Appel solennel au monde des entreprises
L’audience solennelle du tribunal de commerce d’Arras s’est déroulée sous la présidence de Marc Villain le 11 janvier, en présence d’André Lourdelle, procureur de la République d’Arras, et des personnalités représentant les autorités politiques, civiles, administratives, judiciaires et universitaires.
Dans son propos introductif, le président a salué avec émotion la mémoire de Philippe Rapeneau, président de la communauté urbaine d’Arras, décédé subitement en 2018 : «un ardent soutien de l’économie régionale et du tribunal en particulier, dont il ne manquait aucune audience solennelle de rentrée. Son souvenir et particulièrement sa vision pertinente de l’avenir resteront gravés dans nos mémoires». Après un point rapide sur l’année écoulée, il a développé sobrement les préoccupations du tribunal et de ses juges pour 2019.
Une activité 2018 en demi-teinte
Marc Villain a souligné les grandes tendances de l’année judiciaire 2018. «Alors que 2017 s’est terminée par une nette amélioration de la situation économique et la diminution sensible des défaillances d’entreprises, le début 2018 a vu une inflexion et un ralentissement dans cette amélioration. La reconstitution des marges des entreprises se poursuit, mais il demeure des zones de faiblesse avec, en particulier, des difficultés pour des entreprises de taille plus importante.» On note une augmentation significative des procédures collectives : + 15%, le niveau de 2017.
«Les formalités du registre du commerce sont restées stables en nombre, signe d’une consolidation des entreprises existantes plus que d’une reprise de la création d’entreprise.»
Concernant la prévention des difficultés des entreprises, les juges chargés de la prévention ont conduit de nombreux entretiens confidentiels avec les dirigeants d’entreprises qui présentaient des signes de difficultés financières (fonds propres négatifs, inscriptions de privilège, nombreuses injonctions de payer, etc.). Ainsi le président a reçu nombre d’entreprises en difficulté afin de leur exposer les possibilités et les solutions envisageables offertes par le Code du commerce. «Il faut souligner la coordination renforcée avec les services de la préfecture et de la Banque de France afin d’aider à la résolution des difficultés des entreprises.» Dans le domaine des procédures de contentieux, on observe que les avocats s’orientent de plus en plus vers les processus de médiation, «ce qui nous conforte dans l’idée que les modes amiables permettent de solder rapidement et sûrement les contentieux entre commerçants».
De collaborations renforcées
Le travail efficient du greffier Jean-Marc Parmentier et de son équipe est particulièrement souligné. «Les juges peuvent désormais accéder aux documents numérisés des procédures collectives dans lesquelles ils ont été nommés juge commissaire. Ils peuvent également accéder à la documentation juridique sous forme dématérialisée, aide précieuse à la rédaction des jugements.»
L’année 2018 a permis la mise en place de la réforme judicaire, avec notamment la déclaration d’intérêts des juges qui consolide la notion d’impartialité essentielle dans l’exercice de la justice commerciale. «En matière de formation, les obligations qui s’imposent aux juges ont été précisées par la loi. Il convient donc de trouver des modalités pratiques d’application économes en matière de temps et de frais de déplacement.»
Le prêt de locaux par la CCI de l’Artois permet d’organiser des séances ouvertes à tous les juges de la 8e région Hauts-de-France. Le président a salué «le ministère public avec lequel nous entretenons des rapports constructifs dans la difficile mission des procédures collectives. Son apport et son appui lors des audiences de procédures collectives sont fort appréciés».
Le travail précieux des juges
Cette audience est l’occasion de rendre hommage aux juges et de les remercier pour leur dévouement et le travail qu’ils accomplissent. «Ce que nous faisons tous au sein de ce tribunal s’inscrit aussi dans notre ambition de participer, avec les autres acteurs du monde judiciaire et économique, au redressement des entreprises en difficulté. Que leur bénévolat trouve ici toute la gratitude de l’institution.»
L’année 2018 a aussi connu un taux de renouvellement inhabituel des juges. Parmi les vingt-huit que compte le tribunal, treize juges se représentaient ou se présentaient pour la première fois à l’élection consulaire : cinq nouveaux juges ont été élus et installés en début de cette audience solennelle, huit ont été confirmés par vote. La plupart des juges sortants font partie de la «promotion» 2009, année où dix-sept juges supplémentaires ont été élus à l’occasion de la reprise par le tribunal des compétences de la chambre commerciale du TGI de Béthune. Les remerciant au nom de l’institution, le président a salué «leur engagement dans la justice consulaire».
À l’aide !
Marc Villain fait le portrait d’un juge. «Le juge consulaire est un individu atypique sous bien des aspects. On lui demande d’être bénévole, de consacrer une partie non négligeable de son temps à se former, ce qui est considéré comme absolument normal mais consommateur de temps, de se comporter de façon à donner l’apparence de l’impartialité, condition nécessaire et essentielle de la crédibilité de notre justice commerciale. Ce n’est bien sûr pas monacal, mais, par certains aspects, on s’en rapproche… Il ne peut évidemment pas communiquer publiquement, même pour se défendre quand il est attaqué, c’est sans doute ce que l’on appelle la communication asymétrique.»
Le président lance un appel pressant et solennel au monde des entreprises des trois arrondissements du ressort du tribunal avec un message fort : «Si vous êtes satisfaits de voir la justice commerciale rendue par vos pairs, il vous appartient de manifester cet attachement en participant à cet effort et en vous engageant à nos côtés. Nous comprenons, en tant que dirigeants d’entreprise anciens ou en activité, que la vie économique des entreprises n’est pas simple et que les journées sont parfois longues, mais la perspective d’un désintérêt progressif de la justice consulaire de la part des justiciables en puissance ne nous satisfait pas.»
Il rappelle que «l’intérêt de cette justice commerciale est avant tout de traiter rapidement les contentieux et d’aider de façon efficace et rapide les entreprises en difficulté grâce aux connaissances et à l’expérience accumulée des juges consulaires. Y renoncer conduirait les entreprises dans de longues procédures toujours handicapantes et consommatrices de temps alors que la priorité actuelle est plutôt pour elles la recherche de l’efficacité et de stratégies adaptées dans un monde en perpétuelle évolution.»