A peine réconciliés, Alger et Paris crispés par la détention d'un agent consulaire algérien
Une semaine jour pour jour après le déplacement du chef de la diplomatie française à Alger, la réconciliation entre la France et l'Algérie est déjà mise à l'épreuve avec la détention d'un agent consulaire algérien en...

Une semaine jour pour jour après le déplacement du chef de la diplomatie française à Alger, la réconciliation entre la France et l'Algérie est déjà mise à l'épreuve avec la détention d'un agent consulaire algérien en France qui a suscité l'ire des autorités algériennes.
Le ministère algérien des Affaires étrangères a tonné samedi soir contre "ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable (qui) causera un grand dommage aux relations algéro-françaises".
Il s'est engagé à ne pas "laisser cette situation sans conséquences" et a "reçu" dès samedi l'ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, pour "exprimer (s)a vive protestation".
Ces propos contrastent avec l'annonce, la semaine dernière par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, d'"une nouvelle phase" pour les relations entre Paris et Alger, à l'issue d'un entretien avec son homologue Ahmed Attaf et surtout avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
Le président français Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune avaient acté quelques jours auparavant la fin d'une crise d'une intensité rare, qui avait conduit les deux pays au bord de la rupture diplomatique.
Trois hommes, dont l'un employé dans l'un des consulats d'Algérie en France, ont été mis en examen vendredi à Paris pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le 7e jour, en relation avec une entreprise terroriste, selon le parquet national antiterroriste (Pnat) français.
Dans cette affaire qui concerne l'opposant au régime algérien Amir Boukhors, influenceur surnommé Amir DZ, ces hommes sont aussi poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils ont été placés en détention provisoire.
"Nous ne commentons pas une enquête en cours. L'autorité judiciaire, qui agit en toute indépendance, est seule compétente pour se prononcer", a déclaré à l'AFP une source diplomatique française dimanche.
"L'enlèvement est avéré y compris par un individu qui travaille à Créteil au consulat général d'Algérie", a réagi pour sa part le ministre français de l'intérieur Bruno Retailleau, interrogé sur la chaine LCI.
Il s'est en revanche montré prudent sur une éventuelle ingérence des autorités algériennes. "Le lien avec le pays n'est pas avéré", a-t-il dit tout en soulignant que cette affaire était "grave". "Nous sommes un pays souverain et nous entendons que sur le sol français nos règles soient respectées".
Plus tôt, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez avait assuré sur Europe 1/CNews que les investigations avaient été menées "de manière extrêmement rigoureuse" et qu'il n'y avait "pas d'instruction politique reçue par les effectifs de police, en l'occurrence, les miens, sous l'autorité de la justice".
Auprès de l'ambassadeur français, Alger avait protesté samedi soir sur "la forme" et sur "le fond" de l'affaire, reprochant notamment l'absence de "notification par le canal diplomatique".
Argumentaire vermoulu
De plus, le ministère algérien des Affaires étrangères a dénoncé "l'argumentaire vermoulu et farfelu" du ministère de l'Intérieur français, fustigeant une "cabale judiciaire inadmissible" reposant "sur le seul fait que le téléphone mobile de l'agent consulaire inculpé aurait borné autour de l'adresse du domicile de l'énergumène" Amir Boukhors.
Cet influenceur algérien, qui vit depuis 2016 en France, y a obtenu l'asile politique en 2023. Son pays le réclame pour le juger.
Alger a émis neuf mandats d'arrêt internationaux à son encontre, l'accusant d'escroquerie et d'infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition.
Âgé de 41 ans et suivi par plus d'un million d'abonnés sur TikTok, Amir DZ a été la cible "de deux agressions graves, une en 2022 et une autre dans la soirée du 29 avril 2024", jour de son enlèvement en banlieue sud de Paris (Val-de-Marne), avant d'être relâché le lendemain, selon son avocat Eric Plouvier.
A la suite des mises en examen des trois hommes, dont l'agent consulaire, Me Plouvier a parlé d'une "affaire d'Etat" et le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau avait évoqué "peut-être" un "acte d'ingérence étrangère".
Toutefois, une source proche du dossier en France a appelé samedi à la prudence sur ces trois mises en examen, redoutant que l'enquête ne débouche sur "un dossier vide", contre des suspects qui ne seraient que des fusibles.
Pour le ministère algérien des Affaires étrangères, "ce tournant judiciaire, inédit dans les annales des relations algéro-françaises, n'est pas le fruit du hasard".
Il se produit "à des fins de torpillage du processus de relance des relations bilatérales convenu entre les deux chefs d'Etat lors de leur récent entretien téléphonique", a déploré ce ministère, en exigeant la libération "immédiate" de son agent consulaire.
Alger insiste sur l'immunité diplomatique de cet agent, mais selon une source française proche du dossier, celui-ci dispose d'un passeport de service et non d'un passeport diplomatique.
Cette affaire intervient alors que la France a appelé à un geste de clémence pour faire libérer l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné en Algérie à 5 ans de prison notamment pour atteinte à l'intégrité du territoire.
bur-abh-Dt/cbn
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