Sainte-Soline: report de la fin du procès des organisateurs des manifs interdites
Le procès des organisateurs des manifestations contre les "bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), interdites par les autorités, se terminera fin novembre, les débats menaçant de s'éterniser jusqu'au bout de la nuit dans un tribunal de...
Le procès des organisateurs des manifestations contre les "bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), interdites par les autorités, se terminera fin novembre, les débats menaçant de s'éterniser jusqu'au bout de la nuit dans un tribunal de Niort surchauffé et transformé en tribune politique.
Après environ huit heures de débat dans une salle non climatisée, où les cahiers tenaient lieu d'éventails, le président du tribunal correctionnel Eric Durrafour a décidé de reporter la fin de l'audience au 28 novembre à 09H00.
Le procureur de la République de Niort Julien Wattebled a donné son aval pour "la sérénité des débats".
Les neuf prévenus - responsables syndicaux ou militants écologistes - ont quitté la salle d'audience pour se diriger vers le centre-ville où les attendaient des militants venus les soutenir avec des flambeaux.
Julien Le Guet, porte-parole du collectif "Bassines non merci" (BNM), opposant historique à ces réserves d'eau pour l'irrigation agricole, a dénoncé l'"amateurisme" de la justice et un comportement "tellement irrespectueux pour les témoins" qui n'ont pas pu être entendus.
Il est poursuivi pour la manifestation du 25 mars marquée par de violents affrontements avec les forces de l'ordre, comme quatre autres prévenus - Benoît Feuillu et Basile Dutertre, militants des Soulèvements de la Terre, Benoît Jaunet et Nicolas Girod, représentants de la Confédération paysanne.
Trois d'entre eux répondaient aussi de la manifestation du 29 octobre dernier, ainsi que deux syndicalistes CGT et Solidaires dans les Deux-Sèvres, David Bodin et Hervé Auguin. Ils encourent six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende.
Sébastien Wyon, de la Confédération paysanne, et Nicolas Beauvillain, de BNM, comparaissaient, eux, pour le vol d'une canalisation lors d'une précédente manifestation en mars 2022, qui est également reproché à Basile Dutertre.
Ce dernier - de son vrai nom Joan Monga - a refusé de répondre aux questions sur ce vol et assuré qu'il n'était "pas l'organisateur de ces manifestations".
"Je ne suis qu'un camarade, que porte-parole d'un syndicat qui s'inscrit dans un collectif, je ne suis en aucun cas un décideur", s'est également défendu Hervé Auguin.
"C'est un procès historique car c'est le procès de l'eau, a lancé Nicolas Beauvillain. Soit vous ferez de nous des lanceurs d'alerte, soit des martyrs de la guerre de l'eau qui a déjà commencé."
Volonté d'intimider
Seize "bassines" sont programmées, dont celle de Sainte-Soline, la plus grande. Ces retenues creusées dans la terre visent à stocker de l'eau puisée dans les nappes en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient.
Leurs partisans en font une assurance-récolte indispensable à la survie des agriculteurs irrigants (minoritaires au sein de la profession) face aux sécheresses à répétition. Les opposants dénoncent un "accaparement" de l'eau par "l'agro-industrie" et réclament un moratoire.
Les avocats des prévenus s'interrogeaient unanimement sur les raisons de poursuivre des personnes physiques plutôt que les organisations qu'elles représentent, dénonçant une volonté d'intimider ou de décourager les mouvements sociaux.
Après de premières violences en octobre à Sainte-Soline, la manifestation de mars avait dégénéré rapidement en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants ont passé plusieurs semaines dans le coma.
Dans un rapport, la Ligue des droits de l'Homme a dénoncé un "usage disproportionné" des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l'ordre.
Changeons de modèle
"Le procès que j'appelle de mes vœux, c'est celui des bourreaux de Sainte-Soline, des membres de la chaîne de commandement qui a autorisé l'envoi de 5.000 grenades sur les manifestants de Sainte-Soline", a lancé à la barre Julien Le Guet.
Nicolas Girod, ancien porte-parole national de la Confédération paysanne, est aussi venu "témoigner de la peur" ressentie le 25 mars, "la faute à une gestion de la manifestation par les forces du désordre".
La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, venue à Niort vendredi, a dénoncé un "scénario écrit d'avance" par le gouvernement "pour faire porter à nos organisations (...) la responsabilité des graves violences qui ont eu lieu à Sainte-Soline" et incriminé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, "qui devrait être au tribunal aujourd'hui", "puisque c'est lui qui, la veille de la manifestation, a annoncé qu'elle serait extrêmement violente".
Une manifestation de soutien a également rassemblé 2.000 personnes en fin de matinée à Niort selon la préfecture, qui leur a interdit d'approcher du tribunal et autorisé la police à utiliser des drones de surveillance.
"Les mégabassines assoifferont nos enfants", "Changeons de modèle agricole, gardons l'eau dans les sols", pouvait-on lire sur des banderoles.
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