«C’est unique dans le monde entier»

Il était venu en 2013 au World Forum pour présenter les fondements de la troisième révolution industrielle devant une assemblée conquise et ultra motivée. Depuis, les Hauts-de-France se sont approprié ce qu’ils ont appelé la Rev3, sur laquelle Jeremy Rifkin ne tarit pas d’éloges.

«La région est un facilitateur, les gouvernements doivent passer au niveau supérieur», explique Jeremy Rifkin. ©Maxime Dufour Photographies
«La région est un facilitateur, les gouvernements doivent passer au niveau supérieur», explique Jeremy Rifkin. ©Maxime Dufour Photographies

Sa présentation d’un «master plan» pour la région, lors de l’édition 2013, avait laissé les élus régionaux plus déterminés que jamais à entrer dans la troisième révolution industrielle. De retour cette année pour le 5e anniversaire de Rev3, l’économiste américain, spécialiste en prospective économique et scientifique, a salué le déterminisme régional à s’investir dans de nouveaux défis aussi bien économiques qu’environnementaux et territoriaux.

La Gazette : Cinq ans après votre venue, quel regard portez-vous sur la dynamique Rev3 ?

Jeremy Rifkin : C’est une région où je passe beaucoup de temps depuis 2012. Parfois, je me demande pourquoi les Hauts-de-France ont fait tout cela avant les autres. Pourtant, ce n’est pas la seule région en Europe à s’être investie dans la troisième révolution industrielle. Mais il y a ici ce principe de subsidiarité, au cœur du process, mais que personne ne semble connaître. C’est le secret le mieux gardé d’Europe ! Ce qui s’est passé dans les Hauts-de-France est absolument unique dans le monde entier.

D’où vient cette situation que vous qualifiez d’unique ? Que possède la région Hauts-de-France que d’autres n’ont pas ?

Daniel Percheron (alors président de Région lors de la venue de Jeremy Rifkin en 2013, ndlr) et Xavier Bertrand ont absolument transformé le modèle de gouvernance. Quand je suis venu il y a cinq ans, j’avais annoncé que je ne pouvais pas construire les architectures et les infrastructures à votre place. Je sais ce qu’il faut faire, mais si je le fais à votre place, cela va rester dans un coin, sans aller plus loin. J’ai donc suggéré que les Hauts-de-France rassemblent les partis politiques, les territoires, les universités, les entreprises, les chambres de commerce… pour créer un assemblage démocratique. La région servira de facilitateur pour établir une cartographie, ouverte, distributive et partagée. Si vous étiez prêts à faire cela, alors je viendrais vous aider. Et, je l’avoue, je ne pensais pas obtenir un oui !

D’autant plus qu’il y a cinq ans, la région n’avait pas les mêmes contours qu’aujourd’hui. Il a donc fallu impliquer de nouveaux élus.

Quand j’ai rencontré Xavier Bertrand la première fois, je ne savais pas à quoi m’attendre. En général, quand on change de parti politique, tout change. Mais il m’a tout de suite rassuré. Il a proposé d’inviter Daniel Percheron en tant que conseil pour faire Rev3 plus vite, plus profondément, plus loin, et l’appliquer à toute la région. Ce n’était pas, pour lui, une question de politique mais de devoir envers les générations futures. Je ne m’y attendais pas du tout. La situation est inédite : plus de 1 200 projets ont été initiés et les Hauts-de-France ont connu la plus grande création d’emplois liés à la troisième révolution industrielle. Ce qui caractérise la région, c’est la solidarité, la fraternité. Ici on se remonte les manches et on fait le boulot, et c’est sûrement pour cela que vous avez réussi la première et la deuxième révolution industrielle. Ce qui est certain, c’est que la nouvelle génération apporte énormément. Les impliquer pour poursuivre le mouvement est la clé du succès.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Il faut maintenant passer de la théorie à la pratique. Les gouvernements ont un nouveau rôle à jouer, ils doivent fournir les codes, les réglementations et les standards. L’idée ? Passer au niveau supérieur, c’est-à-dire ce que j’appelle la «glocalisation» : avec les énergies renouvelables, la communication, l’Internet des objets, chaque région va être de plus en plus connectée, distributive, latérale. Il faut une révolution technologique, économique et politique pour amener l’Europe à un nouveau modèle où la Région aura de plus en plus de pouvoir et où l’Etat sera un facilitateur.         

Quand les écosystèmes deviennent innovants et intelligents

Pionnière dans le mouvement, la région Hauts-de-France a donné des idées à d’autres régions de France, à l’image de l’Occitanie/Pyrénées-Méditerranée et de la Bourgogne-Franche-Comté. En Europe, Rotterdam et Luxembourg en sont aujourd’hui à leur troisième année de mise en œuvre. Des études, menées notamment par l’Ademe, montrent que d’ici 2050, 900 000 emplois seront liés à la transition énergétique. Une «école de métiers Rev3», initiée par Xavier Bertrand, serait dans les tuyaux selon Philippe Vasseur, président du World Forum for a Responsible Economy. Parmi les projets emblématiques Rev3, on peut notamment citer les établissements Godefroy (Ecuries, Pas-de-Calais) qui ont installé au sol 70 m2 de capteurs solaires thermiques destinés au nettoyage des camions, ou la première opération d’autoconsommation collective à Fruges, dans le Haut-Pays du Montreuillois (quatre toitures photovoltaïques installées sur des bâtiments communautaires dont la production pourra couvrir la consommation annuelle de vingt logements).