Violences racistes contre Michel Zecler: un procès requis devant la cour criminelle pour trois policiers

Le parquet de Paris a demandé la tenue d'un procès potentiellement exceptionnel devant la cour criminelle pour trois policiers, en demandant que soient retenus le caractère raciste de leurs violences fin 2020 contre le producteur de musique noir Michel Zecler...

Capture vidéo de caméra de surveillance diffusée sur les réseaux sociaux de l'agression du producteur Michel Zecler le 27 novembre 2020, à Paris © -
Capture vidéo de caméra de surveillance diffusée sur les réseaux sociaux de l'agression du producteur Michel Zecler le 27 novembre 2020, à Paris © -

Le parquet de Paris a demandé la tenue d'un procès potentiellement exceptionnel devant la cour criminelle pour trois policiers, en demandant que soient retenus le caractère raciste de leurs violences fin 2020 contre le producteur de musique noir Michel Zecler ainsi que leurs mensonges sur procès-verbal pour les dissimuler.

Dans ce dossier qui avait ému jusqu'au chef de l'Etat, le parquet de Paris a indiqué jeudi à l'AFP avoir requis mardi ce procès pour trois policiers, un brigadier et deux gardiens de la paix, Aurélien L., 27 ans, Philippe T., 48 ans, et Pierre P., 36 ans, pour faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique, une infraction criminelle.

Le ministère public demande que les deux premiers soient jugés pour un autre crime, celui de violences aggravées par plusieurs circonstances, et notamment: par personne dépositaire de l'autorité publique, ayant entraîné plus de huit jours d'incapacité totale de travail, et accompagnées ou suivies de propos à caractère raciste. 

Depuis le début, en effet, Michel Zecler affirme qu'Aurélien L. lui a lancé "sale nègre" et que Philippe T. a tenu des propos racistes à son encontre.

Pour Pierre P., qui n'avait pas été visé en la matière par le producteur, le caractère raciste des violences n'est pas retenu par le parquet.

Le parquet demande en outre un procès distinct, devant le tribunal correctionnel, pour un quatrième policier, soupçonné d'avoir commis des violences avec une grenade lacrymogène contre Michel Zecler et une dizaine de jeunes hommes depuis l'extérieur du studio de musique où le producteur a été agressé.

La décision finale sur un procès appartient au juge d'instruction.

S'il suit le parquet, cette audience pourrait revêtir un caractère exceptionnel, car il est rare que des policiers comparaissent devant une juridiction criminelle pour faux en écriture publique ou pour des violences à caractère raciste.

"Mon client, qui se bat depuis le 21 novembre 2020 pour que justice soit rendue, voit dans la position du parquet une étape essentielle vers la reconnaissance de la vérité. Nous espérons que cette procédure permettra d'établir avec clarté les responsabilités, à la hauteur de la gravité des faits qu'il a subis", s'est félicitée Me Caroline Toby, avocate de M. Zecler.

Les avocats des policiers n'ont pas répondu dans l'immédiat à l'AFP.

Totalement disproportionné

Le 21 novembre 2020, en début de soirée, Michel Zecler est passé à tabac dans son studio de musique parisien après un contrôle déclenché notamment à cause d'une supposée "forte odeur de cannabis".

L'enquête pour les "violences" et la "rébellion" dont les policiers l'accusent est rapidement classée et Loopsider révèle cinq jours plus tard les images de vidéosurveillance contredisant la version policière initiale, déclenchant l'indignation jusqu'au sommet de l'Etat.

Placés en garde à vue, les policiers reconnaissent des coups injustifiés. 45 jours d'incapacité totale de travail sont reconnus à Michel Zecler, dont le tendon du biceps gauche a été rompu. 

A l'issue de leur mise en examen, deux des policiers ont été placés en détention provisoire, une décision rarissime pour des fonctionnaires de police. Ils avaient été relâchés sous contrôle judiciaire au bout d'un mois.

Selon des éléments des réquisitions dont l'AFP a eu connaissance jeudi, le parquet met en cause la "persistance" des policiers "à vouloir poursuivre ce contrôle", ce qui "va faire dégénérer leur intervention".

Pour le ministère public, "la résistance passive dont a fait preuve Michel Zecler au moment des faits ne saurait légitimer les coups", "nullement nécessaires et totalement disproportionnés".

Sur le faux en écriture publique, le parquet retient 11 passages considérés comme faux dans le PV litigieux, soit "une présentation volontairement erronée des faits" par les policiers "afin de tenter de légitimer leur intervention".

Le fait qu'ils soient policiers "présuppose leur connaissance de l'infraction", souligne le ministère public.

S'il note enfin les "dénégations" d'Aurélien L. et Philippe T. quant aux propos racistes, objets d'une confrontation avec Michel Zecler en février 2024, le parquet souligne s'agissant du premier qu'il  "n'a pas hésité à déformer la réalité des faits" dans le PV d'interpellation, l'estimant donc capable de mentir, et rappelle qu'il a été retrouvé dans son téléphone "des publications dont certaines comportaient des propos racistes".

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