Connaissez-vous les «MARD» ?

L’engorgement des tribunaux est une réalité partout en France. Parallèlement, un mouvement amorcé voici quelques années tend vers une «pacification» de la justice. De la conjonction de ces deux tendances est née la procédure des «modes alternatifs de règlement des différends» (MARD). Une procédure qui, après un temps de rodage, s’installe au sein du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer. Explications.

Les trois conciliateurs du Tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer : de G. à D., MM. Alain Potier, Jean-Pierre Clément et Jean-Pierre Klaas. En attendant d’autres recrues…
Les trois conciliateurs du Tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer : de G. à D., MM. Alain Potier, Jean-Pierre Clément et Jean-Pierre Klaas. En attendant d’autres recrues…

Dans une procédure devant un tribunal, le juge peut à tout moment considérer qu’un accord est préférable à un jugement et en proposer la recherche aux parties. Voilà le fondement des MARD, les modes alternatifs de règlement des différends. En dépit de fondements juridiques incontestables, cet intitulé est quelque peu incertain puisque le mot «alternatifs» est parfois remplacé par celui d’«amiables». Concrètement, à tous les stades de la procédure, le juge peut proposer aux parties de suspendre le procès et d’avoir recours à cette alternative qui a été étendue à la matière commerciale par des textes qui datent de 2015. Deux types de MARD existent concurremment : la médiation et la conciliation. La médiation est assurée par des personnes extérieures au tribunal et elle est payante. Les conciliateurs de justice rendent leurs décisions bénévolement. Si une médiation ou une conciliation réussit, celui qui l’a conduite dresse un constat d’accord et en informe le tribunal. Les choses peuvent en rester là, mais il existe la possibilité pour l’une ou l’autre partie (ou les deux) de demander l’homologation de cet accord au tribunal. Cette homologation a la même force juridique qu’un jugement. «C’est utile en cas de difficultés à faire exécuter l’accord» souligne Daniel Lefebvre, vice-président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer. Au cas où la médiation ou la conciliation échoueraient, la procédure habituelle reprend son cours, là où elle avait été suspendue. Soulignons enfin que la philosophie générale des MARD est qu’ils ne doivent pas porter atteinte aux impératifs d’impartialité, de neutralité et d’indépendance du juge.

Démarrage en douceur

Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer s’est donné le temps de la réflexion en 2016 avant de procéder à la mise en place en 2017, sous la houlette de Jacques Pasquier, juge consulaire désigné à cet effet par ses pairs. Les conditions de l’utilisation des MARD a fait l’objet d’une convention signée entre le tribunal et les barreaux de Boulogne-sur-Mer et Saint-Omer. Début 2017, deux juges–conciliateurs ont été nommés (un troisième l’a également été depuis). Laurence Pidou, greffière, livre les statistiques pour l’année : sept conciliations, qui, pour l’essentiel, se sont déroulées au second semestre, ont eu lieu et ont abouti à cinq accords et deux échecs. Le système est appelé à prendre de l’ampleur : lors de la première audience de 2018, sur quinze affaires évoquées, deux ont été renvoyées devant les juges–conciliateurs. La volonté du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer de faire mieux connaître et de plus utiliser ce mécanisme a été affirmée sans ambiguïté lors de l’audience solennelle de rentrée, en janvier, par son président, Hervé Le Roux de Bretagne. De son côté, M. Lefebvre situe l’objectif du tribunal de faire passer par les MARD «de 20 à 30%» des procédures dans un proche avenir.

Les trois conciliateurs du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer : de gauche à droite, Alain Potier, Jean-Pierre Clément et Jean-Pierre Klaas.