Santé: où est passé le plan contre l'infertilité ?

Début 2024, Emmanuel Macron annonçait un grand plan contre l'infertilité: il n'est pas devenu réalité. Le gouvernement veut désormais s'emparer simultanément des thématiques de vieillissement et de natalité, au risque...

La ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui avait évoqué un "plan démographique 2050", a réitéré vendredi son souhait de passer par une approche globale qui prenne à la fois en compte les enjeux de natalité et de vieillissement dans leurs ramifications multiples © Ludovic MARIN
La ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui avait évoqué un "plan démographique 2050", a réitéré vendredi son souhait de passer par une approche globale qui prenne à la fois en compte les enjeux de natalité et de vieillissement dans leurs ramifications multiples © Ludovic MARIN

Début 2024, Emmanuel Macron annonçait un grand plan contre l'infertilité: il n'est pas devenu réalité. Le gouvernement veut désormais s'emparer simultanément des thématiques de vieillissement et de natalité, au risque, selon des spécialistes, de mélanger les genres.

L'infertilité est le "tabou du siècle", affirmait en janvier 2024 le président de la République, annonçant "un grand plan de lutte contre ce fléau".

Objectif: réduire l'ampleur d'un phénomène qui touche plus de trois millions de Français. Un couple sur quatre, en effet, tente sans succès d'avoir un enfant pendant plus d'un an.

Or l'annonce présidentielle n'a guère été suivie d'effets.

Un rapport commandé par l'exécutif et remis en 2022 avait largement inspiré l'idée d'un plan contre l'infertilité. 

Des programmes de recherches ont été lancés, par exemple pour améliorer l'efficacité des procréations médicalement assistées (PMA), mais l'infertilité n'a fait l'objet d'aucune campagne ou mesure concrète auprès du grand public. 

Quelques pistes, inspirées du rapport, sont certes étudiées par la Haute autorité de santé (HAS): une consultation spécialisée à partir de 29 ans pour les femmes et les hommes, et une autre consultation 100 jours avant qu'un couple se lance dans la conception d'un enfant.

Mais "pour tout le reste, je vous mentirais en disant qu'on a avancé sur quelque chose de concret", admet auprès de l'AFP le professeur Samir Hamamah, spécialiste de la reproduction et co-auteur du rapport. 

Certains manques apparaissent criants au spécialiste. 

Pourquoi ne pas mieux informer sur la baisse de la fécondité dès après 25 ans, alors que les difficultés à concevoir sont souvent liées à des tentatives trop tardives ?

"Les Français doivent savoir que leur fertilité chute avec l'âge", insiste M. Hamamah.

Le sujet n'est pas totalement absent de l'agenda du gouvernement. Ce vendredi, la ministre Catherine Vautrin, dont le large portefeuille comprend la santé, menait un déplacement consacré à l'infertilité à l'hôpital parisien Tenon. 

Des enjeux différents

Cette visite n'a pas été l'occasion d'annonces concrètes. La ministre, qui avait évoqué voici quelques semaines un "plan démographique 2050", a réitéré son souhait de passer par une approche globale qui prenne à la fois en compte les enjeux de natalité et de vieillissement dans leurs ramifications multiples.

"L'idée, c'est de vraiment prendre tous les sujets", également "le logement", le "handicap", "les sujets d'accès au soin" ou "l'alimentation", a-t-elle énuméré, promettant une "feuille de route" pour les mois à venir.

"Il y aura non seulement des choses autour de l'infertilité mais (aussi) des approches globales", a assuré Mme Vautrin, admettant par ailleurs que le déploiement du plan n'avait pas été aidé par l'instabilité politique et les changements fréquents de gouvernement depuis un an.

Cette approche globale suscite une grande méfiance de la part de spécialistes et d'associations de patients, qui redoutent un mélange des genres pouvant rendre inaudible la question de l'infertilité.

"Ca va nous mettre des bâtons dans les roues", redoute, auprès de l'AFP, Virginie Rio, présidente du collectif BAMP qui regroupe des patients de l’assistance médicale à la procréation et des personnes infertiles.

"On va mélanger des sujets peut-être liés mais qui ont des enjeux et des objectifs différents", avance-t-elle.

Un regret revient dans ses propos, comme dans ceux de M. Hamamah: M. Macron n'aurait pas dû lier l'annonce du plan infertilité au souhait d'un "réarmement démographique", au risque de prêter le flanc aux accusations d'idéologie nataliste.

En associant de nouveau l'infertilité et la démographie, "on va avoir une réaction de gens qui ne veulent pas d'enfants, beaucoup plus audibles que les personnes infertiles", regrette Mme Rio. "C'est invisibiliser les besoins relatifs à l'infertilité, qui est déjà un sujet difficile à faire exister dans la société."

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