Trump déclenche sa guerre commerciale mondiale

Le président des États-Unis a décidé d’imposer des droits de douane élevés sur les importations, déclenchant ainsi une guerre commerciale dont il n’est pas certain que le consommateur américain en sorte gagnant. Eclairage.

(c) Adobe Stock
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Depuis son investiture le 20 janvier dernier, Donald Trump multiplie les prises de position et de décision à un rythme effréné. Il ne lui aura guère fallu que quelques jours pour annoncer des mesures protectionnistes de grande ampleur, car selon lui « les États-Unis ont été arnaqués par pratiquement tous les pays du monde » : surtaxe de 10 % sur les marchandises chinoises, droits de douane de 25 % sur les importations issues du Canada et du Mexique, et de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium (quel que soit le pays de provenance). Quant aux importations de l’Union européenne (UE), Trump veut les taxer, car ces pays « ne prennent presque rien, et nous prenons tout, des millions de voitures, des quantités énormes de nourriture et de produits agricoles ».

« Droits de douane réciproques »

Dernière trouvaille dans l’arsenal protectionniste de Donald Trump, le concept de « droits de douane réciproques », qui s’appliquera à partir du 1er avril prochain. Il s’agit d’une forme de loi du talion censée « rétablir l’équité dans les relations commerciales » en appliquant aux importations un niveau de droit de douane identique à celui subi par les exportations américaines. Dans le cas de la France, Trump pourrait ainsi rehausser les mesures tarifaires sur l’agroalimentaire, les produits étant frappés de droit de douane de 10 % contre 3,5 % aux États-Unis.

Ce faisant, Trump prouve qu’il raisonne en pur mercantiliste, considérant le commerce mondial comme un jeu à somme nulle. C’est ce qu’avait compris l’ex-chancelière allemande Angela Merkel qui, dans ses mémoires, décrit l’incapacité du président des États-Unis à seulement imaginer une coopération gagnant-gagnant, en lieu et place de la compétition mondiale. À ce jeu de massacre, il faudra par conséquent que l’administration américaine passe en revue la totalité des échanges et accords commerciaux — travail de fourmi ou de forçat, c’est selon —, afin de rééquilibrer les droits de douane.

Coût élevé du jeu de massacre

Dans ces dernières déclarations, le président des États-Unis a indiqué que les « droits de douane réciproques » prendraient en compte toutes les mesures défavorables au commerce de son pays, à l’instar des subventions publiques, du taux de change, de la politique salariale du pays et même du taux de TVA ! C’est dire combien la compensation qu’il exige pourrait augmenter le prix des marchandises selon les pays. Cela grèverait tout à la fois les coûts de production des entreprises importatrices et le pouvoir d’achat des consommateurs, mettant ainsi à mal l’économie des pays importateurs. Avec pour conséquence, à terme, un reflux de la demande adressée aux producteurs américains et donc un ralentissement de l’activité, accompagné d’un possible creusement du déficit commercial. Et avec les inévitables mesures de rétorsion, les entreprises et les consommateurs américains verront l’addition augmenter, ce qu’a déjà confirmé Trump.

Bref, tout le monde risque d’y perdre ! Et sur le plan légal, la politique protectionniste de Trump se heurtera non seulement à de nombreuses lois, mais aussi au principe cardinal de non-discrimination entre les pays de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), appelé clause de la nation la plus favorisée (NPF).

Réponses différentes des pays

Le Royaume-Uni, le Brésil, le Japon et l’Inde ont, d’ores et déjà, fait comprendre qu’ils ne s’engageraient pas dans un bras de fer avec l’administration Trump. Certains, à l’instar du président indien, seraient déjà prêts à négocier des concessions douanières et des accords commerciaux avec les États-Unis pour échapper à leurs foudres. Le récent épisode où Trump avait menacé la Colombie de droits de douane pour faire accepter le rapatriement d’immigrés colombiens laisse d’ailleurs à penser que la politique protectionniste des États-Unis sert surtout, en réalité, de moyen de pression dans les négociations politiques.

Quant à l’UE, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a certes assuré que « les droits de douane injustifiés imposés à l’UE ne resteront pas sans réponse : ils donneront lieu à des contre-mesures fermes et proportionnées ». Mais, difficile d’arrêter une position commune, chacun espérant tirer son épingle du jeu sans froisser davantage les États-Unis. Toujours est-il que l’UE s’en était bien sortie durant le premier mandat de Trump, lorsqu’elle avait répondu aux droits de douane imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium européens par des mesures ciblées sur les importations de bourbon et de Harley-Davidson. Tout un symbole, qui avait conduit Trump et Juncker, le prédécesseur d’Ursula von der Leyen, à enterrer la hache de guerre. Et depuis 2023, l’UE dispose d’un « instrument anti-coercition », autorisant à restreindre l’accès au marché européen, en cas de mesures commerciales injustifiées, ce qui permettrait, entre autres, de faire pression sur la balance des services entre les États-Unis et l’UE, encore excédentaire pour Washington contrairement aux marchandises.

Et dire que les États-Unis déclarent encore être une économie ouverte…