BTP

Une reprise à plusieurs inconnues...

Après une année 2020 quasi atone, 2021 s’affiche dans la région comme celle de la relance de l’activité pour les professionnels du BTP. Des données chiffrées et statistiques à relativiser. Le résultat de l’équation pourrait être rapidement faussé par la présence de plusieurs inconnues à l’image de la flambée des prix des matériaux, des délais de livraison qui s’allongent. Le tout additionné à des difficultés de recrutement de plus en plus palpables.

Si dans la région, la relance de l’activité apparaît bien présente dans les chiffres, la flambée des prix des matières premières, des délais de livraison qui s’allongent et les difficultés de recrutement pourraient changer la donne.
Si dans la région, la relance de l’activité apparaît bien présente dans les chiffres, la flambée des prix des matières premières, des délais de livraison qui s’allongent et les difficultés de recrutement pourraient changer la donne.

«Comment continuer à construire en France avec cette flambée des prix des matériaux et des délais de livraison qui s’allongent ?» L’interrogation faite par Alban Vibrac, le président de la Fédération du BTP de Meurthe-et-Moselle à Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance lors d’une rencontre avec les entrepreneurs locaux à Champigneulles le 23 septembre dernier, résume à elle seule le sentiment des professionnels du bâtiment dans la région. «Le premier semestre 2021 s’inscrit en net rebond par rapport à celui de 2020. C’est toutefois principalement l’effondrement lié au premier confinement que mesure cette évolution. Si l’on se reporte à l’avant-crise sanitaire pour éviter cet écueil, la situation ressort plus contrastée», constate la Fédération française du bâtiment (FFB) dans son point conjoncturel de la mi-septembre. Dans les chiffres, la reprise s’avère très nette pour la construction de maison individuelle. «En glissement biannuel sur le premier semestre 2021, les mises en chantier progressent de 4 % dans la suite de l’envolée de 18,3 % des permis et de 16,3 % des ventes. En tout état de cause, 2021 ressortira meilleure que ce que nous avions prévu sur ce segment», continue la FFB. «Un retour à une meilleure situation se dessine progressivement en amélioration-entretien. Certes, le chiffre global du marché reste inférieur de près de 5 % à son niveau du premier semestre 2019, mais la tendance ressort déjà inverse dans la seule rénovation énergétique du logement, à 4,1 % .» Une donne nationale à relativiser notamment dans la région comme l’assurent les différents représentants professionnels du secteur.


Prudence affichée

Tendance régionale globale : «les perspectives restent clairement mauvaises pour la construction de logements collectifs et de bâtiments non résidentiels. Sur le premier segment, les mises en chantier s’améliorent sur deux ans mais il s’agit avant tout d’un effet lié au report de projets qui n’ont pu commencer en 2020.» La parution du premier tome des propositions des travaux de la commission Rebasmen pour la relance durable de la construction de logements histoire d’éviter une crise sociale du logement dans les années à venir, à l’image de la compensation par l’État des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) est jugée comme positive. «Nous soutenons les pistes d’actions proposées et demandons au gouvernement de les intégrer au plus vite dans le projet de loi de finances pour 2022», assure Olivier Salleron, le président de la FFB dans un communiqué du 27 septembre. «Nous souhaitons que le second tome des travaux de cette commission renouvelle l’effort pour simplifier, accélérer et lever les freins locaux en matière de procédures d’urbanisme.» Ce constat et cette prudence se retrouvent au niveau de l’artisanat du bâtiment. «L’activité de l’artisanat du bâtiment a retrouvé le niveau d’activité de 2019. Le premier semestre affiche une croissance de + 0,5 % par rapport à 2019. Ainsi, le deuxième trimestre 2021 enregistre, par rapport au même trimestre de l’année précédente, une envolée de croissance de + 37 %. Toutefois, il convient de rappeler qu’au deuxième trimestre 2020, à la suite du premier confinement, la reprise n’avait été que partielle et graduelle. Cette conjoncture exceptionnelle évolue cependant dans un contexte incertain au regard de la crise sanitaire et de l’envolée des prix des matières premières», peut-on lire dans la note de conjoncture de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) parue début septembre. Une mouvance nationale confirmée dans la région notamment lors de l’assemblée générale de la Capeb de Meurthe-et-Moselle le 24 septembre dernier à l’Abbaye des Prémontrés. Chez les «cousins» des Travaux Publics, la Fédération nationale des Travaux Publics assure «qu’après un printemps très dynamique, l’activité du secteur des Travaux Publics a connu un coup de frein en juillet. Les carnets de commandes, non consommées pendant la crise, ont permis aux entreprises un rattrapage d’activité au premier semestre 2021. Toutefois, depuis le début de l’année, les prises de commandes restant à bas niveau et juillet a confirmé cette tendance. Face à cette situation, l’évolution de l’activité du second semestre dépendra notamment de la concrétisation du plan de relance en investissements.» Les appels d’offres et la commande publique reprennent mais un rythme ne permettant pas encore de retrouver un niveau optimal.


Les marges à la peine

Interrogation commune pour les professionnels du bâtiment et ceux des travaux publics : l’inquiétante montée en flèche des prix des matières premières et des délais de livraison qui s’allongent entraînant une augmentation des coûts de production des matériaux. Pour le seul secteur des travaux publics, «l’index TP01 s’établit en hausse de + 2,4 % en cumul depuis janvier. Cette progression risque de persister dans les mois à venir compte tenu des hausses de prix vertigineuses de nombreux matériaux. Les tubes et tuyaux en matière plastique, les fils et câbles d’énergie ou encore le bitume affichant ainsi des hausses respectives de + 21 %, + 16 % et + 11 % entre juillet 2021 et juillet 2020», assure la FNTP. Même constat chez les professionnels du Bâtiment. «Les prix restent à la hausse en septembre notamment, mais pas seulement, pour les produits en bois, PVC et acier. Pour l’heure, les entreprises font le dos rond parfois dans un effort partagé avec les donneurs d’ordres. Ce n’est toutefois pas un cas général et l’on constate, en tout état de cause que les trésoreries se détériorent alors que les marges peinent toujours à se redresser. Les difficultés d’approvisionnement perdurent pour nombre de matériaux, le bois au premier chef, ce qui désorganise les chantiers et rend très compliquée la réponse aux appels d’offre», note la FFB. «La majorité de nos entreprises sont dans l’impossibilité de répercuter la hausse des coûts des matériaux sur leur prix de vente et elles font état de difficultés pour anticiper leurs achats de matériaux afin de faire face à leurs commandes», constate de son côté la Capeb. À cette difficulté d’approvisionnement en matériaux s’ajoute des difficultés de recrutement. Elles apparaissent s’être accentuées depuis la rentrée. «C’est un sentiment général à bon nombre d’artisans. Le phénomène apparaît aujourd’hui encore plus accentué. Nous devons continuer à attirer vers nos métiers et notamment les jeunes», assurait Lénaïc Rauch, le président de la Capeb de Meurthe-et-Moselle, à l’issue de l’assemblée générale de sa confédération le 24 septembre dernier. Si la relance apparaît bien présente, elle pourrait se trouver ralentie voir bloquée par ce manque jugé cruel de collaborateurs...

Pénalités de retard : Bruno Le Maire rassure

«L’État a pris l’engagement qu’aucune pénalité se sera imposée dans la commande publique pour cause de problème d’approvisionnement et je demande à l’Association des Maires de France de faire de même.» Affirmation faite par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, le 23 septembre dernier à Champigneulles lors d’une rencontre avec les entrepreneurs locaux. La commande publique est une chose mais quid des marchés privés ? François Pélissier, le président de la CCI Grand Nancy Métropole Meurthe-et-Moselle, propose un accompagnement financier des entreprises face à ces effets conjoncturels néfastes, histoire de permettre de sauvegarder les fonds de roulements des sociétés. Bruno Le Maire a pris bonne note. Reste à attendre le futur plan d’investissement de l’État.