Une mesure quasi automatique ...polémique !

Le président de la République a annoncé fin janvier sa volonté de relancer le secteur de la construction en majorant les droits à construire de 30%. Cette mesure, qui a fait l’objet d’une loi spéciale publiée ce 21 mars, est assez étonnante. Elle devrait susciter des réactions, en particulier des élus locaux.

La majoration substantielle des droits à construire n’est pas une mesure très populaire auprès des élus locaux.
La majoration substantielle des droits à construire n’est pas une mesure très populaire auprès des élus locaux.

 

La majoration substantielle des droits à construire n’est pas une mesure très populaire auprès des élus locaux.

La majoration substantielle des droits à construire n’est pas une mesure très populaire auprès des élus locaux.

Le principe de la loi est assez simple : elle prévoit de majorer de 30% la surface constructible maximale autorisée sur les terrains, c’est-à-dire le coefficient d’occupation des sols (COS). La majoration concerne également les règles de hauteur, de gabarit et d’emprise au sol.
Le bénéfice de cette majoration est réservé aux bâtiments à usage d’habitation, et uniquement dans les communes dotées d’un PLU (plan local d’urbanisme) ou d’un POS (plan d’occupation du sol). En outre, certains secteurs en sont exclus, comme par exemple les secteurs dits “sauvegardés”.
A première vue, l’intérêt de cette mesure peut sembler très relatif car une disposition assez semblable existait déjà. En effet, le conseil municipal ou le conseil de l’Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent (une communauté urbaine, par exemple) peut déjà, par simple délibération motivée, déterminer des secteurs à l’intérieur desquels un dépassement des règles relatives au gabarit, à la hauteur, à l’emprise au sol et au COS est autorisé pour les bâtiments à usage d’habitation, dans la limite de 20%. Les deux mécanismes ne sont d’ailleurs pas cumulables. Mais ce dispositif n’a pas connu un grand succès, les communes n’ayant pas mis en oeuvre la procédure nécessaire.

Un principe inversé. L’intérêt de la nouvelle mesure est censé résider dans son caractère plus large, plus rapide et surtout quasi automatique. En d’autres termes, elle doit s’appliquer sauf si la commune s’y oppose. Le principe est inversé. Pour y faire obstacle, le conseil municipal (ou celui de l’EPCI) doit donc délibérer pour décider expressément de s’y opposer totalement ou partiellement. Par la suite, le conseil municipal peut également décider à tout moment d’y mettre fin. Il était en effet impératif de respecter le sacro-saint principe de libre administration des collectivités locales pour ne pas entacher la loi d’inconstitutionnalité.
Pour lever le moindre frein, il est même prévu, lorsqu’une intercommunalité (EPCI) décide de ne pas appliquer la majoration, que les communes membres peuvent, malgré tout, décider d’appliquer la majoration sur leur territoire. Ainsi, par exemple, pour l’agglomération lilloise, si LMCU décide de refuser l’application de cette majoration automatique, les communes membres de la communauté pourront surmonter cette décision et appliquer la majoration sur leur propre territoire. LMCU devra alors actualiser le PLU.

Le public consulté. Concrètement, la loi prévoit ainsi que d’ici le 20 septembre 2012 au plus tard, les communes concernées doivent mettre à disposition du public une note d’information présentant les conséquences de l’application de la majoration. Le public peut ensuite émettre des observations dans un délai d’un mois, selon des modalités que le conseil municipal doit définir lui-même huit jours avant. De manière assez singulière, la loi elle-même fournit quelques exemples : présentation au cours d’une réunion publique ou mise en ligne du dossier de consultation.
Le maire ou le président de l’EPCI doit ensuite présenter la synthèse des observations du public au conseil municipal et les porter à la connaissance du public, selon des modalités prévues par la loi. La majoration entre en vigueur huit jours après la réunion du conseil municipal et au plus tard le 20 décembre 2012. La mesure est donc simple d’un point de vue formel et peut s’appliquer très rapidement. Enfin, il faut préciser que cette disposition est provisoire et ne s’applique qu’aux demandes de permis ou aux déclarations préalables déposées avant le 1e janvier 2016.
Des réactions défavorables attendues. Pour résumer le mécanisme, les communes sont donc obligées d’engager la procédure en informant le public puis en présentant publiquement la synthèse, le tout dans un délai de six mois. Ce n’est qu’ensuite que la commune, si elle n’est pas favorable à la majoration, peut s’y opposer expressément. Un tel procédé suscitera certainement des réactions des élus locaux. Les conséquences d’une inertie totale de la commune ne sont d’ailleurs pas encore très claires.
Les réactions défavorables risquent d’être importantes car la majoration substantielle des droits à construire n’est pas une mesure très populaire auprès des élus locaux, qui apprécient peu que les règles qu’ils avaient définies soient remises en cause de la sorte et qui redoutent une densification trop forte de leur territoire. Ils craignent aussi les réactions de leurs administrés qui ont généralement une vision très négative des mesures de densification, assimilées, souvent à tort, à une dégradation de leur cadre de vie.
Reste à savoir si une telle mesure est susceptible de doper le secteur de la construction, comme l’espère le gouvernement. Le temps le dira. Il est vrai que dans certains cas, des propriétaires profiteront de l’aubaine pour procéder à des travaux d’extension de leur habitation qui auraient été impossibles. Dans d’autres cas, cela permettra aux promoteurs de créer quelques logements supplémentaires. Mais il convient de garder à l’esprit que même lorsqu’elle aura été instaurée, cette majoration des droits à construire de 30% n’est qu’une faculté offerte aux propriétaires, qui resteront libres de ne pas utiliser ce droit provisoire.
Enfin, les effets d’une telle disposition sur la légitimité de la règle de d’urbanisme posent question. En effet, la règle d’urbanisme est une limitation sérieuse apportée au droit de propriété et à la liberté de jouir librement de son bien. Elle ne trouve donc sa légitimité que dans la capacité des collectivités à expliquer le caractère utile voire nécessaire de ces règles pour protéger l’environnement et l’organisation équilibrée du cadre de vie et de la cité. Ne décrédibilise-t-on pas ces règles en les remettant en cause pour des raisons économiques, aussi louables soient-elles ?