Selon l'ONU, la guerre commerciale est le moment de se réinventer pour les pays pauvres
Les pays en développement vont devoir se réinventer face aux turbulences du commerce international, qui les frappent de manière disproportionnée, en diversifiant leur clientèle à l'export, en ajoutant de la valeur à leur production...

Les pays en développement vont devoir se réinventer face aux turbulences du commerce international, qui les frappent de manière disproportionnée, en diversifiant leur clientèle à l'export, en ajoutant de la valeur à leur production nationale et en s'alliant régionalement, recommande l'ONU.
"S'il y a jamais eu un moment pour opérer ce virage vers la diversification, la valorisation et l'intégration régionale — ce que j'appelle la 'reglobalisation stratégique' — c'est maintenant", a lancé Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du Commerce International (CCI, une entité conjointe de l'ONU et de l'OMC) lors d'un briefing à Genève.
"Cela se caractérise par un commerce mutuellement bénéfique, plutôt que par une aide au développement traditionnelle", a-t-elle ajouté.
Elle reconnaît que la guerre commerciale déclenchée par le président américain Donald Trump posait d'importants défis aux pays les plus démunis comme le Lesotho, le Cambodge, le Laos ou encore Madagascar et la Birmanie.
Ces pays pauvres sont "les plus exposés aux instabilités du système de commerce mondial et les moins équipés pour s’adapter en cas de besoin", a renchéri la responsable.
Les petites entreprises de ces pays, n’ont pas la capacité d’absorber des coûts supplémentaires ou de faire face à l'ampleur de tels changements.
Certains de ces pays dépendent aussi de façon disproportionnée du marché américain notamment parce qu'ils pouvaient y exporter leurs produits sans droits de douane grâce au African Growth and Opportunity Act.
Le Lesotho - "un pays que personne ne connaît" selon Donald Trump qui voulait taxer ses biens à l'importation de 50%- a profité de l'AGOA. Il envoie 60% de ses exportations de vêtements vers le marché américain pour plus de 230 millions de dollars en vêtements par an au cours des cinq dernières années.
Avant la suspension des tarifs "réciproques" mercredi, le Lesotho faisait face à des pertes potentielles d'exportations de 210 millions de dollars sur le marché américain d'ici 2029.
Pour le Bangladesh, le tarif "réciproque" de 37% -s'il venait à entrer en vigueur- pourrait coûter 3,3 milliards de dollars par an en exports vers les Etats-Unis d'ici 2029, selon le CCI.
Les oeufs, le panier
Mme Coke-Hamilton résume ainsi la stratégie de diversification : "Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier".
Ainsi, le Bangladesh pourrait explorer les marchés européens, "qui offrent encore un potentiel de croissance pour ses vêtements".
Le Lesotho peut exploiter des marchés alternatifs tels que la Belgique ou l'Eswatini.
Et "bien que cela ne compense pas les pertes estimées, c'est un moyen d'atténuer l'impact", selon la responsable.
Pour la création de valeur, l'idée est de faire de la transformation des produits avant de les exporter pour avoir de meilleures marges et amortir les chocs comme des baisses soudaines des prix du café, du cacao ou du cuivre sur les marchés mondiaux.
Enfin le troisième pilier concerne l'intégration régionale à l'instar de la Zone de libre-échange continentale africaine. Selon le CCI, si les tarifs étaient totalement éliminés, la Côte d'Ivoire pourrait augmenter ses exportations intra-africaines de 25%, compensant partiellement les pertes anticipées de 563 millions de dollars sur le marché américain.
"Il existe donc des opportunités pour les pays en développement non seulement d'affronter les périodes d'incertitude, mais aussi de se préparer de manière proactive pour le long terme", insiste Mme Coke-Hamilton.
Accès privilégié
Tous les pays en développement ne sont pas égaux face à ces défis. "La capacité du Vietnam à changer ses chaînes d'approvisionnement ou à se tourner vers d'autres marchés va être beaucoup, beaucoup plus grande" que le Lesotho, qui produit seulement deux choses : du textile-habillement et des diamants, souligne Mme Coke-Hamilton.
Mais elle insiste aussi sur des opportunités qui n'ont pas encore été exploitées.
"Il existe tellement d'accords (commerciaux) qui sont avantageux pour les pays en développement mais qui n'ont pas été pleinement exploités en raison de contraintes du côté de l'offre", insiste la cheffe du CCI, ajoutant qu'il faut aussi travailler sur le respect de certaines normes et certains mécanismes d'exportation qui, "peuvent actuellement constituer un défi pour répondre aux exigences de certains marchés".
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