Auchan rogne sur ses marges pour maintenir sa compétitivité

Dans un contexte inflationniste et géopolitique tendu, le groupe ELO – Auchan Retail, Nhood et Oney – affiche une croissance de son chiffre d'affaires de 6,3% et une activité solide, malgré une baisse assumée de l'EBITDA pour «soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs».

L'hypermarché de Roncq. Crédit photo mimpki
L'hypermarché de Roncq. Crédit photo mimpki

Fin août, le groupe ELO présentait ses résultats semestriels 2022 : en progression dans tous les territoires sauf la France et l'Ukraine, l'activité d'Auchan Retail a augmenté de 6,2%, une croissance essentiellement liée à la vente de carburants (+51%). Même si la France enregistre une baisse de ses revenus de 2,0% à magasins comparables, Auchan Retail entrevoit des signaux positifs. «On a constaté une nette amélioration au deuxième trimestre. Les consommateurs augmentent la fréquence d'achat mais baissent le panier moyen, avec une évolution du mix d'articles et davantage de produits premier prix», constate Ludovic Delcloy, directeur finance et performance chez Auchan Retail.

Au premier semestre 2022, l'EBITDA d'Auchan Retail s'établit donc à 440 M€, en baisse de 21%. En cause, la hausse des ventes de carburant, génératrices de moindres marges, mais aussi la hausse des autres charges d'exploitation dans un contexte de pressions inflationnistes sur les salaires et les coûts de l'énergie dans tous les pays. «Cette baisse de 121 M€ de l'EBITDA, clairement assumée, doit aider les clients à faire face à l'inflation», poursuit-il.

La France toujours en recul

Si en France, Auchan Retail affiche une baisse de ses ventes depuis plusieurs années – à fin juin 2022, le CA affiché est de 7,9 Mds€, en recul de 2,0% –, la nouvelle gouvernance récemment nommée a lancé plusieurs chantiers autour du commerce et du digital avec une augmentation de 30% du montant des investissements. C'est par exemple le cas du déploiement des nouveaux parcours d'encaissements et l'optimisation des schémas logistiques. «Les premiers signaux sont positifs : les résultats sont à l'équilibre cet été et le trafic en magasin a augmenté de 6%, notamment en hypermarchés. Nous voulons tirer un trait sur neuf années de décroissance», rapporte Ludovic Delcloy.

Dans les autres pays, la croissance est au rendez-vous, avec par exemple +7% sur l'Europe de l'Ouest et la péninsule ibérique, notamment avec l'acquisition de 235 supermarchés Dia pour accélérer sur le phygital, ce qui fait de l'Espagne le deuxième pays d'Auchan Retail. Du côté de l'Europe Centrale et de l'Est, l'activité a évidemment été marquée par la guerre en Ukraine, mais Auchan Retail affiche tout de même des «résultats solides» avec un CA à 4 137 M€, en progression de 5,0% et dans un contexte d'inflation très marqué. «Nous avons repris de façon volontariste notre dynamique de développement en Afrique, en Espagne ou en Europe Centrale», a commenté Yves Claude, président-directeur général d'Auchan Retail.

«Nous voulons tirer un trait sur neuf années de décroissance»

«Trente-neuf points de vente sont restés ouverts en Ukraine. Les trois qui ont fermé l'ont été car ils étaient en zone de guerre ou ont été bombardés. Nous avons distribué près de 2 300 tonnes de dons», poursuit Ludovic Ducloy. Les investissements en Russie ont été stoppés dès la fin du mois de février, pays au sein duquel le groupe emploie 29 000 collaborateurs pour 230 magasins. Dans tous les pays, Auchan Retail a insisté sur la répercussion mesurée de la hausse des prix auprès de ses clients, particulièrement en France, même si la rentabilité du groupe s'en trouve affectée. Derrière, une stratégie établie de mettre en valeur les produits de marque Auchan et des filières responsables.

Accélération du pôle immobilier

C'est désormais sous le nom de New Immo Holding que le groupe a réinventé son pôle immobilier fin 2019, avec Ceetrus pour la foncière – dont le patrimoine actif s'élève à 7,2 milliards d'euros pour 225 sites – et Nhood Services en société de services – 10 milliards d'actifs sur 467 sites. La fréquentation des sites a augmenté de 14% par rapport au premier semestre 2021, soit un retour à 87% du trafic du premier semestre 2019. «On constate une reprise de l'activité dans un contexte encore compliqué, même si l'on n'est pas encore au retour du trafic d'avant la pandémie. Nous avons géré nos investissements à un rythme contenu : 60 M€ au premier semestre 2022. Nous allons continuer d'investir pour accompagner la transformation du retail et faire en sorte que les sites commerciaux se régénèrent en sites multi-usages», constate Thierry Leconte, directeur fonctions support et performance chez Nhood. Au total, une croissance de 8,3% des revenus bruts à 285,1 M€.

Plus globalement, la situation financière d'ELO reste solide, avec un chiffre d'affaires de 15,6 Mds€, en hausse de 6,3% par rapport au premier semestre 2021. La marge commerciale progresse de 62 M€ (+1,7%) pour absorber une partie de la hausse des charges de personnel (+2,3%) et des charges externes (+13,2%) dans un contexte de forte inflation. Des résultats qui ont compensé la baisse de l'EBITDA (-9,7%, à 619 M€) et qui n'empêchent pas Jean-Baptiste Emin, directeur général délégué ELO, de rester confiant : «Nous avons la capacité de faire face à nos échéances sans financements. La solidité financière d'ELO donne les moyens de faire face aux difficultés et aux incertitudes du présent.»