Taxe de séjour: Airbnb condamnée en appel à payer 8,6 millions d'euros à l'île d'Oléron

Pour l'île d'Oléron, c'est une "victoire historique": la plateforme Airbnb a été condamnée mardi en appel à lui payer plus de 8,6 millions d'euros d'amendes alourdies pour ses "manquements graves" à la collecte de...

Logo de la plateforme Airbnb, le 2 mars 2017 à Paris © Lionel BONAVENTURE
Logo de la plateforme Airbnb, le 2 mars 2017 à Paris © Lionel BONAVENTURE

Pour l'île d'Oléron, c'est une "victoire historique": la plateforme Airbnb a été condamnée mardi en appel à lui payer plus de 8,6 millions d'euros d'amendes alourdies pour ses "manquements graves" à la collecte de la taxe de séjour en 2021 et 2022.

"L'histoire retiendra qu'une petite île de l'Atlantique a fait plier le géant américain du tourisme numérique", s'est félicité dans un communiqué le président de la communauté de communes oléronaise (CDCO) Michel Parent.

"Une seconde victoire historique", selon lui, qui "couronne plus de cinq ans de démarches, d'abord amiables, puis judiciaires, auprès de la société Airbnb qui ne daignait même pas nous répondre lors de [leurs] premières tentatives".

En première instance, le tribunal judiciaire de La Rochelle avait déjà condamné la branche européenne d'Airbnb, basée en Irlande, à 30.000 euros d'amende en juin 2023 pour l'année 2021, puis 1,3 million en avril 2024 au titre de 2022.

La société avait fait appel, mais dans ses deux arrêts rendus mardi, la cour de Poitiers a considérablement alourdi la sanction: 5,1 millions d'euros pour 2021 et 3,5 millions pour 2022.

Airbnb envisage un nouveau recours, jugeant ces amendes "disproportionnées", car "plus de 25 fois" supérieur à celui de la taxe de séjour non collectée.

"Nous avons résolu le problème identifié à Oléron lorsque nous en avons été informés et tous les montants non versés ont déjà été payés à la communauté de communes, avec intérêts de retard", avant même cette action en justice, déclare la plateforme.

Des milliers de nuitées

Les amendes prononcées correspondent en effet non pas aux arriérés de taxe de séjour, mais à l'amende légale en cas de manquement initial à son versement, multipliée par le nombre de nuitées concernées (5.066 pour 2021 et 2.344 pour 2022).

En première instance, elles étaient en dessous du plancher légal (750 euros, pour un plafond de 2.500).

La cour d'appel a relevé le niveau des sanctions à 1.500 euros par manquement pour 2022 et 1.000 euros pour 2021, jugeant les faits reprochés à Airbnb "d'autant plus graves que le recouvrement de la taxe de séjour représente une part non négligeable du budget de la collectivité pour financer les dépenses liées à l'afflux de touristes sur la période estivale".

"C'est une ressource importante qui permet de financer la surveillance des plages, la protection des espaces naturels, la création de pistes cyclables...", souligne le directeur général des services de la collectivité, Joseph Hughes, qui ajoute que le développement de logements touristiques Airbnb et d'autres plateformes "se fait au détriment du logement à l'année".

"Cette décision judiciaire démontre qu'aucun géant n'est au-dessus de la loi, salue Jonathan Bellaiche, avocat de la CDCO. Nous n'avons rien lâché et nous ne lâcherons rien pour que la loi soit respectée."

"Il est de la responsabilité d'une plateforme comme Airbnb d'être irréprochable concernant le respect de la réglementation, surtout lorsqu'il s'agit du paiement d'une taxe", a-t-il ajouté.

"Airbnb prend ses obligations fiscales très au sérieux et collecte la taxe de séjour dans près de 25.000 villes en France", répond la plateforme.

Sous-collecte majeure

Pour la cour d'appel, Airbnb "a été particulièrement négligente en laissant perdurer" "une erreur consistant à retenir la date de la réservation au lieu de la période du séjour", qui a engendré une "sous-collecte majeure" de la taxe de séjour en 2021 et 2022.

Or, estiment les juges, cette "professionnelle" de la réservation en ligne "ne pouvait ignorer" le passage à la "taxe au réel" inscrit dans la loi de finances 2020 qui a confié aux plateformes l'obligation de collecter la taxe de séjour et de la reverser aux collectivités.

Et si Airbnb "se prévaut de sa totale bonne foi et de sa coopération avec les collectivités territoriales", la CDCO a dû "assigner la société en référé pour obtenir communication des fichiers de réservation", ajoutent-ils.

La collectivité oléronaise a également engagé des procédures contre la plateforme Booking et le site internet Le Bon Coin. 

"Je pense que ça va créer une jurisprudence qui permettra aux collectivités de se protéger", a déclaré le président de la collectivité oléronaise Gilles Parent à l'AFP. "Les plateformes et les multinationales n'auront aucun intérêt à ne pas respecter la loi".

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