Apprentissage, alternance : le nouvel élan durable ?
En 2020, le nombre de contrats d’apprentissage conclus dans le secteur privé a atteint la barre de 495 000. Soit un bond de 40 % par rapport à 2019. En prenant en compte les embauches réalisées sous ce statut par les employeurs publics, les 500 000 ont été dépassés. Du jamais vu. En Grand Est, ils auront été 37 001 alternants, soit le 5e total national. Entrée dans un âge d’or de l’apprentissage ? Encourageantes, ces données demandent un décryptage plus poussé et pondéré.
Malgré
la crise sanitaire de la Covid-19, l’apprentissage n’a pas connu la crise l’an
passé. Pas de doute, la poussée est là : 283 184 contrats signés en 2013,
302 259 en 2018, 353 421 en 2019 et 495 000 en 2020. C’est d’abord dans les
petites entreprises (moins de 50 salariés) que se sont conclus les contrats.
Les TPE et les PME représentent les deux tiers des embauches d’apprentis l’an
passé. Soit plus de 322 000 contrats. 77 % sont signés dans des
entreprises de moins de 250 salariés. Les grandes entreprises (1 000 salariés
et plus) pèsent 15 % du recrutement apprentis, soit plus de 73 000
contrats l’an passé. Ce boom spectaculaire doit s’analyser sous la loupe des
mesures socio-économiques liées au contexte du coronavirus. Si le regain
d’intérêt des jeunes et de leurs familles pour l’alternance est réel, les
raisons sont aussi financières. Il y a eu, en premier lieu, l’instauration, en
2020, d’aides exceptionnelles, de 5 000 à 8 000 €, pour les chefs d’entreprise
embauchant un apprenti. Également, la loi «avenir professionnel» de septembre
2018 a, elle aussi, joué un rôle en libéralisant le système et en ôtant des
prérogatives aux conseils régionaux. À présent, l’ouverture d’un CFA n’est plus
soumise à une autorisation administrative et les entreprises peuvent créer ce type
d’établissement, si elles veulent apprendre à des collaborateurs les
compétences allant de pair avec leur développement et leur recherche de
performance. Le temps moyen pour ouvrir une section d’apprentissage est passée
de trois ans à six mois.
Une montée de compétences
L’envolée
de 40 % des contrats d’apprentissage en 2020 recèle une autre cause :
80 000 contrats de professionnalisation ont été transféré en contrats
d’apprentissage. Les seconds étant plus incitatifs et attractifs que les premiers.
Cette donnée connue, la hausse nette observée serait en fait de quelque 60 000
contrats, soit tout de même de 16 % sur un an. Le second enseignement
majeur des chiffres de 2020 issus d’une remontée déclarative des Opérateurs de
compétences (OPCO) montre une part toujours croissante des contrats signés pour
préparer un diplôme de l’enseignement supérieur ou un titre équivalent.
22 % des contrats d’apprentissage concernent la préparation d’un diplôme
ou un titre de niveau bac +2 (101 000 contrats) ; 17,5 % de niveau
bac + 3/4 (82 000 contrats) ; 18 % de niveau bac +5 (84 000
contrats). Les contrats signés pour préparer un CAP ou un BEP (120 000) et un bac
(75 000) ne représentent plus que, respectivement 26 % et 16 %, soit
42 % de l’ensemble des contrats. C’est un tournant majeur, un changement
de paradigme culturel : l’apprentissage n’est plus synonyme de bas niveau
de qualification. On l’a vu précédemment, la réforme du mode de financement et
de la simplification de la procédure de création des Centres de formation
d’apprentis a permis à ces derniers de lancer plus aisément leur activité.
Avant l’adoption de la loi «avenir professionnel», 950 avaient fait une
déclaration d’activité auprès des Directions régionales des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Le
chiffre atteindra les 2 326 en 2021.
2021, tremplin supplémentaire ?
De grands groupes ont à présent leurs CFA : Adecco (travail temporaire), Sodexo (restauration collective), Korian (Ehpad), Engie (énergie), Orange (télécommunications), Safran (aéronautique), L’Oréal (coiffure), Nexity (immobilier). Le dispositif «1 jeune, 1 solution», inscrit dans le cadre du plan de relance constitue une locomotive dans la montée en puissance des contrats d’apprentissage. Les données 2020 font apparaître un autre élément : les entreprises fraîchement créées se tournent hardiment vers l’apprentissage et recrutent de nouveaux profils de jeunes. «Dopée» par les aides et la manne colossale déployée durant cette période de turbulences, l’alternance s’avère être une solution contre la crise. Si l’ensemble du territoire français profite de la dynamique, l’impact n’est toutefois pas le même selon les secteurs d’activité. Le commerce de détail se place en tête, comme étant le plus important pourvoyeur de contrats signés : 60 876, soit 12,4 %. Le BTP apparaît en seconde position (48 427, 10 %). Les industries alimentaires (6,3 %) et l’hôtellerie-restauration (5,4 %) suivent. Les services financiers, les activités liées à l’informatique, les services à la personne s’avèrent des domaines à potentialités pour l’alternance. Dès lors, quid de 2021 ? L’encouragement des gouvernements successifs pour la voie de l’alternance fait consensus : c’est une solution pour lutter contre le chômage des jeunes et répondre à la demande des entreprises de former au plus près de leurs besoins. Les aides financières ont été prolongées jusqu’au 30 juin 2021 pour l’embauche de jeunes en situation de handicap. Enfin, la plateforme Parcoursup recense plus de 4 000 offres de formations post-bac en apprentissage. Cette année, les CFA pourront accepter les candidats n’ayant pas signé un contrat avec une entreprise avant le début de leur formation. Le délai est allongé de trois à six mois pour trouver un employeur. Au regard de ce paysage de l’apprentissage hexagonal, peut-on affirmer que la France est le nouvel El Dorado de l’alternance ? Ce serait aller vite en besogne. Et si elle ne faisait, en somme, que rattraper un retard accumulé en la matière, depuis tant d’années ?