Trafic de drogue à Marseille: ouverture du procès de quatre hommes jugés pour torture d'un "charbonneur"

L'adolescent avait été séquestré et torturé toute une nuit, brûlé sur certaines parties du corps au chalumeau. Le procès de quatre hommes jugés pour le lynchage d'un jeune vendeur de drogue en août 2019 dans une...

L'entrée de la cité des Micocouliers dans le 14ème arrondissement de Marseille, en 2011 © BORIS HORVAT
L'entrée de la cité des Micocouliers dans le 14ème arrondissement de Marseille, en 2011 © BORIS HORVAT

L'adolescent avait été séquestré et torturé toute une nuit, brûlé sur certaines parties du corps au chalumeau. Le procès de quatre hommes jugés pour le lynchage d'un jeune vendeur de drogue en août 2019 dans une cité marseillaise s'est ouvert vendredi à Aix-en-Provence. 

A l'ouverture de l'audience, à la cour d'assises, les quatre jeunes hommes poursuivis ont écouté attentivement l'énoncé des faits, ne démontrant aucune émotion particulière.

Leur victime, Mathieu - le prénom est modifié -, 16 ans, rêvait de gagner 500 euros par jour en venant dealer à Marseille. En août 2019, il quitte le foyer de l'Aide sociale à l'enfance où il est placé depuis quelques mois à Chartres (Eure-et-Loir).

A son arrivée dans la cité des Micocouliers, un des nombreux points de vente de drogue des quartiers Nord, il est recruté le 9 août comme "charbonneur" (vendeur). La police l'interpelle juste après sa prise de fonction, mais l'adolescent parvient à dissimuler sous un arbre 15 grammes de cocaïne et 10 barrettes de shit. Conduit devant un juge des enfants, il est placé en foyer dans l'attente de son retour jusqu'à Chartres, accompagné d'un éducateur.

Il fugue, récupère la drogue cachée et, le 12 août en fin d'après-midi, tente de la revendre au pied du bâtiment A6 de la cité Félix-Pyat, mais sans l'autorisation des responsables de ce haut lieu du trafic à Marseille.

Dénoncé par un jeune guetteur, il est aussitôt entouré et frappé à coups de poing et de barre de fer puis conduit dans un local associatif désaffecté, où sont hébergés "les Parisiens", nom donné à la main d'œuvre du réseau venant d'autres régions de France.

"Ils m'ont traité pire qu'un animal", racontera lors de l'enquête Mathieu qui est alors entièrement dénudé, attaché sur une chaise avec du câble électrique, frappé et brûlé à quarante reprises avec une cigarette. "Dans la cave, il y avait beaucoup de monde, ils m'ont frappé, ils m'ont fait sniffer de la coke".

Tu vas mourir

Au milieu de la nuit, alors qu'il a les yeux bandés, deux "grands" lui annoncent qu'il va mourir. "Ils m'ont brûlé les parties génitales. Je pense que c'était un chalumeau car j'avais les yeux bandés (...). Je hurlais de douleur". 

Pour échapper aux souffrances, l'adolescent avait tenté de se suicider en s'étouffant avec le chiffon que ses geôliers lui avaient enfoncé dans la bouche.

En novembre 2022, un de ses tortionnaires, jugé par la cour d'assises des mineurs, a été condamné à 10 ans de prison pour enlèvement et séquestration accompagnée de tortures et d'actes de barbarie. Mathieu l'avait identifié comme celui qui lui avait fait prendre de force de la cocaïne.

Écartant ceux qui n'avaient été que les spectateurs-voyeurs de son lynchage, il a désigné les quatre accusés de ce procès comme ses geôliers violents. Les yeux bandés lors des brûlures au chalumeau, l'adolescent a reconnu, lors d'une confrontation, la voix de celui qui pestait: "Tu vas mourir, tu es coriace (...), tu m'as cassé mon chalumeau".

Seul un des quatre accusés a reconnu des coups mais affirme "n'avoir rien à voir avec ce qui s'est passé après". Tous encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

A l'insu des organisateurs du lynchage, des "petits" avaient donné à boire et des vêtements à Mathieu après cette nuit de tortures et deux "grands" l'avaient conduit à l'hôpital. L'un d'entre eux, surnommé "Bob", devrait raconter aux jurés qu'il ne fallait surtout pas que les trafiquants connaissent son rôle.

Les audiences mettront en lumière l'omerta imposée par les trafiquants à toute cette cité du 3e arrondissement, l'une des plus paupérisées de Marseille mais aussi les spirales d'emprise et de violences dans lesquelles sont souvent pris les "jobbers", ces jeunes originaires d'une autre région que le mirage de l'argent facile attire dans la deuxième ville de France pour des petits boulots de guetteur ou vendeur sur les points de deal.

Le verdict est attendu vendredi 15 septembre.

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