Entreprises
Urssaf Lorraine : les enjeux de la lutte anti-fraude
L’Urssaf Lorraine intensifie sa densité d’actions dans la lutte contre le travail dissimulé qu’il soit lié à l’activité ou à l’emploi salarié. Bilan de ce déploiement anti-fraude et prospectives.
À Metz, dans les locaux de l’Urssaf Lorraine, Christophe Franceschi, directeur régional, Philippe Béard, responsable régional de la lutte contre la fraude, et Nicolas Demesse, directeur en charge des Praticiens et Auxiliaires Médicaux, du contrôle et de la lutte contre le travail illégal, ont présenté le bilan et les prospectives quant à la lutte contre le travail dissimulé. Ils en ont rappelé les enjeux majeurs : «assurer la pérennité de notre système de protection sociale et de son financement solidaire, préserver les droits sociaux des salariés en s’assurant qu’ils disposent bien des bénéfices sociaux auxquels ils ont droit notamment en termes de constitution des droits à la retraite, au chômage, à indemnisation en cas de maladie ou d’accident de travail, et de garantir une concurrence loyale entre toutes les entreprises.» On distingue deux formes de travail dissimulé partiel ou total : celle liée à une activité et celle relative à l’emploi salarié. L’Urssaf procède à trois types de contrôles : ciblés, préventifs et aléatoires. Ceci dans une démarche partenariale au sein des Codaf lorrains, lesquels sont des comités opérationnels départementaux anti-fraude, réunissant sous la co-présidence du préfet de département et du procureur de la République du chef-lieu du département, les services de l’État (police, gendarmerie, administrations préfectorale, fiscale, douanière et du travail) et les organismes locaux de protection sociale (France Travail, Urssaf, caisses d’allocations familiales, d'assurance maladie et de retraite, le régime social des indépendants, afin d’apporter une réponse globale et concertée aux phénomènes de fraude, qu’ils concernent les prélèvements obligatoires ou les prestations sociales. L’Urssaf échange ainsi avec les autorités compétentes un faisceau d’informations.
Amélioration des techniques de détection
En 2023, le réseau des Urssaf a redressé près de 1,2 Mds€ au titre de la lutte contre le travail dissimulé, contre 788,1 M€ en 2022. En 10 ans, le montant annuel des redressements réalisés a quadruplé (il était de 321 M€ en 2013). Les montants comptabilisés ont augmenté de 49 % par rapport à 2022. L’an passé, plus de 36 037 actions contre le travail dissimulé ont été menées au niveau national. L’Urssaf poursuit sa modernisation et l’amélioration de ses techniques de détection de la fraude au prélèvement social, au travers notamment du datatiming. Les actions de contrôle ciblées sont en hausse de 8,5 % et s’élèvent à 6 090. 83 % d’entre elles ont abouti à un redressement. Les actions de prévention représentent 80 % des actions globales et ciblent prioritairement les secteurs les plus touchés par la fraude, comme le BTP (24,8 %), le commerce (16,9 %) et l’hôtellerie/restauration (13,2 %). Au niveau de l’Urssaf Lorraine, le montant annuel des redressements réalisés suit la même courbe de progression que le national, en passant de 4,219 M€ en 2013 à 11,872 M€ en 2023. Un résultat en hausse de 60 % par rapport à 2022 (7,33 M€). Dans les quatre départements, 1 146 actions de contrôle ont été effectuées. La dissimulation d’emploi salarié représente 65 actions et 5,97 M€ de redressement. Il faut y ajouter 16 actions issues de l’exploitation des procès-verbaux des partenaires (inspection du travail, police, gendarmerie, Dreal…) pour un montant de 719 478 €, soit un total de 81 actions, près de 6,72 M€. La dissimulation d’activité s’élève à 165 actions et 5,09 M€ de redressement. Une augmentation de plus de 50 % par rapport à 2022 (3,29 M€). Les résultats des contrôles sur le terrain et de la vérification des sous-traitants dans le cadre des contrôles d’assiette des entreprises et de l’exploitation des signalements transmis par les services fiscaux à la suite de contrôle. Par ailleurs, en 2023, l’Urssaf Lorraine a répondu à près de 2 800 sollicitations : 1 778 concernaient des demandes partenaires dans la lutte contre le travail illégal, 656 dans le cadre de réquisitions judiciaires, 131 de demandes de liquidateurs judiciaires, 100 relatives aux Déclarations Préalables d’Embauche (DPAE) de la part de salariés et 130 sur des registres divers.
La fraude transnationale
Enfin, en Lorraine, 10 dossiers transnationaux (six dans le BTP, deux dans le commerce, un dans le transport et un dans la pose de la fibre) ont été instruits, pour un montant de redressements de cotisations de 5,87 M€. On se situe là sur des situations liées au détachement de travailleurs et/ou de personnes en pluriactivité. La coopération entre l’Urssaf Lorraine et les organismes étrangers est un levier d’efficacité. Actuellement, 29 dossiers sont en cours d’investigation. Ils portent essentiellement sur des montages juridiques entre la France et le Luxembourg qui, sur le volet social, avec le but de soustraire des salariés à la Sécurité sociale française au profit du Luxembourg, alors que les personnes concernées ne travaillent pas, ou peu, dans ce pays. Quoiqu’il en soit, dans ce cas, comme pour d’autres, les sanctions encourues aux plans civil et pénal sont lourdes. À l’échelon lorrain, 2024 est marquée pour l’Urssaf par la déclinaison des orientations du plan gouvernemental de lutte anti-fraude : développement des nouvelles méthodes de ciblage, accentuation de la lutte contre la fraude internationale, renforcement du contrôle des travailleurs indépendants/micro-entrepreneurs, optimisation du recouvrement des créances issues de la lutte contre le travail dissimulé, renforcement l’évaluation de la fraude. Dans le cadre de cette Convention d’Objectifs et de Gestion 2023/2027, les moyens technologiques et humains iront de pair avec cette recherche d’efficience augmentée.