«Le collaboratif, c’est aussi laisser faire»
Dans le cadre de notre série d’été consacrée aux entreprises qui managent autrement, nous avons rencontré Alexis Devillers, PDG d’Alive Groupe à Tourcoing. S’il a débuté avec seulement un associé, il est aujourd’hui entouré de près de 420 collaborateurs à qui il n’hésite pas à accorder confiance et autonomie.
Le son a toujours fait partie de sa vie. Ancien DJ, Alexis Devillers est d’abord passé par des grands noms du retail – Decathlon et Kiabi –, pour créer en 1995 la société d’audiovisuel ADF, devenue aujourd’hui Alive Groupe, suite au regroupement avec les sociétés NAO, CSE Technology et Concept 2 M. Éclairage, vidéo, distribution électrique, mobilier, fabrication de décor… le groupe compte aujourd’hui plus de 400 collaborateurs autour de trois métiers : l’installation et la vente de matériel avec Alive Technology, la formation avec Alive School, la location et les prestations avec Alive Events. Convaincu que la vision d’une entreprise s’écrit avec celles et ceux qui la vivent quotidiennement, Alexis Devillers a su instaurer un mélange de créativité et de technicité propres aux métiers du son et de l’image.
La Gazette : Comment réussissez-vous à impliquer 420 collaborateurs dans une vision unique ?
Alexis Devillers : Nous avons toujours coécrit la vision d’Alive Groupe avec l’ensemble des salariés. En 2014, elle était plutôt ambitieuse : une volonté de mailler le territoire, notamment avec 4 agences en France (Angers, Chilly-Mazarin, Nancy et Evreux). 300 personnes ont été formées en interne via Alive School pour que le groupe devienne leader sur de nouveaux marchés que nous allions créer par de l’innovation. Nous mélangeons tous les services et je suis moi-même en formation avec eux. Il n’y a pas une année où je ne me forme pas, et nous dépassons chaque année les budgets de formation. Se former à nos métiers prend du temps. C’est un métier de passion, il faut être disponible le jour et la nuit, mais aussi le week-end. Nous faisons de plus en plus attention aux valeurs, davantage qu’aux compétences. Nous recrutons beaucoup par les réseaux sociaux, on crée l’envie de venir chez nous ! Nous avons une volonté de créer les hommes et les femmes et de les faire grandir.
D’ailleurs, vous ne parlez pas de «salarié» mais de «collaborateur».
Oui, ici on n’a pas le droit de dire «salarié» ! Depuis peu, nous avons intégré un parcours d’intégration de quatre semaines, où le futur collaborateur visite l’ensemble des services. Après ce parcours d’intégration, il nous rend un «rapport d’étonnement». On lui demande tout simplement : s’il avait une baguette magique, que changerait-il dans l’entreprise ? Je prône la convivialité et le droit à l’erreur. Plus on se plante, plus on apprend.
Pour autant, ce type de management fonctionne-t-il avec l’ensemble des salariés ?
Non, certains ont besoin de directives. C’est complètement ouvert. Chacun peut prendre les responsabilités qu’il souhaite. Pour le nouveau bâtiment que nous occuperons l’an prochain, nous avons mis un tableau pour que les collaborateurs écrivent les idées d’aménagement.
Certaines sont d’ailleurs farfelues !
En effet, on nous a suggéré un terrain de foot ou une salle de massage ! Mais je suis moi aussi un fou qui m’entoure de sages… Il faut savoir se remettre en cause, à tout niveau de l’entreprise. Le collaboratif, c’est aussi de laisser faire !
Selon vous, quelles peuvent être les limites du management collaboratif ?
Déjà, cela prend du temps. Nous travaillons sur le management collaboratif depuis deux ans. On ne peut pas passer à ce type de management en quelques mois, une pédagogie est nécessaire. Je pense aussi qu’il faut éduquer les collaborateurs aux chiffres. Par exemple, je leur explique la répartition d’un montant de 100 € de chiffre d’affaires en salaires, en réparations, en gazole… Et je leur demande ce qu’il est possible d’optimiser. Ensuite, le danger du collaboratif est que l’on soit tous potes ! Mais il faut savoir dire les choses, manager dans le collaboratif s’apprend. Oui, je tutoie tout le monde, c’est important de casser les hiérarchies, mais il faut garder un cadre. Il y a des règles et il faut les entendre.
Votre déménagement l’an prochain, dans d’anciens entrepôts de La Redoute à Tourcoing, sur 42 000 m2 – contre 16 000 aujourd’hui –, sera aussi un nouveau challenge pour vos équipes.
Ce site rénové comprendra un entrepôt rééquipé, mais aussi une salle de sieste. Pourquoi pas un hôtel pour les intermittents, les fournisseurs ? Ainsi qu’un bar et un système de restauration ? Nous avons déjà ici une salle de sport, c’est important que les collaborateurs s’approprient les lieux. Quand nous sommes passés en mode collaboratif, nous avons privilégié les open space et on a posé ensemble la moquette, chacun a monté ses meubles.
En avril 2018, vous avez racheté le groupe parisien Art Event (220 salariés), ajoutant une corde de plus à votre arc puisque la société est spécialisée dans le décor et la location de mobilier. Les croissances externes sont votre fer de lance ?
J’avais entendu parler d’Art Events et de son PDG Pascal Gosselin. Au sein d’Alive Groupe, nous réalisions déjà du décor, mais nous avions envie de nous industrialiser. Pascal Gosselin m’a revendu Art Events mais a réinvesti dans Alive Groupe, devenant ainsi un associé ! Quand on a créé l’entreprise, on était que deux, mais si on souhaite la faire grandir, il faut faire confiance et donner les clés. Aujourd’hui je m’éclate dans la croissance et, en effet, je m’occupe plutôt des stratégies de fusion et d’acquisition de marchés.
Selon vous, quel est le rôle d’un dirigeant ?
Etre le plus visionnaire possible, tout en sachant prendre du recul. Si un projet ne fonctionne pas, il ne faut pas s’entêter. Mais aussi être transparent, collaboratif, continuer à se former et embaucher meilleur que soi ! C’est impossible de tout gérer.