Vers une ère de l’ESS washing ?

Dans un climat conjoncturel et social où la quête de sens s’est affirmée beaucoup plus qu’une simple valeur, l’ESS (Économie sociale et solidaire) a gagné ses lettres de noblesse se conjuguant aujourd’hui au pluriel au point d’en perdre son étymologie propre. Entre concept de l’économie de demain et business fleurissant récupéré, la frontière est parfois délicate à déceler.

L’ESS entend s’affirmer comme une économie à part entière. Son modèle, conciliant performance économique et utilisé social, fait écho aux valeurs de quête de sens aujourd’hui ancrées dans la société. © : Envie Lorraine
L’ESS entend s’affirmer comme une économie à part entière. Son modèle, conciliant performance économique et utilisé social, fait écho aux valeurs de quête de sens aujourd’hui ancrées dans la société. © : Envie Lorraine

L’ESS, le modèle des entreprises de demain ? La question se pose mais pour bon nombre elle n’a pas plus raison d’être posée car la réponse se veut tout simplement affirmative. «L’Économie sociale et solidaire n’est pas une économie à part, c’est une économie à part entière (…) Dans le climat actuel, elle s’affiche comme un moteur d’un changement nécessaire de l’économie pour la rendre plus soutenable et plus humaine. Toutes les initiatives qui façonnent l’ESS doivent gagner en ampleur, trouver les chemins de l’innovation pour ouvrir la voie à un avenir choisi et faire en sorte que l’ESS soit contributrice à constituer un pilier de l’économie de demain.» C’était en novembre dernier à l’occasion du lancement du Mois de l’ESS et du Village des solutions de demain au siège du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, Chaynesse Khirouni, présidente de l’exécutif départemental, mettait en avant l’ADN social et solidaire du Conseil départemental meurthe-et-mosellan. Depuis plusieurs années, l’importance de l’ESS n’est plus à faire dans le département et d’une manière générale dans la région. La région Grand Est s’affiche comme la sixième région de France en nombre d’emplois (pas loin de 200 000 salariés et près de 16 000 établissements employeurs). «Notre collectivité mène une action volontariste en faveur de ce secteur. C’est un levier important de développement territorial d’innovation et de cohésion sociale. En 2023, nous souhaitons renforcer nos interventions en les consolidant avec celle de la région Grand Est qui nous déléguera ses moyens d’actions sur le territoire meurthe-et-mosellan nous permettant de faire davantage et s’épanouir de nouvelles initiatives», ajoutait Chaynesse Khirouni à l’occasion de la cérémonie des vœux de l’exécutif département mi-janvier.


Un champ évolutif

Au sein de l’exécutif départemental, une délégation spécifique à l’ESS est aujourd’hui présente. Objectifs affichés : sensibiliser, accompagner, structurer et valoriser les acteurs et entrepreneurs de ce secteur. L’ESS rassemble les entreprises qui cherchent à concilier performance économique et utilité sociale. «Elle est composée des activités de production, de transformation, de distribution, d’échange et de consommation de biens et services sous la forme de coopératives, mutuelles, unions, fondations, associations ou sociétés commerciales sous certaines conditions», à en croire la définition donnée par la Cress (Chambre régionale de l’Économie sociale et solidaire) Grand Est. Reste qu’aujourd’hui le secteur même de l’ESS attire bon nombre de convoitises du fait que ses valeurs sont aujourd’hui recherchées et semblent réellement faire écho dans une société en quête, quasi virale, de sens. «Le champ de l’ESS a évolué ! Auparavant, il était, disons réservé à une certaine catégorie d’entreprises et de structures où la notion de privilégier l’humain et non le capital en affectant les excédents au développement du projet était le principal moteur. Aujourd’hui, on voit bien que certaines entreprises ont saisi cette opportunité et commencent à investir ce segment», assure le directeur général d’une entreprise régionale pionnière de l’économie circulaire. «Depuis la crise sanitaire, les confinements, les valeurs mêmes de l’ESS se sont rapidement révélées notamment dans les comportements de consommation avec par exemple l’explosion de la seconde main. Certains y voient juste un marché, bien loin des principes fondateurs et moteurs de l’ESS au sens noble du terme», explique un professionnel d’une entreprise d’insertion par l’activité économique. Un genre «d’ESS washing» serait-il en train de se mettre en place ? Sans aucun doute ! L’ESS, une économie à part entière, c’est dans cette logique une quasi-certitude mais attention à ce qu’elle ne perd pas son âme…

L’ESS en Grand Est

Avec 215 793 salariés (soit 11,3 % des emplois salariés de la région), répartis dans 16 448 établissements employeurs (dont 81 % sont des associations), la région Grand Est s’affiche comme la 6e région de France en matière d’Économie sociale et solidaire. Le secteur représente 5,4 milliards d’euros de masse salariale. Depuis la loi du 31 juillet 2014, l’ESS est reconnue comme un mode d’entreprendre différent.