Sous la menace d'une inéligibilité, Marine Le Pen à l'heure des choix

Menacée par une peine d'inéligibilité qui anéantirait ses ambitions élyséennes pour 2027, Marine Le Pen joue ces prochaines semaines sa survie politique. Pour reprendre la main, l'hypothèse de censurer le gouvernement Barnier dès cet...

Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national, sort de la salle d'audience lors d'une pause dans le procès des assistants parlemantaires du RN, le 13 novembre 2024 à Paris © GEOFFROY VAN DER HASSELT
Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national, sort de la salle d'audience lors d'une pause dans le procès des assistants parlemantaires du RN, le 13 novembre 2024 à Paris © GEOFFROY VAN DER HASSELT

Menacée par une peine d'inéligibilité qui anéantirait ses ambitions élyséennes pour 2027, Marine Le Pen joue ces prochaines semaines sa survie politique. Pour reprendre la main, l'hypothèse de censurer le gouvernement Barnier dès cet hiver est passée de fantaisiste à probable.

"L'accusation va accuser, ce qui ne me fera pas tomber de ma chaise, a priori..." Mardi soir, dans le salon d'un palace parisien où l'on fêtait la sortie du livre de Jordan Bardella, Marine Le Pen voulait faire entendre le calme des vieilles troupes, à la veille des réquisitions qui la visent dans le procès des assistants des eurodéputés RN.

Les cinq ans d'emprisonnement, dont deux ferme, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate finalement réclamés mercredi par les procureurs l'ont néanmoins fait quelque peu vaciller.

"La seule chose qui intéressait le parquet, c'était Marine Le Pen pour pouvoir demander son exclusion de la vie politique (...) et puis le Rassemblement national pour pouvoir ruiner le parti", a protesté celle qui s'était jusqu'alors refusé à qualifier de "politique" ce procès.

Le vice-président du RN Sébastien Chenu a abondé jeudi, dénonçant "un parquet au service d'une mission politique". "Dans quel pays vivrions-nous dans lequel on empêcherait à la principale femme politique (...) de pouvoir se présenter". 

Le recours Bardella

Jordan Bardella, qui n'est pas poursuivi, a pour sa part vu dans les conclusions de l'accusation autant un "acharnement" qu'"une atteinte à la démocratie".

Le président du Rassemblement national, 29 ans, apparaît surtout plus que jamais comme un recours si la décision des juges - attendue début 2025 - suivait ces réquisitions d'inéligibilité. 

Avait-il pris les devants? Mardi, sur CNews, le champion des dernières élections européennes avait en tout cas expliqué que ce sont "les circonstances" qui "déterminent" la meilleure candidature à la présidentielle.

"C'est évident, ça dépendra des circonstances et il a raison de le dire", avait dans la foulée commenté, magnanime, Marine Le Pen, faisant valoir qu'"un certain nombre de personnes cherchent peut-être à (l')empêcher d'être candidate par l'intermédiaire de la justice, parce qu'ils ne peuvent pas y arriver par l'intermédiaire des urnes". 

Jordan Bardella a affirmé jeudi sur CNews et Europe 1 qu'il serait "irresponsable" de sa part de se positionner comme candidat de substitution au moment où les réquisitions du parquet font mettre à son parti "un genou à terre".

Menaçante

Certes, la sévérité de la peine réclamée n'est pas une surprise.

Mardi soir, Philippe Olivier, conseiller et beau-frère de Marine Le Pen, esquissait un retro-planning: "On ne se laissera pas faire. On en appellera à l'opinion publique. Et on fera dix points de plus aux prochaines législatives". 

Reste que l'idée même d'une exécution provisoire, c'est-à-dire que l'inéligibilité soit immédiate et non suspendue par un recours en appel, n'a pas été totalement anticipée. 

Pour Marine Le Pen, il s'agit désormais de reprendre la main. 

Alors que Jordan Bardella savoure déjà le succès commercial de son ouvrage à grand renfort de promotion sur les antennes du groupe Bolloré - 25.000 exemplaires vendus en trois jours, selon son entourage -, la patronne du groupe RN à l'Assemblée nationale s'interroge.

Celle qui s'était engagée à ne pas censurer d'office le Premier ministre Michel Barnier, ne voyant que des inconvénients à renverser un gouvernement avant qu'une nouvelle dissolution ne soit possible - c'est-à-dire en juillet prochain - se fait soudainement menaçante.

"Oui, il y a un chemin qui s'est fait dans mon esprit", lance-t-elle, en prévenant que "ceux qui sont confiants ne devraient pas l'être tant que ça".

En privé, ses lieutenants décryptent: "Ce qui nous retenait de voter la motion de censure, c'étaient deux électorats de conquête, les retraités et les chefs d'entreprise, dont nous craignions qu'ils nous accusent d'irresponsabilité si nous faisions sauter le gouvernement".

Or, poursuit l'un des mêmes, "ceux-là nous demandent maintenant aussi de censurer", ajoutant leurs voix à celles de "notre électorat historique".

"Michel Barnier a choisi le chemin de la censure du Rassemblement national", a affirmé jeudi soir le député Jean-Philippe Tanguy sur BFMTV, en précisant que le groupe parlementaire trancherait sur cette question.

De son côté, Jordan Bardella a récusé tout lien entre les ennuis judiciaires du RN et la décision de censurer ou pas le gouvernement.

"On ne mélange pas tout", a-t-il dit sur Europe 1 et CNews.

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