Un projet voué à la… “Baraka”
“La conjugaison de défis impossibles” : depuis la terrasse en caillebotis parsemée de rondins et flanquée de nichoirs, au premier étage d’un bâtiment bardé de bois, c’est ainsi que Pierre Wolf évoque l’histoire de Baraka, le biennommé. Beaucoup plus qu’un nouveau restaurant roubaisien, Baraka, fabrique de biens communs, est le récit d’un projet conjuguant économie solidaire et environnement durable. Et la promesse de manger bon et bio.
Avec 30 000 personnes venant travailler chaque jour à Roubaix, selon une source Insee, 71 couverts de plus en coeur de ville sont forcément les bienvenus. Mais le cliquetis des couteaux et des fourchettes dans les assiettes cachera sans doute mal ce que les murs de bois et de paille auraient à raconter s’ils n‘étaient pas si “passifs”…
Une construction collective. “Nous ne sommes qu’au milieu du gué”, insiste Pierre Wolf. Pourtant, quelques ruisseaux ont coulé depuis cette fin 2008, où, en pleine crise économique, une douzaine de personnes font le pari de parvenir à qualifier des emplois et d’agir pour l’environnement, dans un quartier a priori éloigné des questions liées au développement durable. “Notre premier objectif était de créer une activité économique et d’offrir un emploi pérenne à des personnes arrivant en fin de parcours d’insertion. Trop souvent, les emplois aidés ne se concrétisent pas. Par ailleurs, nous voulions faire quelque chose pour la planète et tisser du lien dans ce quartier sensible de Roubaix. C’est ainsi qu’est né Baraka. Nous avions le terrain, que nous avait vendu la mairie, et l’étude de faisabilité du projet était bouclée. Restait à trouver la forme juridique.”
Quatre ans plus tard, la société coopérative d’intérêt collectif Baraka réunit 90 sociétaires. Elle a créé cinq emplois. Celui du directeur, gérant de la SCIC, ceux de deux personnes jusqu’alors en contrat aidé dans une association roubaisienne, pour le service en salle, et ceux des deux cuisiniers, dont l’un était au chômage et l’autre en situation de reconversion professionnelle. “C’est une très belle aventure, commente Caroline, chef cuisinière. Je vais personnellement donner le meilleur de moi-même en proposant deux types de cuisine : une première, traditionnelle, et une seconde qui ira chercher des influences diverses.”
Un investissement durable. L’objectif, à trois ans, est de pouvoir assurer chaque jour 71 couverts – 64 la deuxième année et 56 la première –, “pour faire face aux charges, souligne Pierre Wolf, et rembourser le prêt ayant permis de financer la moitié des frais de construction du bâtiment. L’autre moitié a été apportée, à part égale, par les sociétaires et les subventions, dont les plus importantes sont venues de l’Ademe et du Conseil régional au titre de la performance énergétique de ce bâtiment exemplaire.”
Entièrement passif, celui-ci est constitué d’une ossature en bois et de paille pour l’isolation. Il est équipé de capteurs solaires mais sera principalement chauffé par un procédé permettant à l’air entrant de récupérer les calories de l’air sortant émises par les occupants du bâtiment. Grâce à la mise en place de chantiers participatifs, une petite centaine de personnes encadrées par des professionnels ont d’ailleurs pu s’initier, in situ, à cette technique durable de construction.
Ouvert depuis le 20 février, le restaurant Baraka propose une cuisine concoctée à partir de produits bio et de saison, achetés dans la mesure du possible chez les producteurs locaux. Une ardoise composée d’une entrée, de deux plats au choix et d’un dessert (de 10 à 17,80 euros) est pour l’instant proposée le midi, du lundi au vendredi, mais le restaurant peut aussi accueillir des groupes à partir de 20 personnes le soir et le week-end. Enfin, une salle de séminaires complète l’offre de cette structure conçue un peu à la manière d’une maison de quartier avec animations à la clé… que tous les artisans de ce projet souhaitent maintenant conjuguer au temps de la réussite.