Assistante maternelle, un métier en déclin à réinventer
Les assistantes maternelles représentent plus de la moitié des places d'accueil des tout-petits, mais sont pourtant toujours moins nombreuses. Celles qu'on appelait autrefois "nounous", revendiquent la reconnaissance d'un...
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Les assistantes maternelles représentent plus de la moitié des places d'accueil des tout-petits, mais sont pourtant toujours moins nombreuses. Celles qu'on appelait autrefois "nounous", revendiquent la reconnaissance d'un "vrai métier" et d'un statut protecteur.
"En plus du +nursing+, on nous demande d'être psychologue, infirmière, commerciale, cuisinière, comptable, avec des parents de plus en plus procéduriers et exigeants", souffle Muriel Mobio, 59 ans, épuisée par une longue journée de travail auprès des quatre petits dont elle s'occupe.
Cofondatrice d'une MAM (maison d'assistantes maternelles) à Bordeaux après une première carrière dans le social, elle gagne environ 1.800 euros nets par mois, dont une bonne partie rembourse le prêt contracté pour acheter l'appartement où elle et son associée accueillent les enfants.
Avec un âge moyen de 48,6 ans, le nombre d'assistantes maternelles ne cesse de décroître: elles étaient 227.100 en 2023, contre 308.900 en 2016, selon le dernier rapport de l'Observatoire national de la petite enfance (Onape).
Les départs à la retraite, le plus souvent non remplacés, feraient perdre l'équivalent de 377.600 places d'accueil d'ici 2030, alerte l'Observatoire de l'emploi à domicile, alors que le gouvernement évoque un manque de 200.000 places d'accueil pour les tout-petits.
"Vous travaillez chez vous, vous ne sortez jamais. Je ne pense pas que ce soient les attentes des professionnels de nos jours. En terme de reconnaissance sociale, c'est zéro", soutient Cyrille Godfroid, co-secrétaire général du syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE).
"C'est un métier totalement invisible", estime-t-il.
Au pied du mur
"On est au pied du mur car ces places d'accueil détruites ne pourront pas être résorbées par les crèches où il y a aussi une importante pénurie de professionnels", alerte le responsable syndical.
Manon Godefroit en sait quelque chose. Cette avocate a vécu un parcours du combattant dès le premier trimestre de grossesse pour trouver un mode de garde à Bordeaux.
Exit d'abord les crèches municipales où la plupart des places se libèrent en septembre. "Après des dizaines et des dizaines d'appels à des nounous, qui n'avaient plus de places, on en a rencontrées quatre ou cinq, mais clairement c'était nous qui passions l'entretien d'embauche", raconte à l'AFP cette femme de 28 ans qui a fini par trouver une assistante maternelle mais en repoussant de quelques semaines sa reprise professionnelle.
Car l'offre se réduit en Gironde, comme au niveau national. Elles étaient environ 8.000 assistantes maternelles agréées fin 2024, contre 10.700 en 2015, indique le département.
Et seulement 9% d'entre elles exercent à Bordeaux, là où la demande des parents est la plus importante.
"Le nombre d'assistantes maternelles rapporté au nombre d'enfants de moins de trois ans est plus élevé dans les zones rurales", souligne l'Onape.
Pas un métier
Cet écart entre l'offre et la demande est directement lié au coût l'immobilier en ville, puisque les assistantes maternelles travaillent chez elles ou bien dans un tiers-lieu dans le cas des MAM.
Mme Mobio "a même dû acheter un appartement car les propriétaires et bailleurs sociaux refusaient de louer à une MAM".
Si elle apprécie "une forme de liberté professionnelle, qui n'a pas de prix", avec un projet qui lui ressemble, cofondé avec son associée et sans hiérarchie, elle reconnaît qu'il "n'y a pas de perspective d'évolution pour les jeunes".
"Il nous manque une véritable reconnaissance. On est salarié avec des parents employeurs mais sans tous les bénéfices des salariés +lambdas+", regrette-t-elle, énumérant la possibilité de perdre un contrat du jour au lendemain, l'absence de mutuelle, de RTT ou de 13e mois et l'achat du matériel de travail avec son salaire.
"C'est un métier où on se trouve avec énormément d'exceptions par rapport au cadre salarié normal, avec par exemple un smic horaire ridicule" d'environ 4 euros, abonde le secrétaire national du SNPPE.
Il appelle donc l'État à le rendre plus attractif au niveau salarial, en développant notamment les crèches familiales où les assistantes maternelles sont embauchées par la structure et non plus par les parents.
Et à le revaloriser socialement.
"On nous appelle encore des +nounous+. Quand on t'appelle comme ça, c'est pas un métier", sourit Muriel Mobio.
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