UE : un volet industriel au Pacte vert pour ne pas être lanterne rouge ?
En réponse à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain et ses subventions généreuses, la Commission européenne a été contrainte d’intégrer un volet industriel à son Pacte vert pour que ce secteur ne perde pas en compétitivité…
A la fin du mois de mars 2023, le Giec, Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a publié son sixième rapport d’évaluation, adopté à l’issue d’une session avec les représentants des 195 pays membres. Cette synthèse montre, entre autres, que les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont toujours en augmentation et que limiter le réchauffement de la planète à moins de 2 °C nécessite, tout à la fois, de supprimer les émissions mondiales nettes de CO2 et de réduire de manière draconienne les autres GES. D’où le besoin d’une action politique forte des États pour adapter leur économie à ces défis. Mais l’adaptation de l’industrie, pour indispensable qu’elle soit, aura un coût, qui risque de peser lourdement sur la compétitivité…
Le Pacte vert européen
Afin d’atteindre plus vite les objectifs qu’elle s’est fixée en matière d’énergie et de climat, l’UE a dégainé un Pacte vert européen (Green Deal), déclinaison pratique au sein de l’Europe de l’Accord de Paris de 2015 sur le réchauffement climatique, dont l’UE et ses États membres sont parties prenantes. Depuis, la Commission européenne affiche sa volonté de rendre l’UE neutre sur le plan climatique à l’horizon 2050, le plan Fit for 55 ambitionnant même une réduction de 55 % des émissions carbone d’ici à 2030.
Parmi les actions prévues dans ce Pacte vert, l’on trouve, certes, la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050, mais également l’accompagnement des territoires dans la transition écologique, la création d’un droit climatique européen, des investissements massifs pour une économie propre et circulaire, la création d’une taxe carbone aux frontières de l’UE, le soutien des investissements de transition écologique par la Banque européenne d’investissement (BEI)… Comme l’on pouvait s’en douter, nombreuses furent les palabres entre chefs d’État en coulisses, d’une part pour s’entendre sur les objectifs chiffrés et l’horizon retenu, d’autre part pour fixer la liste des activités économiques considérées comme durables sur le plan environnemental (taxonomie verte, qui intègre étonnamment le gaz et le nucléaire).
L’Inflation Reduction Act aux États-Unis
Ces nouvelles exigences environnementales ont placé l’industrie dans une situation tendue, dans la mesure où il s’agit pour les entreprises du secteur de se conformer à ces nouvelles exigences sans trop perdre en compétitivité. Ce d’autant plus qu’à l’été 2022, Joe Biden annonçait l’entrée en vigueur de l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis qui, contrairement à ce que laisse entendre son nom, est aussi un plan vert. Qu’on en juge : 370 milliards de dollars de subventions sont prévus pour les technologies vertes permettant une décarbonation de l’économie américaine !
Mais à la différence des Européens, l’administration américaine a su, comme à son habitude, mêler habilement bons sentiments et business. Ainsi, l’IRA prévoit des incitations fortes à acheter et à produire aux États-Unis, qui ne sont rien d’autre que des mesures protectionnistes. Les importantes subventions à l’achat de véhicules électriques sont depuis devenues un cas d’école, puisqu’elles sont assorties de conditions fortes sur l’endroit d’assemblage du véhicule et l’origine des pièces.
Un Pacte vert industriel face à la concurrence déloyale des États-Unis
Face à cette concurrence déloyale susceptible de frapper durement les investissements industriels au sein de l’UE et de favoriser les délocalisations aux États-Unis, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a présenté, début 2023, les quatre piliers du « plan industriel du Pacte vert ». Le premier pilier est notamment destiné à sécuriser l’approvisionnement des industriels européens en matières premières critiques et à simplifier la réglementation européenne, afin de faciliter le développement des infrastructures énergétiques renouvelables. Le deuxième, concerne le financement des investissements verts, la possibilité pour les États membres de l’UE d’accorder des aides aux entreprises engagées dans la transition écologique et, à terme, la création d’un « Fonds de souveraineté européen ». Le troisième pilier porte sur le développement des compétences et la reconversion des travailleurs issus d’autres secteurs. Enfin, le quatrième vise un « commerce international plus ouvert » et la protection du marché unique de la concurrence déloyale, réponse à peine voilée au protectionnisme des États-Unis.
Bien entendu, ce volet industriel va donner lieu à de nombreuses négociations entre États membres, Commission européenne et eurodéputés, tant il est porteur de risques au sein de l’UE (soutien à l’industrie des pays européens riches, concurrence faussée…). Et pour ne rien arranger, à l’approche des élections européennes, nombreux sont les chefs d’État à réclamer une pause réglementaire dans le Pacte vert. Hélas, pendant ce temps, les États-Unis n’hésitent pas à s’échapper du peloton, quitte à laisser l’UE devenir la lanterne rouge !