Un budget réécrit puis rejeté en commission, prélude à un débat acharné à l'Assemblée
Les députés ont rejeté samedi en commission des Finances la partie "recettes" du budget 2025, après l'avoir largement modifiée par rapport à la copie du gouvernement, qui se retrouve au pied...
Les députés ont rejeté samedi en commission des Finances la partie "recettes" du budget 2025, après l'avoir largement modifiée par rapport à la copie du gouvernement, qui se retrouve au pied du mur avant le débat dans l'hémicycle.
Passé à la moulinette de la commission, le projet de loi présenté la semaine dernière était devenu méconnaissable: articles clés supprimés, amendements à plusieurs milliards d'euros adoptés, nouvelles taxes ou exonérations à foison...
En tout, près de 200 amendements avaient été adoptés, bouleversant considérablement l'équilibre financier du texte. Modifications finalement toutes balayées par un vote final négatif, par 29 voix contre 22, le Rassemblement national se retrouvant avec la droite et le centre dans le camp du rejet.
Pourtant, l'extrême droite a voulu sanctionner "l'attitude du gouvernement et des partis de la majorité qui (...) ne veulent rien négocier", a expliqué Jean-Philippe Tanguy. Quitte donc à se retrouver du même côté que le macroniste David Amiel, qui a fustigé une "boucherie fiscale" de l'ordre de 50 milliards d'euros.
"Le texte était devenu insoutenable", a déploré le Premier ministre Michel Barnier dans un entretien au JDD, mettant en garde contre un "concours Lépine fiscal".
La France insoumise en particulier s'était félicitée ces derniers jours de "victoires" sur les "superprofits" et les multinationales, pour des montants vertigineux.
"C'est la démonstration qu'il y avait une majorité" pour ce budget "NFP-compatible", estime le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI), qui malgré le rejet final considère que "la mission est accomplie".
Avis évidemment opposé à celui du ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin, qui s'est empressé de dénoncer un "matraquage fiscal" à la fois "inacceptable" et "irresponsable", quand l'exécutif veut au contraire "freiner fortement nos dépenses publiques".
C'est justement sur la base du texte initial du gouvernement que le débat reprendra dans l'hémicycle la semaine prochaine. Le locataire de Bercy y sera présent à partir de lundi soir, pour défendre ce projet qu'il "sai(t) partagé par le socle majoritaire de l'Assemblée nationale".
Aucune coordination
La majorité relative a pourtant beaucoup fait défaut en commission. Dès le début, elle n'a pas pu empêcher les votes en faveur d'une taxe pérenne sur les hauts revenus, que le gouvernement voulait seulement "temporaire".
Pas plus qu'elle n'a pu réfréner un durcissement des mesures sur les rachats d'actions, le crédit d'impôt recherche ou le transporteur maritime CMA-CGM.
Le camp gouvernemental a même parfois cherché le soutien des oppositions, comme le MoDem pour relever la "flat tax" sur les revenus du capital, ou Les Républicains pour rétablir une "exit tax" contre l'exil fiscal aussi dissuasive qu'à sa création sous Nicolas Sarkozy.
Pire, droite et centre ont ouvertement fait obstacle à certaines mesures emblématiques comme les hausses de taxes sur l'électricité, les chaudières à gaz et les véhicules thermiques.
Une confusion dont même le RN s'est inquiété. "Je ne vois aucune coordination entre les différentes parties qui soutiennent M. Barnier", a commenté M. Tanguy durant la discussion, déplorant de ne pas savoir "du tout où va ce projet de loi de finances".
Le gouvernement en est-il lui-même certain ? Avant la commission, les ministres de Bercy avaient promis de compléter leur texte par amendements, avec notamment une hausse de la taxe sur les billets d'avion et une extension du prêt à taux zéro dans l'immobilier.
Mais vu le nombre et l'ampleur des modifications votées depuis mercredi, la question d'un passage en force dans l'hémicycle via l'arme du 49.3 pourrait vite se poser, afin d'éviter une nouvelle série de déconvenues.
M. Barnier a expliqué au JDD qu'il souhaitait que le débat parlementaire se développe, mais n'a pas exclu une adoption via le 49.3, car "retarder l'adoption du budget pourrait paralyser l'action publique, compromettre la gestion des finances de l'État et mettre en danger la crédibilité financière de la France".
Issue logique pour M. Coquerel, convaincu que le gouvernement "n'a pas envie d'être minoritaire sur son budget et de montrer une majorité complètement fissurée". Pour mieux pousser l'exécutif dans ses retranchements et dégainer une motion de censure, l'Insoumis semble écarter une motion de rejet qui "éviterait de débattre".
En face, les macronistes se tiennent prêts à "combattre tout ce qui menacera les emplois et le pouvoir d'achat des Français", prévient M. Amiel. Et côté gouvernement, "on se prépare à siéger jour et nuit, aussi longtemps que nécessaire", assure une source ministérielle.
36KD483