Préservation du patrimoine

« Le désastre de l'incendie de Notre-Dame a servi de déclencheur »

En octobre, le Salon international du patrimoine culturel a réuni, à Paris, les acteurs de ce secteur très tourné vers l'export. Mais, en France même, le drame de l'incendie de Notre-Dame de Paris de 2019 a eu pour effet de relancer l'intérêt pour le patrimoine et ses métiers. Trois questions à Stéphane Galerneau, président du Salon international du Patrimoine culturel et d'Ateliers d'art de France

(c)AlexGallosi 131
(c)AlexGallosi 131

Ce mois d'octobre, 24 au 27 à Paris, s'est tenue la 30e édition du Salon organisé par Ateliers d'art de France qui regroupe les professionnels du secteur. L'an dernier, 331 exposants y ont rencontré 19 000 visiteurs. Qui sont-ils ?

Stéphane Galerneau : Tous, des passionnés du patrimoine ! L'événement réunit les acteurs institutionnels du patrimoine, ceux, associatifs, très nombreux, qui s'investissent fortement pour sa protection ainsi que les professionnels, dans leur grande diversité. Sur le salon sont présents tailleurs de pierre, charpentiers, vitraillistes, charpentiers, staffeurs qui réalisent des éléments de décoration comme des corniches en plâtre... Et aussi tapissiers, facteurs d'orgues ou luthiers. Et des professionnels du bâti, avec de grands groupes comme Vinci qui interviennent dans les chantiers de restauration du patrimoine sont également présents. En fait, les contours de ce secteur ne sont pas faciles à délimiter : la loi reconnaît 281 métiers d'art. Ils se répartissent entre deux grandes familles. Celle de la création, qui représente le patrimoine de demain et celle de la rénovation. Sur le plan économique, d'après le ministère de l'Economie, cela représente environ 60 000 entreprises, 150 000 professionnels et 19 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Selon Bercy, près de la moitié (8 milliards d'euros) de l'activité de l'artisanat d'art est tournée vers l'export. Comment cela se concrétise-t-il sur le salon ?

Le salon est international à deux titres : par ses visiteurs, mais aussi par ses exposants. Chez ces derniers, cette année, 11 pays sont représentés avec leurs savoir-faire spécifiques. Par exemple, la Suisse avec l'horlogerie, la Chine avec le travail de broderie ou l'Allemagne, d'où provient un très ancien atelier de battage d'or qui fabrique des feuilles d'or pour les restaurateurs et les doreurs. Du côté des visiteurs, 12% environ d'entre eux viennent de l'étranger. La proportion n'est pas immense, mais il s'agit de visiteurs à fort pouvoir d'achat et qui portent des projets. Certains d'entre eux sont professionnels, comme la décoration d' une chaîne d'hôtels ou de casino. D'autres concernent la rénovation ou la décoration de châteaux, hôtels particuliers, demeures de clients privés.. Ces visiteurs proviennent de divers endroits dont les pays arabes et les États-Unis. Les Américains sont des clients fidèles. Dans un pays jeune comme le leur, la France représente quelque chose d'exceptionnel en matière de patrimoine et de création.

Le 8 décembre, la cathédrale Notre-Dame de Paris va rouvrir ses portes, closes depuis le terrible incendie du 15 avril 2019. Cinq années d'une colossale restauration ont été nécessaires. Au delà du chantier en soi, que représente cet événement pour les métiers d'art ?

Quand tout va bien, il est compliqué de mener à bien le travail de fond indispensable pour sauver un petit moulin, entretenir une fontaine... A ce titre, le désastre de l'incendie de Notre- Dame a servi de déclencheur : il a provoqué une prise de conscience de l'importance du patrimoine. On sent bien qu'il a généré un élan national. Sur le territoire, les collectivités – mairies, agglos, régions... - ont financé plus facilement des chantiers. Des associations qui militent pour le patrimoine ont obtenu des fonds. Cela a également favorisé les démarches concernant l'utilisation de matériaux, comme le granit breton qu'il n'était peut être plus rentable d'exploiter car ils n'y avait plus de demande. Ils font partie de notre patrimoine, ils correspondent aux matériaux d'origine des bâtiments dans les régions... Le chantier de Notre-Dame a aussi permis la découverte ou la redécouverte des métiers du patrimoine, contribué à revaloriser du travail manuel. Cela a initié une motivation nouvelle à diriger vers nos métiers les jeunes ou les personnes qui souhaitent réaliser une reconversion professionnelle.