A l'approche des JO, les assignations à résidence se multiplient
Pointage quotidien au commissariat, interdiction de sortir d'un certain périmètre ou de contacter certaines personnes: le nombre d'assignations à résidence s'est accru à l'approche des JO de Paris, entravant la vie de dizaines de personnes...
Pointage quotidien au commissariat, interdiction de sortir d'un certain périmètre ou de contacter certaines personnes: le nombre d'assignations à résidence s'est accru à l'approche des JO de Paris, entravant la vie de dizaines de personnes, dont certaines n'ont jamais été condamnées pour terrorisme.
Le 10 mai dernier, Mourad (prénom modifié), 22 ans, se voit notifier à la gendarmerie une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas) - équivalent de l'ancienne assignation à résidence - de trois mois, au motif qu'il constituerait une "menace" et entretiendrait des liens avec deux hommes radicalisés.
Le jeune homme avait été condamné en 2016, alors qu'il était âgé de 14 ans, à un an de prison ferme pour association de malfaiteurs terroriste, pour avoir échangé sur Telegram avec un jihadiste renommé.
Après avoir purgé cette peine, "j'ai eu un suivi éducatif pendant trois ans et tout s'est bien passé", raconte Mourad, qui assure ne plus avoir eu aucun problème avec la justice. Il travaille aujourd'hui comme chef de projet dans une entreprise et doit entrer en septembre en master.
La Micas lui impose initialement de pointer au commissariat tous les jours à 11H00, sous peine de se faire arrêter et de risquer une condamnation à de la prison ferme.
Il a donc été contraint de poser une semaine de congés, le temps de parvenir à faire modifier son heure de pointage, plus compatible désormais avec ses horaires de travail.
Caractère massif
Son avocate, Me Lucie Simon, dénonce le "caractère massif" de ces mesures et la "grande pluralité des profils" concernés, avec des personnes condamnées mais aussi d'autres qui n'ont jamais été placées en garde à vue, ont été relaxées ou dont les procédures ont été classées sans suite.
Or, "ces mesures ont une incidence sur la vie des personnes, qui perdent leur travail ou ne peuvent pas partir en vacances avec leurs enfants", souligne-t-elle. "Sur le long terme, ça peut être contre-productif en matière de préservation de l'ordre public. On a tapé de manière très large, de manière extrêmement liberticide".
La semaine dernière, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé que 155 Micas avaient été réalisées en lien avec les JO-2024, visant "des personnes très dangereuses ou pouvant potentiellement passer à l'acte", et destinées à les "tenir à distance de la cérémonie d'ouverture ou des Jeux olympiques".
C'est "trois fois plus" que l'an passé à la même période, selon une source policière.
Nicolas Klausser, chargé de recherches CNRS au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, constate de son côté que le nombre d'audiences devant le tribunal administratif pour contester ces Micas s'est nettement accru "depuis deux semaines".
"Comme le ministère de l'Intérieur dispose d'un mécanisme très facile à mettre en oeuvre, il l'utilise sans grande modération, en visant assez large", explique-t-il.
Pour l'avocat pénaliste Romain Ruiz, ces mesures relèvent de "la pure communication politique". "Si un attentat devait survenir, ces mesures permettraient au ministère de l'Intérieur d'avancer un bilan sécuritaire", dénonce-t-il.
Cet avocat a déposé un recours devant le tribunal d'Amiens pour une femme qui a purgé une peine de prison pour des faits de droit commun, mais qui s'est liée d'amitié, en détention, avec une codétenue qui avait passé six ans en zone irako-syrienne.
"Fin juin, on a cassé sa porte et mené une perquisition à son domicile", raconte-t-il. Une Micas lui est notifiée, l'obligeant à pointer tous les matins au commissariat et lui interdisant de sortir de sa commune de résidence pendant trois mois.
"Pour faire ses courses, c'est compliqué. Elle doit demander à la préfecture des sauf-conduits pour pouvoir sortir du périmètre, même pour assister à l'audience devant le tribunal administratif", raconte Me Ruiz.
"Ces mesures placent une épée de Damoclès au-dessus de la tête des gens", observe Nicolas Klausser, soulignant que le moindre retard au pointage peut devenir un délit, puni de trois ans d'emprisonnement.
Cela peut aussi permettre au ministère de l'Intérieur de renouveler la Micas au-delà de six mois, en prétextant qu'il y a des "éléments nouveaux" la justifiant, explique le chercheur.
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