix du Rassemblement national de sa loi immigration après l'adoption par les députés d'une motion de rejet qui a fracturé la majorité et le gouvernement.
Mais si ces deux épisodes lui ont fermé les portes de Matignon qu'il pensait à portée de main, il a toujours eu l'oreille du chef de l'Etat. "Il a marabouté Macron", se désolait récemment un ancien ministre, qui attribue notamment au ministre de l'Intérieur une part de responsabilité dans la décision présidentielle de dissoudre l'Assemblée nationale.
Deux amis
Nordiste - il est né à Valenciennes -, Gérald Darmanin a deux amis: Sébastien Lecornu et l'ex-député Thierry Solère, plusieurs fois mis en examen dans divers dossiers. Tous trois ont été exclus de LR en 2017 quand ils ont rallié Emmanuel Macron.
Il voue aussi respect et amitié à Edouard Philippe, qui a quitté LR pour créer son propre parti, Horizons, et l'a fait venir au gouvernement.
Les trois hommes étaient d'ailleurs invités au mariage du ministre de l'Intérieur en août 2020.
De son long passage à Beauvau - seuls Roger Frey (5 ans et 10 mois) et Raymond Marcellin (4 ans et 7 mois) sont restés plus longtemps que lui à ce poste particulièrement exposé -, il laisse pour principal héritage une ambitieuse loi d'orientation et de programmation (2022-2027), dotée de 15 milliards d'euros de budget supplémentaire. Du jamais vu pour la police.
Auprès des organisations syndicales toutes puissantes qu'il a su choyer, il jouit d'une aura sans égal.
Il va quitter Beauvau auréolé du succès des Jeux olympiques de Paris et de la cérémonie d'ouverture qui, pour la première fois de l'histoire des JO hors d'un stade, constituait un défi sécuritaire que certains jugeaient insurmontable.
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