L'industrie des carrières rattrapée par la crise du logement
La crise de la construction neuve se ressent en amont de la filière : l'activité des professionnels de l'extraction de granulats et pierre et de la fabrication de béton prêt à l'emploi, chute brutalement. Leur autre marché principal, les travaux publics, se porte mieux.
Un bilan mauvais ; des perspectives pires encore. Le 7 décembre à Paris, l'Unicem, l'Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction, dévoilait les résultats de son activité en 2023 et les prévisions pour l'année à venir. Ce syndicat professionnel regroupe 2 400 entreprises qui emploient plus de 31 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires de 8,3 milliards d'euros. Elles sont spécialisées dans deux activités : l'extraction (granulats, pour l'essentiel, et pierre) et la fabrication de BPE, béton prêt à l'emploi. L'ensemble de ces professionnels sont fortement impactés par la très forte baisse de la construction de logements neufs. En 2023, « depuis le début de l'année, la tendance est négative, et elle se creuse dans la période récente », explique Carole Deneuve, responsable du service économique et statistique de l'union professionnelle.
En 2020, l’activité avait diminué de 7%, pour augmenter en 2021 de 9% et baisser de 3,1% en 2022. En 2023, la chute de l'activité enregistrée en octobre est de 8,4%. Autre chiffre inquiétant, le niveau de production de granulats est tombé à 321 millions de tonnes ( en baisse de 7,5 % par rapport à l'an dernier), des niveaux jamais atteints depuis les années 1985-1986. Et concernant le BPE (36,7 millions de m³) la production se situe environ au niveau de 1998, après un recul de 6,5 % depuis l'an dernier. « Les perspectives ne sont pas au beau fixe (…), nous sommes dans une phase difficile. Nos activités souffrent du contexte du logement en France », prévient Alain Plantier, président de l'Unicem. Pour l'année qui vient, il prévoit un nouveau recul de la production. Celle de granulats devrait diminuer de 6% environ par rapport à 2023, pour atteindre un niveau de quelque 300 millions de tonnes. Celle de BPE devrait chuter encore plus fortement ( -10,5%), soit 33 millions de m³. En terme d'activités, le lien est évident : près de 70% de la production de BPE (qui nécessite des granulats) s'adresse au secteur du bâtiment. Suivent la voirie (15%), le génie civil (11%) et autres usages.
Inquiétudes cumulées
L'autre marché principal des professionnels de l'UNICEM présente, lui une tendance positive : c'est celui des TP, travaux publics, voiries, réseaux, routes... qui consomme 81% de la production de granulats. « Le cycle électoral semble ranimer un peu l'activité », note Carole Deneuve. Fin octobre 2023, l'activité a augmenté de 5% sur un an, même si elle concerne surtout les grandes agglomérations. Pour la suite, les échéances électorales pourraient jouer en la faveur des TP. Néanmoins, « une partie des travaux publics gravite autour de la construction neuve », tempère Carole Deneuve. Mais l'Unicem souligne deux sources d’inquiétudes supplémentaires pour l'année qui vient. Tout d'abord, aux effets de baisse de volumes, pourrait s'ajouter- dans une moindre mesure - un effet prix. En effet, celui, momentané, lié à l'inflation, devrait se dissiper. « Il est fort probable que les chiffres d'affaires soient en baisse en 2023, et il est certain qu'ils le seront en 2024 », note Alain Plantier.
Autre sujet de préoccupation, l'impact potentiel des Jeux Olympiques sur l'activité de ses adhérents. Trente-six centrales de BPE sont situées sur des communes accueillant des sites des JO ou à proximité. Elles risquent de voir leur activité compliquée, voire stoppée. Au total, l'Unicem estime l'impact possible des Jeux à la perte de 1,5 point de production en béton prêt à l'emploi, sur le plan national, et à 0,6 point pour les granulats. Dans ce cadre compliqué, l’État n'aide pas, pointe Carole Deneuve.« La politique du gouvernement vient creuser le cycle. Au lieu d'avoir une politique contracyclique, en soutenant la demande, on en retire », juge-t-elle. Elle regrette la fin du dispositif fiscal Pinel et les restrictions apportées au PTZ, prêt à taux zéro.
L'ensemble de la profession ressent ces difficultés, d'après une enquête d'opinion UNICEM : tous prévoient un recul de leur activité et près de la moitié s'attendent à ce qu'elle soit sévère. Ils sont plus de huit sur 10 à anticiper une baisse de leurs investissements en 2024.