Avec la liquidation d'Indexia, fin de course pour "l'autodidacte" de l'assurance Sadri Fegaier
"Autodidacte", "gourou", "génie", "escroc"... En quinze ans, Sadri Fegaier a construit un empire, d'abord de l'assurance téléphones puis des services liés aux produits multimédia. Mais la course de ce cavalier pourrait s'arrêter avec la liquidation de sa holding Indexia...
"Autodidacte", "gourou", "génie", "escroc"... En quinze ans, Sadri Fegaier a construit un empire, d'abord de l'assurance téléphones puis des services liés aux produits multimédia. Mais la course de ce cavalier pourrait s'arrêter avec la liquidation de sa holding Indexia Group et un procès au pénal en septembre.
Lors d'une visioconférence avec les salariés de la SFAM pour leur annoncer la liquidation en avril de cette entité historique du groupe dont l'AFP a pu voir des extraits, le PDG de 44 ans hésite, regarde son téléphone ou triture un stylo.
"C'est un coup dur (...) on aura fait le maximum jusqu'au bout sur cette structure, on va continuer nos efforts sur les autres activités (...) tout ça continue (...) voilà voilà", affirme-t-il après avoir répondu aux questions de salariés inquiets pour le paiement de leurs salaires.
Le groupe n'a pas répondu aux sollicitations répétées de l'AFP.
Mercredi, le tribunal de commerce de Paris a également placé en liquidation judiciaire la holding et plusieurs entités du groupe Indexia.
En 2010, Sadri Fegaier, fils d'immigrés tunisiens - mère femme de ménage et père routier - titulaire d'un BTS assurances lance la SFAM, après avoir évolué au sein de magasins SFR franchisés.
"Il est arrivé dans ce monde corseté comme une boule dans un jeu de quilles", assurait en 2022 un ancien partenaire du groupe. Il a "créé l'assurance téléphone portable multirisques telle qu'on la connaît aujourd'hui", confiait un autre à l'AFP.
Des sommets...
Suivent dix ans de succès: 8 millions de clients, plus d'un milliard d'euros de volumes d'affaire annuel et 3.000 salariés revendiqués en Europe. Les magasins propres du groupe Hubside.Store, proposant des produits multimédias neufs ou reconditionnés, se multiplient, les services proposés aussi.
Son bras droit Jean-Pierre Galera, débauché d'Altice, trouvait au jeune patron un air de Patrick Drahi. Un partenaire ayant requis l'anonymat le comparait lui à Bernard Tapie, "sans le côté flamboyant".
Sadri Fegaier devient l'un des plus jeunes milliardaires de France, selon Challenges. En 2018, il rachète discrètement 11,35% de Fnac-Darty pour 335 millions d'euros, après avoir remporté en 2017 un appel d'offres pour distribuer ses assurances dans ces grandes enseignes.
Bpifrance et Ardian entrent au capital. Le groupe, renommé Indexia, intègre des programmes chapeautés par Bercy.
Attaché à sa ville natale, Romans-sur-Isère (Drôme), meurtrie depuis la fin de son industrie de la chaussure, il y construit un complexe de verre aux intérieurs minimalistes et devient l'un des premiers employeurs privés de la région, fier d'employer des jeunes issus de milieux défavorisés.
... à la chute
Cavalier à ses heures perdues et propriétaire d'un haras, Sadri Fegaier voit toutefois les obstacles s'accumuler. Une première enquête de la répression des fraudes pour pratiques commerciales trompeuses aboutit en 2019 sur un transaction pénale de 10 millions d'euros.
Une deuxième investigation est lancée dans la foulée face aux centaines de plaintes de consommateurs qui s'accumulent et l'accusent d'être "un escroc": prélèvements indus sans signature d'avenant au contrat, montants prélevés démultipliés pour atteindre parfois des centaines d'euros par mois, non prise en compte des demandes de résiliation.
Le groupe poursuit ses activités. "Tout le monde s'est fait endormir, y compris nous", affirme un ancien partenaire.
"Même nous, on s'est fait avoir", regrette une salariée auprès de l'AFP le jour de la liquidation de la SFAM. Beaucoup racontent avoir été alléchés par les salaires deux à trois fois supérieurs proposés pour intégrer les centres d'appel d'Indexia. Des délégués syndicaux parlent d'un vrai "gourou".
En 2022, le PDG disait à l'AFP penser aux épreuves de saut d'obstacles des Jeux olympiques de Paris et se disait "serein" face à la perspective d'être jugé par le tribunal correctionnel pour "pratiques commerciales trompeuses".
Une date a été fixée pour le procès qui s'ouvrira le 23 septembre. Sadri Fegaier encourt deux ans d'emprisonnement, 300.000 euros d'amende et une interdiction de gérer une société.
Sur son site officiel, on peut lire une citation de Jean-Paul Sartre: "Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut mais on est responsable de ce que l'on est".
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