Un système de surveillance peut-il librement contrôler l’activité des salariés ?
Réponses récentes de la Cour de cassation sur le sujet du contrôle des salariés, via la vidéosurveillance.
Le principe est connu : un système de vidéosurveillance ne peut pas être utilisé afin de surveiller l’activité du personnel si celui-ci n’en a pas été préalablement informé et s’il n’a pas été porté à la connaissance des représentants du personnel, sauf si ce dispositif est installé dans des locaux dans lesquels les salariés ne travaillent pas (Cass. soc., 19 janvier 2010 pourvoi n°08-45092). L’obligation d’information doit être respectée même si le salarié accomplit son travail dans les locaux d’une autre entreprise (Cass. soc., 10 janvier 2012 pourvoi no 10-23482). De plus, le CSE (Comité social et économique) doit avoir été consulté sur le dispositif de contrôle utilisé (Cass. soc., 7 juin 2006, pourvoi n° 04-43866). En sens inverse, ne peut donc servir à contrôler l’activité des salariés un système de vidéosurveillance installé pour assurer la sécurité d’un magasin et qui n’avait donc pas été utilisé pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions. (Cass. soc. 26 juin 2013 pourvoi n° 12-16564).
Décisions
La chambre sociale de la Cour de cassation a récemment rendu deux arrêts sur cette question. Dans la première affaire, un chef d’équipe des services de sécurité avait été licencié pour faute grave au motif qu’il aurait, durant une vacation sur le site d’une entreprise cliente, fracturé un placard situé au sous-sol réservé au stationnement des deux-roues. Ces faits avaient été détectés sur les enregistrements des caméras de surveillance. La Cour d’appel de Versailles avait validé le licenciement en retenant que «si un employeur ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle de l’activité professionnelle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés, il peut leur opposer les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux, autorisés par les autorités compétentes pour des impératifs de sécurité des personnes et des biens, dont l’existence a été portée à la connaissance de l’ensemble des personnes fréquentant le site, dont les salariés eux-mêmes.» Cette position est censurée par la Cour de cassation qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir constaté que «le système de vidéosurveillance avait été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions.» (Cass. soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 17-24179).
La deuxième décision concernait un formateur employé par une banque, licencié pour faute grave, après avoir consulté des comptes de clients ne relevant pas de son portefeuille. Cette indélicatesse avait été décelée et prouvée grâce à un outil informatique de contrôle des opérations effectuées. L’intéressé invoquait le fait que le comité d’entreprise (CE) n’avait pas été consulté. De son côté, l’employeur soutenait, au contraire, que l’établissement de crédit était libre, sans en avoir informé préalablement le CE, d’utiliser un système informatique destiné à assurer la sécurité des données bancaires et une maîtrise des risques, serait-il doté d’un système de traçabilité ? La Cour de cassation rejette ce dernier argument : dès lors que le dispositif était utilisé pour vérifier les consultations du salarié, l’employeur aurait dû consulter le comité d’entreprise (maintenant, CSE) sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin. (Cass. Soc., 11 décembre 2019 pourvoi, n° 18-11792).
François TAQUET, avocat,
Spécialiste en droit du travail et protection sociale